A travers une conférence au Village by CA le 26 septembre dernier, Sylvain Tillon, auteur de « 100 conseils pratiques pour couler sa boîte », a raconté son parcours semé d’embûches avant le succès de sa dernière startup, Tilkee.
Sylvain Tillon est aujourd’hui président de la startup lyonnaise Tilkee qu’il a fondée en décembre 2013 avec Timothée Saumet. La jeune pousse, qui conçoit et commercialise une solution logicielle en mode SaaS de tracking de documents, a levé en avril dernier 3,5 millions d’euros. Le but est d’accompagner son développement à l’international et d’ajouter de nouvelles applications à son logiciel, qui permet à une entreprise de savoir si un prospect a ouvert le document joint à un message électronique.
C’est il y a quinze ans que Sylvain Tillon, alors âgé de 21 ans, a créé sa première entreprise, Lucyf’Hair, dédiée à la conception et la distribution de bijoux pour cheveux ornés de cristal Swarovski. « Le temps de pouvoir démarrer la fabrication, nous avons fait le tour de tous les concours, notamment sous l’impulsion de L’Oréal qui nous a soutenus dans ce projet », raconte le jeune entrepreneur. En 2004, Lucyf’Hair remporte un concours européen de projets innovants à Athènes, ce qui lui vaut son premier article de presse dans le Wall Street Journal.
Une accumulation d’erreurs
Le jeune entrepreneur va ensuite accumuler les erreurs. « La première a été de fabriquer en Chine, raconte-t-il. Mais je n’ai pas eu le choix car tous les français que j’ai contactés m’ont dit que mon projet ne marcherait jamais et qu’il était trop compliqué ». Force lui est cependant de le reconnaître, à chaque livraison de l’usine chinoise, un nouveau problème se présente.
L’autre grosse erreur a été de sous capitaliser la société qui a démarré avec un prêt étudiant de 15 000 euros. « J’ai déposé un brevet mondial, ce qui demande une vrai stratégie juridique que je n’avais pas et que je n’avais pas les moyens de mener, se rappelle-t-il. Résultat, nous avons été copiés et attaqués par un gros concurrent auquel nous avions refusé une licence sur notre produit ». L’affaire a duré trois ans et coûté très cher à la startup.
Vouloir tout de suite attaquer l’international sans avoir auparavant assuré son assise sur le marché français a été une autre erreur. « Nous sommes allés aux Etats-Unis et nous avons aussi investi le Japon, l’Angleterre et l’Espagne au fil des opportunités, raconte Sylvain Tillon. Les gens venaient nous rencontrer sur les salons mondiaux parce que nos bijoux leur plaisaient ». Constamment en déplacement, les startuppers manquent de temps pour suivre les opérations afin d’assurer le « time to market ».
6 ans de vie, 4 salariés, balayés en 2 minutes
Une panoplie de faux pas qui va participer à l’échec de leur entreprise. « Au moment de la crise des subprimes en Europe, nos commandes ont baissé de 60 % en quelques jours, continue Sylvain Tillon. Puis, le salon mondial de la coiffure et de la beauté prévu en septembre 2009 a été annulé faute d’exposants. Il représentait 30 % de notre chiffre d’affaires annuel ». Exténués et à cours d’argent pour innover et stocker les bijoux, les fondateurs de Lucyf’Hair déposent le bilan en juin 2009. « Nous avions au préalable veillé à payer tous nos fournisseurs, précise Sylvain Tillon. La liquidation s’est réglée en deux minutes au tribunal ».
Entre-temps, le jeune homme a créé une autre société en octobre 2008. Sydo, qui repose sur la conviction que tout le monde peut apprendre avec les bonnes méthodes d’enseignement, propose des vidéos, du conseil et des formations pédagogiques. Après la liquidation de Lucif’Hair, Sylvain Tillon décide de chercher du travail tout en continuant l’aventure Sydo. Malgré plusieurs propositions d’emploi, sa fibre entrepreneuriale reprend vite le dessus et il fonde Tilkee en décembre 2013.
Enfin, un chiffre d’affaires qui s’envole
« Cette fois, nous avons fortement capitalisé l’entreprise dès le début avec une levée de fonds de 500 000 euros. Nous avons internalisé la production, recruté des développeurs en France et conçu un produit pour le marché français d’abord ». Pour autant, les ventes ne décollent pas. « Les clients semblaient satisfaits mais ils ne déployaient pas notre solution », se souvient-il. C’est l’un d’eux qui va lui livrer la clé du problème. « Ils avaient besoin que l’on forme leurs salariés à rappeler les prospects dès lors que ces derniers avaient ouvert le document qui leur avait été envoyé ». Après avoir lancé une formation « Comment relancer le client ? », Tilkee a vu s’envoler son chiffre d’affaires de 10 000 à 100 000 euros en 18 mois.
La société a atteint l’équilibre en novembre 2017 mais elle perd à nouveau de l’argent depuis juin dernier. « C’est très peu, rassure Sylvain Tillon, et c’est lié à notre expansion à l’international. Nous ouvrons un bureau à Londres en décembre prochain et nous allons investir l’Allemagne par croissance externe ». Depuis sa levée de fonds en avril, Tilkee a renforcé son équipe avec huit salariés, commerciaux et développeurs. La startup compte actuellement 32 employés.
Auteur : Patricia Dreidemy