Quel responsable achats n’a jamais rêvé de standardiser son cycle de commande, de la demande d’achat au paiement final de la facture, aussi appelé processus procure-to-pay ou P2P, de sorte à n’avoir qu’une seule procédure qui s’applique à toutes ses catégories achats, toutes les organisations et tous les pays ? Par Arnaud Malardé, Senior Marketing Product Manager chez Ivalua.
Pendant plusieurs années, les départements achats se sont évertués à unifier, standardiser et optimiser leurs processus tout en centralisant leurs activités. Le mot d’ordre était alors de réduire le nombre de processus, de spécificités et de fournisseurs dans des entreprises où ils s’étaient naturellement multipliés au gré de la croissance, des acquisitions ou réorganisations.
En poursuivant cet objectif d’optimisation, plusieurs d’entre eux ont drastiquement réduit le nombre de processus existants pour n’en garder qu’un ou deux et ainsi augmenter l’efficacité opérationnelle. Du moins, c’est ce qu’ils croyaient. Bien sûr, le coût de mise en œuvre d’un processus unique est bien moindre que celui d’un processus qui souffre de multiples exceptions. De plus, les employés peuvent plus facilement mémoriser un processus de commande unique.
Néanmoins, la standardisation et la centralisation ont leurs limites. Après la crise de 2008, le cadre juridique international a eu tendance à converger du fait d’une coopération renforcée entre les états. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La multiplication des besoins règlementaires locaux et des exigences juridiques propres à des pays ou régions a rendu le processus de commande plus complexe qu’il ne devrait l’être. Pensons seulement à l’impact du Règlement Général sur la Protection des Données (RGDP) en Europe ou à celui des nombreuses mesures nationales de lutte contre la fraude fiscale sur l’ensemble du globe. Notre monde se complexifie. Cela rend souvent difficile l’atteinte des objectifs de simplification.
Par ailleurs, ne pas prendre en compte les besoins spécifiques locaux crée beaucoup d’insatisfaction parmi les utilisateurs du processus de commande. Si cet état de fait perdure, les utilisateurs finiront par chercher une façon de contourner un processus devenu trop rigide. L’application de la politique achats sera de nouveau mise en péril.
Doit-on alors accepter des exceptions au processus de commande standard pour chaque besoin spécifique ? Cela multiplierait, bien évidemment, les processus et sous-processus au point que personne ne saurait lequel appliquer, pas même les experts de la direction achat. Les exceptions sont coûteuses en temps et en ressources. Ainsi, les responsables achats cherchent un compromis entre un nombre réduit de processus standards et le besoin d’avoir des exceptions. A quel nombre doit s’arrêter ce compromis ? Avoir plus de trois façons de faire est déjà trop pour la plupart des utilisateurs dont la fonction principale n’est pas de passer des commandes. Mais pour un département achats avec un périmètre mondial, les exceptions se compteront en dizaines.
Le compromis que les responsables font tend trop souvent à sacrifier la simplicité et l’expérience des utilisateurs qui se voient obliger de mémoriser des dizaines de processus de commande différents. L’application de la politique achats sera cette fois-ci mise à mal par sa trop grande complexité et l’impossibilité pour ses utilisateurs de s’orienter entre les différentes exceptions au processus de commande standard.
Les directions achats ont bien pensé à des solutions. La première solution que les départements achats ont trouvée a été d’informer massivement leurs clients internes. Les newsletters, blogs, bannières, brochures et bases de connaissances se sont donc multipliés. Les Achats se sont frénétiquement mis au marketing ! Souvent avec des résultats mitigés : seuls les utilisateurs les plus curieux lisent leurs contenus et seuls les plus fréquemment exposés au processus de commande s’en souviennent le moment venu.
La seconde solution des départements achats a été de former les utilisateurs. Le catalogue de formations a donc vu fleurir les sessions. Mais les salles de classe restent largement vides ! Ou alors, les mêmes personnes reviennent années après années se former. Un tel format d’apprentissage fonctionne pour des utilisateurs fréquents mais pas pour les autres qui continueront à se poser la question suivante : « Pourquoi dois-je être formé pour acheter quelque chose dans mon entreprise alors que n’importe qui peut acheter en deux clics sur internet ? ».
Alors, est-ce une guerre perdue d’avance ? La réponse à cette question a longtemps été affirmative. Depuis peu, des solutions plus efficaces s’esquissent. Lesquelles ? C’est là qu’intervient la puissance de l’Intelligence Artificielle (AI). « Que peut faire l’IA dans tout cela ? » me demanderez-vous. Et bien, un certain nombre de choses.
Tout d’abord, la mémoire de l’IA est bien supérieure à la nôtre. Elle peut mémoriser un très grand nombre de processus différents. Mais, on pourrait rétorquer que c’est déjà le cas des technologies actuelles de nos ordinateurs qui stockent des données. C’est là que le deuxième avantage de l’IA entre en jeu : l’IA est capable de retrouver de l’information dans un plus large choix de formats et de supports qu’auparavant. Mais, le plus grand atout de l’IA, c’est son incomparable capacité à interagir avec l’utilisateur. Elle est capable de traduire à la fois le langage humain en actions machine et le langage de la machine en information pertinente pour nous.
Imaginons ensemble le futur de l’acte d’achat avec l’intelligence artificielle. Dans cet avenir, un simple utilisateur se préoccupera du produit ou du service qu’il veut acheter. Il n’aura pas à penser au processus de commande pour l’obtenir. Il adressera ce besoin directement à l’assistant virtuel de sa solution achats basée sur les technologies d’intelligence artificielle. Il pourra soit écrire sur son clavier, soit parler dans un microphone. L’IA interagira ensuite avec lui par des questions pour qualifier le besoin (volumes, spécifications techniques, budget, délai) afin d’élaborer la réponse qui lui sera apportée. Cette réponse pourra prendre la forme d’une commande directement adressée à un fournisseur préférentiel si le besoin n’est qu’une simple commodité. Elle pourra aussi prendre la forme d’une demande de sourcing adressée au Sourcing Category Manager en charge de la catégorie parce qu’aucun fournisseur préférentiel n’aura été trouvé et qu’un certain montant aura été dépassé, le tout en conformité avec la politique achats de l’entreprise. Déterminer le bon processus de commande sera le travail de l’IA. Conseiller sur la marche à suivre, les produits ou les services les plus adaptés, les fournisseurs préférentiels aussi. En fin de compte, un utilisateur n’aura plus besoin de connaître la procédure. Il ne pensera plus qu’en termes de besoin, de délai et de budget, ce qui est sa façon naturelle d’acheter.
Bien sûr, l’intelligence artificielle ne fera pas tout. D’abord, les départements achats devront cartographier l’ensemble de leurs processus et les traduire en règles intelligibles pour l’IA. La machine a besoin d’être alimentée au départ pour ensuite pouvoir fonctionner de façon autonome. D’autre part, il y aura un besoin de maintenance pour s’assurer que les règles sont toujours en accord avec les différentes évolutions organisationnelles ou métier. Sur ce dernier point, on peut espérer que les capacités de machine-learning, ou auto-apprentissage par la machine, faciliteront la tâche.
L’intelligence artificielle permettra enfin véritablement un acte d’achat guidé. Les achats hors procédure, ou non conformes, et le mécontentement des clients internes ne seront alors plus qu’un souvenir.