Le nouveau socle applicatif de Renault réunit une vingtaine de services AWS. Amazon ECS, AWS Lambda et AWS RDS en sont les trois piliers.
Confronté aux évolutions profondes des usages de la mobilité, mais aussi à l’essor du numérique dans les véhicules, les constructeurs automobiles doivent mener une transformation numérique tant sur le plan des services qu’ils doivent désormais offrir aux acheteurs de véhicules, aux conducteurs mais aussi en interne pour remettre aux goûts du jour des infrastructures et organisations IT vieillissantes. L’Alliance Renault-Nissan ne fait pas exception. “A côté de notre business historique, nous mettons en place un business model basé sur les services et les technologies. Pour un groupe tel que Renault, 3 éléments viennent définir cette transformation. D’une part, Renault, c’est 120 ans d’histoire, cela veut dire qu’on ne peut appréhender la technologie de la même façon que les nouveaux entrants, nés avec le digital. En outre, Renault c’est cinq marques sans compter celle de l’Alliance. Cela veut dire qu’il faut trouver un équilibre entre ce qui va être mis en commun, “globalisé”, et ce qui doit être laissé à l’initiative des marques pour trouver cette identité. Le troisième point, c’est notre couverture mondiale”, explique Pierre Houlès, DSI de l’activité Sales & Marketing de Renault.
Le constructeur est présent dans 70 % des pays au monde et chacun d’eux à ses propres lois, ses habitudes de consommation, et l’ancienne Régie Renault doit trouver le juste équilibre entre ce qui est imposé par le siège central et ce dont les équipes locales sont responsables. “C’est à partir de ces contraintes que l’on a essayé de définir la stratégie de transformation de Renault. Un des premiers périmètres concernés par ce projet de transformation fut le scope Digital, Sales, Marketing & Aftersales.” Ce périmètre d’activité est relativement large puisqu’il englobe bien évidemment les sites web et applications mobiles destinés au grand public mais aussi la gestion du réseau de vente des marques du groupe, y compris les postes de travail des vendeurs mais encore les outils de réparation des véhicules, la documentation de réparation, la gestion des pièces et des magasins de stockage et de leur logistique. Le DSI tient à souligner : “Renault a vu naître l’informatique et avec près de 660 applications sur ce périmètre à l’échelle mondiale, nous exploitons à peu près toutes les technologies depuis la naissance de l’informatique. Déterminer une stratégie de transformation implique de ne pas créer une opposition entre “legacy” d’un côté et digital de l’autre. Il fallait pouvoir embarquer tout le monde dans cette transformation.”
Une vingtaine de services mis en oeuvre
Si Pierre Houlès avait une expérience certaine des services Cloud d’Amazon Web Services – c’est lui qui a mené la migration du système d’information de Canal+ vers AWS en 2016 – le DSI explique la différence d’approche qu’il a aujourd’hui adoptée chez Renault : “La grande différence entre aujourd’hui et l’utilisation que l’on pouvait faire d’AWS il y a 3-4 ans, c’est qu’avant nous restions très concentrés sur le management de l’infrastructure. La transformation que nous sommes en train d’opérer maintenant est de vraiment basculer dans le Platform as a Service.” Parmi la vingtaine de services AWS qui sont mis en œuvre par Renault et qui constitue son nouveau socle applicatif, le DSI en distingue trois : “Le choix d’Amazon ECS avec la conteneurisation illustre bien notre volonté de nous détacher de l’infrastructure. AWS Lambda, le Serverless nous a challengés dans la manière de concevoir nos architectures et nos applicatifs. Enfin, AWS RDS et plus généralement les services managés comme Elastic, sur lesquels on passait avant beaucoup de temps à les installer. Aujourd’hui, on prend un service managé et ça libère de la bande passante aux équipes pour se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la création de valeur et de nouvelles fonctionnalités.” Le socle ainsi constitué par le DSI est désormais à la disposition de l’ensemble des équipes de développement de Renault au niveau mondial et il va constituer la colonne vertébrale des nouvelles applications du groupe.
