Michel Sasportas,à gauche, et Fabien Breget, respectivement fondateur et PDG de Danem, un spécialiste des solutions et applications professionnelles nomades, font un retour sur 25 années d’évolutions informatiques au profit de la mobilité telle que nous la connaissons désormais.
Pour se lancer dans les métiers de la mobilité informatique il y a 25 ans, il fallait être visionnaire. A l’époque, rares étaient ceux qui avaient déjà laissé tomber les bons de commandes papier au profit des bouchons à placer sur les combinés ronds (pas carré !) des téléphones. Certes, cette image semble tout à fait dénuée de sens aujourd’hui, pourtant c’est ainsi que tout a commencé et cette première étape était nécessaire pour aboutir à la livraison garantie sous 24h.
Un monde soumis au temps de La Poste
La force de vente fonctionnait très bien. Les commerciaux faisaient leur tournée, remplissaient les bons de commandes des clients et les envoyaient par La Poste au siège de l’entreprise afin que les produits soient conditionnés et expédiés à leur tour. Dès lors, attendre 10 à 15 jours avant de recevoir sa commande était tout à fait normal. Le fax et le minitel rendaient la livraison encore plus rapide.
Sur le papier, c’était très simple, et pourtant les erreurs étaient fréquentes : perte des documents, illisibilité, mauvaise saisie de référence, tarifs préférentiels non pris en compte, etc. Régulièrement, les clients devaient finalement attendre un mois avant de recevoir la totalité de leur commande.
L’informatique pour moderniser les métiers itinérants
Pour autant, les professionnels du domaine exprimaient une forte volonté de gagner plus de temps et d’être plus efficaces, afin de faire mieux fonctionner la force de vente. Au début des années 90, les constructeurs l’avaient déjà compris. Il y eut ainsi les modems « Com1 » d’une société française qu’il était possible de brancher directement sur le réseau téléphonique (une ligne fax de préférence) afin d’envoyer les commandes. Dès lors, les commerciaux rencontrèrent des problèmes physiques, car les hôteliers et l’équipement des chambres n’avaient pas évolué pour aider leur quotidien : impossibilité de débrancher les téléphones des chambres pour y mettre le modem. Il fallait partir en quête d’un téléphone « indépendant » : or, pour nombre d’entre eux méfiant vis-à-vis de la nouveauté, utiliser ce type de technologie était assimilé à du « flicage ».
Pour les relevés linéaires, la grande distribution était en avance, et beaucoup de commerciaux ont parcouru les rayons des supermarchés avec des ordinateurs de 8 à 10 kilos portés en bandoulière. Malheureusement, en plus des problèmes de santé qu’ils causaient, ils ne possédaient qu’une mémoire limitée. Chaque année, les constructeurs travaillaient à alléger les matériels, les rendre plus facilement transportables, et à améliorer leur performance et leur ergonomie. La première révolution a été l’OS 5, les PC de poche Olivetti et les PC avec imprimante intégrée.
Être connecté : la vraie révolution de la mobilité professionnelle
Puis l’Internet s’est démocratisé, suivi par les cartes SIM. A l’époque, on ne parlait pas encore de mobilité, mais ces technologies sont venues renforcer la vision de ceux qui s’étaient lancés plusieurs années auparavant. D’un coup, le métier auquel ils aspiraient s’est dessiné et les constructeurs ont repensé leurs matériels en fonction, à l’instar des éditeurs de logiciel. D’autres métiers itinérants ont alors compris l’intérêt de cette modernité et les secteurs de la logistique et la maintenance, et ont attrapé le train en marche.
Aujourd’hui, les machines sont puissantes, compactes, ergonomiques et permettent de travailler aussi bien en mode connecté que déconnecté. Néanmoins, le temps de développement de la technologie n’est pas le même que celui de son déploiement : alors que la couverture du territoire français en 4G est encore incomplète, nous parlons déjà de s’équiper en 5G pour un monde encore plus connecté et rapide.
Faire bouger les mentalités pour se réapproprier le temps
25 ans, c’est long et court à la fois. La génération qui vient de s’écouler a vu et permis le passage au numérique de milliers d’entreprises, mais toutes n’ont pas encore franchi le pas. Certaines utilisent toujours des méthodes et des processus qui ont une dizaine d’années et se montrent réticentes à se moderniser. D’autre part, les itinérants un peu old school considèrent encore que choisir leur propre itinéraire leur confère une plus grande liberté, sans penser au temps et au gain d’efficacité que les options proposées par un outil d’optimisation de tournée pourraient leur offrir, jusqu’à 25 % en l’occurrence. Aujourd’hui, la vraie liberté, c’est de pouvoir se réapproprier le temps grâce aux technologies, pour avoir par exemple un meilleur équilibre entre sa vie privé et sa vie professionnelle sans pour autant rogner sur ses performances, un impératif pour les commerciaux.
Bon gré, mal gré, nombreuses sont les entreprises qui ont dû faire l’effort de passer au numérique pour survivre au contexte pandémique, améliorant au passage leur bilan carbone et leur performance. Les jeunes générations sont moteur de cette adoption et participent à faire évoluer les mentalités. Il est encore difficile de prédire quelles seront les prochaines évolutions technologiques qui vont bouleverser notre quotidien et nos façons de travailler, mais nul doute que la mobilité en fera partie. Cette dernière année a confirmé que la mobilité est au cœur des besoins de chacun car où il ne peut plus y avoir mobilité des personnes, la mobilité des biens doit subsister de façon intelligente.
Le transport de biens et/ou de personnes a un coût carbone et pécuniaire, contrairement au discours marketing impliquant la gratuité des livraisons ou du service après-vente. Dans le monde du tout tout-de-suite, c’est désormais sur la pédagogie que tout se joue. En attendant la prochaine révolution technologique, il faut capitaliser sur la mise en place d’une mobilité raisonnée et responsable.