La Commission a proposé ce 15 décembre une réforme de l’espace numérique, qu’elle estime “ambitieuse ». Elle regroupe un ensemble de nouvelles règles pour tous les services numériques, y compris les médias sociaux, les places de marché en ligne et d’autres plateformes en ligne qui opèrent dans l’Union européenne.
Il s’agit du Digital Services Act (la loi sur les services numériques) et du Digital Markets Act (la loi sur les marchés numériques). “Les valeurs européennes sont au cœur des deux propositions. Les nouvelles règles protégeront mieux les consommateurs et leurs droits fondamentaux en ligne et conduiront à des marchés numériques plus justes et plus ouverts pour tous », a indiqué la Commission. Ell entend réguler ces marchés, en favorisant “l’innovation », la “croissance » et “la compétitivité », et soutenir les plateformes plus petites “en leur offrant un accès facile aux clients sur l’ensemble du marché unique tout en réduisant les coûts de mise en conformité ». Elle entend également interdire “les conditions inéquitables » imposées par les grandes plateformes en ligne.
Le commisaire au Marché intérieur Thierry Breton a souligné que « de nombreuses plateformes en ligne sont venues jouer un rôle central dans la vie de nos citoyens et de nos entreprises, et même de notre société et de la démocratie en général ». Il a plaidé pour un espace numérique comportant “des règles harmonisées, des obligations ex ante, une meilleure surveillance, une application rapide et des sanctions dissuasives ».
Digital Services Act : des obligations graduées en fonction de la taille
Concrètement, la loi sur les services numériques introduira une série de nouvelles obligations harmonisées à l’échelle de l’UE, “soigneusement » graduées en fonction de la taille et de l’impact de ces services. La Commission cite pêle-mêle :
-des règles pour la suppression de biens, services ou contenus illégaux en ligne
-des sauvegardes pour les utilisateurs dont le contenu a été supprimé par erreur par les plateformes
-de nouvelles obligations pour les très grandes plateformes de prendre des mesures fondées sur les risques pour empêcher les abus de leurs systèmes
-des mesures de transparence étendues, y compris sur la publicité en ligne et sur les algorithmes utilisés pour recommander du contenu aux utilisateurs
-de nouveaux pouvoirs pour examiner le fonctionnement des plateformes, notamment en facilitant l’accès des chercheurs aux données clés de la plateforme
-de nouvelles règles sur la traçabilité des utilisateurs professionnels sur les marchés en ligne, pour aider à traquer les vendeurs de biens ou services illégaux
-un processus de coopération innovant entre les autorités publiques pour garantir une application efficace sur l’ensemble du marché unique.
“Une nouvelle structure de surveillance » pour les grandes plateformes
Les plateformes qui atteignent plus de 10 % de la population de l’UE (soit 45 millions d’utilisateurs) sont considérées comme “systémiques par nature » et sont soumises non seulement à des “obligations spécifiques de maîtrise de leurs propres risques », mais également à “une nouvelle structure de surveillance ». Ce nouveau cadre de responsabilisation comprendra un conseil de coordonnateurs nationaux des services numériques, avec des pouvoirs spéciaux pour la Commission dans la supervision des très grandes plateformes, y compris la capacité “de les sanctionner directement ».
Le Digital Markets Act vise moteurs de recherche, réseaux sociaux ou services d’intermédiation en ligne
La loi sur les marchés numériques traite des conséquences négatives découlant de certains comportements de plateformes agissant en tant que « gardiens » numériques du marché unique. “Ce sont des plateformes qui ont un impact significatif sur le marché intérieur, servent de passerelle importante pour les utilisateurs professionnels pour atteindre leurs clients, et qui jouissent, ou jouiront de manière prévisible, d’une position solide et durable ». Cela peut leur donner le pouvoir d’agir en tant que “décideurs privés » et ils peuvent s’engager dans “des pratiques commerciales déloyales ». De façon pratique, la loi s’appliquera uniquement aux principaux fournisseurs des services de plateforme de base les plus sujets à des pratiques déloyales. La commission cite moteurs de recherche, réseaux sociaux ou services d’intermédiation en ligne. La Commission pourra les désigner, interdire des pratiques injustes, citant l’impossibilité de désinstaller des logiciels ou applications préinstallés, exiger des mesures proactives (faire fonctionner des logiciels tiers par exemple sur leurs services), donner des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial, voire contraindre ces “gardiens » à céder des entreprises,
Les très grands groupes visés par l’UE dans ce projet de législation sur le numérique doivent avoir dans l’UE un chiffre d’affaires de plus de 6,5 milliards d’euros ou bien une valorisation boursière supérieure à 65 milliards. Il doivent en outre être présents dans trois Etats membres et compter plus de 45 millions d’utilisateurs finaux et plus de 10 000 entreprises utilisatrices. On y retrouve les Gafam mais aussi Booking (réservation d’hôtels), Alibaba (vente à distance), Bytedance (réseau social TikTok), Snapchat (réseau social) et Samsung (téléphonie mobile).