Une approche DevOps élargie aux utilisateurs métiers
Si le DSI est allé puiser dans le catalogue AWS les composants du nouveau socle applicatif, un point important de réussite de cette transformation passe par le volet organisationnel et dans la conduite du changement auprès des équipes IT du constructeur. Le DSI mise sur la mise en place de “Feature Teams” afin de booster la créativité et l’efficacité de ses équipes. “Nous avons décidé de former des équipes pluridisciplinaires, avec des gens issus du business, de l’IT, des Dev, des Ops à qui nous avons donné la responsabilité d’un périmètre, tant pour sa construction que son exploitation : “You build it, you run it”. Cela a changé la philosophie de travail des équipes.”
Les équipes sont colocalisées et disposent d’écrans de supervision afin que le fonctionnement de la plateforme fasse pleinement partie de leur quotidien. Pour cela, la solution Datadog a été déployé sur la plateforme et celle-ci alimente ces écrans avec des informations d’exploitation purement IT mais aussi business. “Savoir qu’un périmètre fonctionne correctement en production, ce n’est pas juste regarder des indicateurs techniques ou métier, c’est bien la conjonction des deux qui permet de s’assurer que tout fonctionne correctement. Datadog pousse les données, Grafana effectue une restitution de ces informations et nous sommes même allés jusqu’à faire “parler” la plateforme à l’équipe.” En effet, les équipes utilisent Slack afin de collaborer sur les projets et, lorsque des événements surviennent sur la plateforme en termes de temps de réponse, de variations d’indicateurs, un bot vient “slacker” l’information directement dans la chaîne Slack de l’équipe concernée. “L’équipe est responsabilisée et elle dispose des moyens d’agir en production, avec aujourd’hui plusieurs mises en production par jour. Une grosse différence, c’est que ce ne sont plus les utilisateurs finaux qui nous appellent lorsque survient un problème, on arrive maintenant à anticiper les situations, faire de la maintenance préventive.”
L’approche a été validée par la réussite d’un premier projet
Pour mettre en place cette nouvelle approche, Renault a choisi un premier site web grand public pour tester son approche. C’est le projet de refonte d’un site de cotation des véhicules d’occasion pour le marché français qui a donc servi de champ d’essai pour la nouvelle plateforme digitale Renault. Il ne s’agissait pas d’un projet anecdotique puisque le site réalisait une audience de plusieurs millions de visites par mois sur le marché français. “In-fine, le projet c’est parfaitement déroulé tant du point de vue technique que côté Business. Nous avons multiplié par vingt-cinq le nombre de contacts et par 15 le taux de transformation des ventes. Le projet a eu un vrai impact business et si ce succès n’est pas totalement lié à la plateforme mais aussi à la réussite du produit, celui-ci nous a permis de prouver que l’approche fonctionne bien. Cela a changé le “mindset” et le regard sur les équipes techniques et revalorisé le travail des équipes IT.”
Il s’agit maintenant pour Renault d’étendre ce modèle à l’échelle mondiale, toutes les équipes pouvant s’appuyer sur ce backbone AWS pour mener leurs développements.
Quid du partenariat avec Microsoft Azure ?
De même, le DSI doit préparer Renault a l’arrivée massive des véhicules connectés dans le parc automobile mondial. “L’alliance a vendu plus de 10 millions de véhicules en 2017. Ces véhicules commencent à renvoyer des données en quasi-temps réel, des données qu’il faut traiter, analyser pour créer de la valeur. Les challenges techniques sont importants et nous comptons sur AWS pour nous accompagner”, affirme Pierre Houlès. Une remarque plutôt surprenante quand on sait que Renault-Nissan nouait en 2016 un partenariat avec Microsoft afin d’utiliser Azure pour ses applications véhicules connectées. Propos de circonstance ou retournement d’alliance dans le Cloud au bénéfice d’AWS, on en saura sans doute un peu plus à l’occasion du prochain Mondial de Paris.
Auteur : Alain Clapaud