L’un des plus importants changements survenus dans l’environnement de travail au cours des quatre dernières années a été la disponibilité et l’adoption de modes de travail flexibles. Cependant, si la flexibilité est passée au premier plan pendant la pandémie, son importance a depuis diminué. C’est ce qu’il ressort de la dernière étude « People at Work 2024 : l’étude Workforce View » menée par l’ADP Research Institute auprès de plus de 34 000 actifs dans 18 pays, dont près de 2 000 en France.
Selon l’enquête, la part des travailleurs exclusivement sur site a augmenté en France, grimpant de 65 % à 69 % en un an, ainsi qu’au niveau international où elle est passée de 52 % à près de 55 %. La part des collaborateurs hybrides en France a, elle, diminué de 6 points, atteignant seulement 20 % (34 % au niveau monde), alors que celle des salariés en 100% télétravail a progressé de 9 % à 11 % (12 % au niveau monde).
« Si on remarque une hausse du retour au bureau depuis 2022, il y a une relative fluctuation depuis. De plus, il y a une différence entre ce que l’employeur propose et la réalité, car 40 % des sondés pensent que leur employeur autoriserait une certaine flexibilité sur le lieu de travail, avec un minimum de jours au bureau. Or, seuls 20% travaillent réellement en mode hybride, commente Carlos Fontelas De Carvalho, président d’ADP en France, Suisse et Suède.Les salariés n’hésitent donc pas à revenir au bureau en France, et ce depuis un certain temps, et plus encore que leurs homologues européens : face aux près de 69 % de Français travaillant exclusivement sur site, on compte 65% des salariés allemands, 63 % en Espagne et seulement 57% des collaborateurs britanniques ».
Concernant le 100 % télétravail, il estime que le taux de 11 % de salariés français en 100% télétravail est très proche des tendances observées en Europe et dans le reste du monde. « Et cette hausse est toute relative, affirme-t-il. Il se trouve que 2,2 % des salariés ont déclaré une fermeture des bureaux et un passage en télétravail permanent : ce peut être une hypothèse pour expliquer cette légère augmentation entre 2023 et 2024 ».
La flexibilité : une priorité en déclin pour les salariés français
La flexibilité des horaires de travail est importante pour 26 % des salariés français (31 % en 2023). Quel que soit leur âge, ils la classent après le salaire (63 %), le plaisir au travail (44 %) et la sécurité de l’emploi (34 %). De plus, seuls 12 % des répondants (15 % en 2023) estiment que c’est un critère important dans leur emploi, soit une proportion légèrement inférieure à la moyenne en Europe, ainsi qu’à celles observées en Asie-Pacifique, en Amérique latine et en Amérique du Nord. « La flexibilité a toujours de la valeur, surtout concernant les horaires de travail. Son large développement ces dernières années fait que beaucoup considèrent ce mode de travail comme un acquis désormais, note Carlos Fontelas De Carvalho. Ce qui est frappant pour les salariés français, c’est surtout que l’importance du plaisir et de l’épanouissement au travail a pris le pas sur la sécurité de l’emploi », ajoute-t-il.
Les salariés évoluant dans le secteur informatique et des télécommunications (36 %) et de la finance (32 %), ceux âgés de 35 à 44 ans (3 % contre 19 % des 18-24 ans), ainsi que les femmes (31 % contre 22 % des hommes) sont plus nombreux à placer la flexibilité des horaires parmi leurs principales priorités au travail. La flexibilité du lieu de travail est jugée importante pour 16% des jeunes âgés de 18 à 34 ans, contre 9 % des 55 ans et plus, ainsi que pour 20 % de ceux exerçant dans le domaine de l’architecture, de l’ingénierie et de la construction. « Les secteurs d’activité dans l’informatique ou la finance sont essentiellement des métiers dits « de bureau », qui ont été moins perturbés par l’organisation du passage en 100 % télétravail lors de la crise, explique le président d’ADP. Concernant les 35-44 ans, c’est proche de l’âge moyen de l’entrée des enfants à l’école, ce qui implique des nouvelles organisations pour les salariés, et un besoin potentiel de flexibilité. L’âge moyen à l’accouchement est en effet de 31 ans en France en 2023, selon l’Insee. Et nous lisons encore trop régulièrement des statistiques qui disent que les femmes passent plus de temps que les hommes à s’occuper des enfants ».
Un sentiment de surveillance
Selon l’étude, les cadres et les télétravailleurs ressentent une surveillance accrue de la part de leur employeur. En effet, alors que la moitié des salariés français (50 %) pensent que leur employeur surveille de près leurs horaires et présences, ce sentiment est encore plus répandu chez les télétravailleurs (56 %). Les collaborateurs hybrides sont, en revanche, moins susceptibles (43 %) de se sentir surveillés. « Avec un fort développement du travail à distance, nous constatons que de plus en plus d’entreprises investissent dans un véritable système de gestion des temps et des activités, explique Carlos Fontelas De Carvalho. Lors de la mise en place de ces outils, parfois dans des organisations qui en étaient totalement dépourvues, il peut y avoir un temps d’adaptation pour les managers comme pour les collaborateurs, qui peut s’apparenter pour certains à un ressenti de surveillance ».
Les cadres supérieurs sont plus enclins que les collaborateurs qui ne sont pas managers à juger qu’ils sont davantage surveillés. 59% d’entre eux déclarent que leur employeur les surveille de près, contre 44% des collaborateurs non managers. En outre, la conviction que les employeurs surveillent plus que jamais les travailleurs n’est pas répandue dans tous les secteurs. Elle est la plus forte dans les secteurs du commerce, de la restauration-hôtellerie et des loisirs (61 %), ainsi que de la vente, des médias et du marketing (60 %), contrairement à ceux exerçant dans l’éducation (36 %).
Patricia Dreidemy