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Transformation numérique de l’Etat : pour la Cour des comptes, la légitimité de la Dinum « reste à consolider »

La Cour des comptes demande d'assoir la Dinum
La Cour des comptes demande d'assoir la Dinum

La Cour des comptes, dans son rapport sur “Le pilotage de la transformation numérique de l’État par la Dinum (direction interministérielle du numérique) » publié le 10 juillet 2024, propose “un réinvestissement de la Dinum ». Pour l’institution de la rue de Cambon, cela doit s’accompagner de l’arrêt des financements des projets ayant reçu un avis défavorable de la part de la Dinum. Par ailleurs, elle note que les produits numériques interministériels connaissent une faible adhésion des utilisateurs.

« Le besoin d’une stratégie numérique de l’État et d’une direction chargée de son pilotage ne fait aujourd’hui aucun doute. Toutefois, la légitimité d’une direction transversale, responsable de la mise en œuvre d’orientations stratégiques valables pour l’ensemble de l’État, reste à consolider. Ce sera l’enjeu de la validation des feuilles de route ministérielles dans les prochains mois, affirme Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. Pour ce faire, la stabilité des orientations et l’écoute des ministères, au plus près de leurs besoins, sont indispensables pour asseoir le pilotage de la transformation numérique de l’État », recommande-t-il.

Les produits interministériels pilotés et gérés par la Dinum, tels que « France Connect »,
« Démarches simplifiées » ou data.gouv.fr, constituent l’un de ses programmes phares. À ce jour, malgré la pertinence de certains produits, la coordination et la gouvernance interministérielle de ces services proposés à toutes les administrations sont lacunaires, aucun comité de pilotage associant les ministères et utilisateurs n’ayant été constitué pour recueillir leurs besoins, » soulignent les magistrats. Les ministères estiment être insuffisamment associés à la conception et au déploiement de ces produits. La suite numérique de l’agent public est également pointée du doigt. “Ces produits, peu connus, peu utilisés et dont le coût devrait continuer à augmenter, ne semblent pas à ce jour en mesure de concurrencer les offres proposées par le secteur privé, déjà largement adoptées par les agents, » relève la Cour.

Les défis, de l’IA au numérique responsable, en passant par les économies

Pour réussir, la transformation numérique de l’État est confrontée à plusieurs défis. “Les initiatives foisonnantes des ministères et de la Dinum sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, notamment de l’IA générative, ne sont pas encore articulées autour d’une stratégie de l’IA et ne bénéficient pas des retours d’expériences des précédents projets. »

Concernant le numérique éco-responsable, “la volonté politique affichée se heurte à une insuffisante structuration de son pilotage par la mission interministérielle pour le numérique éco-responsable, » déplorent les magistrats.

Autre élément, “une véritable stratégie numérique avec des objectifs et jalons ne peut faire l’économie d’une consolidation, actuellement inexistante, des dépenses numériques de l’État et de leur projection. Elle doit aussi être l’occasion de chiffrer les ambitions en matière de mutualisation et de contribution du numérique à la réalisation d’économies budgétaires. »

L’obsolescence des produits numériques, matériels et logiciels conduit “l’État à accumuler une dette technique susceptible à terme de mettre en risque ses capacités opérationnelles,” prévient la Cour.

 

Les 13 recommandations proposées par la Cour

Les rapporteurs proposent différentes actions pour asseoir le rôle de la Dinum et la stratégie numérique de l’État :

Recommandation n°1 (Secrétariat général du Gouvernement, direction interministérielle du numérique) : Renforcer l’assise interministérielle de la Dinum, en cohérence avec son rôle de secrétariat du comité interministériel de pilotage du numérique et des données.

Recommandation n°2 (Direction interministérielle du numérique, direction du budget) : Rattacher les actions portées par l’Innovation et transformation numériques au programme Coordination du travail gouvernemental.

Recommandation n°3 (Direction interministérielle du numérique, direction générale de l’administration et de la fonction publique) : Créer une instance, présidée par la directrice interministérielle du numérique et réunissant les ministères, pour suivre les chantiers liés à la filière RH du numérique.

Recommandation n°4 (Direction interministérielle du numérique) : Formaliser d’ici 2025 un plan de continuité d’activité et un plan de reprise d’activité pour le réseau interministériel de l’État.

Recommandation n°5 (Direction interministérielle du numérique) : Formaliser et réaliser le suivi de la feuille de route pluriannuelle du réseau interministériel de l’État avec des objectifs et jalons actualisés en lien avec les ministères.

Recommandation n°6 (Secrétariat général du Gouvernement, direction interministérielle du numérique) : Donner systématiquement à un représentant de l’incubateur de la Dinum une voix délibérante aux comités d’investissement des start-ups d’État.

Recommandation n°7 (Secrétariat général du Gouvernement, direction interministérielle du numérique) : Publier pour chaque start-up d’État les objectifs associés aux indicateurs d’impact, leur taux d’atteinte ainsi que leur budget et actualiser ces données régulièrement.

Recommandation n°8 (Direction interministérielle du numérique, direction du budget) : Doter la Dinum, en lien avec la direction du budget, d’un pouvoir de veto budgétaire sur les projets faisant l’objet d’un avis défavorable.

Recommandation n°9 (Direction interministérielle du numérique, direction du budget) : Inclure les projets numériques portés par les opérateurs de l’État dans le champ de la procédure d’avis conforme de la Dinum.

Recommandation n°10 (Direction interministérielle du numérique) : Doter les produits numériques interministériels d’un comité de pilotage donnant une voix délibérante aux ministères utilisateurs.

Recommandation n°11 (Direction interministérielle du numérique, direction du budget) : Consolider les dépenses liées à la stratégie numérique de l’État et systématiser le calcul des gains budgétaires à en attendre.

Recommandation n°12 (Direction interministérielle du numérique, direction du budget) : Internaliser au sein de la Dinum la responsabilité du suivi du numérique éco-responsable, lui transférer les crédits de la mission interministérielle pour le numérique éco-responsable.

Recommandation n°13 (Direction interministérielle du numérique) : Accompagner les ministères dans l’évaluation et la résorption de leurs dettes techniques.

 

Patrice Remeur