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Stratégie nationale pour le Cloud : le discours de Bruno Le Maire en intégralité

@DR

La rédaction publie, in extenso en ce qui concerne le Cloud, le discours du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Il a été prononcé le lundi 12 septembre à Strasbourg à l’occasion de l’inauguration d’un nouveau datacenter d’OVHCloud.

Chacun doit bien comprendre […] que les données sont le nouvel or noir économique et que c’est à partir de ces données que se crée la richesse, à partir de ces données que se crée l’indépendance, à partir de ces données que se crée l’innovation.

Plus vous avez de données, plus vous alimentez votre intelligence artificielle, plus vous
pouvez avoir demain une intelligence artificielle performante. Or, comme l’intelligence
artificielle est probablement un des grands moteurs de l’économie de demain et un des
grands moteurs de la souveraineté, maîtriser ses données, c’est maîtriser l’avenir.

Maîtriser ses données, c’est maîtriser l’avenir.

Maîtriser ses données, c’est maîtriser la prospérité économique. Tous ceux qui laissent
filer leurs données laisseront filer leur prospérité, leur souveraineté et leur
indépendance. Donc je crois que chacun doit bien prendre la mesure de ce qui se joue.

Je regrette malheureusement ce terme de “cloud”, une espèce de terme, c’est le cas de
le dire, un petit peu nuageux, insaisissable. Mais la réalité, c’est que derrière c’est du
grand concret, ce sont des installations, ce sont des emplois, ce sont des technologies,
et c’est la possibilité de réussir ou d’échouer économiquement.

Donc l’enjeu est absolument considérable et nous devons en prendre toute la mesure
et accélérer pour rattraper le petit retard à l’allumage que nous avons souvent en
Europe, cher Thierry, mais que nous savons combler dès lors que nous y mettons tous
les moyens nécessaires. Et je crois que, sous l’impulsion du président de la République,
c’est ce qui a été fait depuis maintenant cinq ans.

L’enjeu est aussi un enjeu culturel. Chacun voit bien que sur cette bataille des données,
qui est une bataille économique majeure, vous avez différents modèles qui s’affrontent.
Vous avez le modèle américain, poussé par les grands acteurs du numérique, et je ne
dis pas ça pour l’administration de Joe Biden, je dis ça pour l’écosystème américain.

L’écosystème américain du numérique que nous connaissons bien avec Jean-Noël
Barrot, que nous avons rencontré à de multiples reprises depuis des années, c’est, dans
le fond, l’affirmation du numérique doit signifier le retrait des Etats. C’est ça leur grande
idée. La liberté est totale ou elle n’est pas, et donc il ne doit plus y avoir de lois, plus y
avoir de règles, plus y avoir d’Etat. Le monde numérique va substituer au monde des
Etats, un monde de liberté absolue, avec tout ce que cela veut dire de conflits, de
rapports de force, d’injustices, de révélations, de menaces.

C’est un monde, je le dis très clairement, dont nous ne voulons pas. Car un monde sans
régulation serait un monde de conflits. Et dans le conflit, c’est toujours le plus faible qui
trinque. Or nous, notre modèle de société est un modèle qui protège les plus faibles,
est un modèle qui protège ceux qui n’ont pas forcément les mêmes richesses, les
mêmes connaissances. Nous ne voulons pas de ce modèle totalement libertaire, je crois
d’ailleurs que la nouvelle administration américaine s’en est aussi éloignée.

De l’autre côté, vous avez le modèle chinois. Alors là, c’est le modèle radicalement
inverse. C’est un modèle de prise de contrôle du numérique. Puisque le numérique nous
menace, eh bien, prenons le contrôle du numérique. C’est ce qu’a annoncé
l’administration chinoise concernant les algorithmes d’intelligence artificielle. C’est là
aussi un modèle qui ne nous convient pas. Au milieu, vous avez un modèle d’équilibre.
Et ce qui caractérise l’Europe, ce qui caractérise cette terre alsacienne aussi qui est au
coeur de l’Europe, ce qui caractérise la France, c’est l’équilibre.

Puisque le numérique nous menace, eh bien, prenons le contrôle du numérique.

Quand je vois tant de passions dans la vie politique actuelle, je me dis que nous nous
éloignons de ce que nous sommes profondément comme peuple. Nous sommes un
peuple d’équilibre et l’équilibre, c’est ce que nous voulons aussi pour le modèle
numérique.

Comment est-ce qu’on peut le définir ? Ce modèle européen du numérique, il repose,
à mon sens, sur 3 grands piliers.

Le premier c’est effectivement la protection. Protection ne veut pas dire
protectionnisme. On nous a suffisamment reproché de travailler avec les grands acteurs
américains dans des offres dites “hybrides” pour que l’on ne nous reproche pas le
protectionnisme ? Non, nous ne sommes pas protectionnistes mais nous voulons
protéger un certain nombre de données qui sont sensibles.

Nous voulons protéger un certain nombre de données qui sont sensibles.

Cela peut être des données de santé. Personne n’a envie que ses données de santé
soient répandues aux 4 vents. Cela peut être des données stratégiques d’entreprises.
Personne n’a envie que les données de fabrication d’un Airbus ou d’un TGV ou d’un
satellite ou d’Ariane soient diffusées à travers toute la planète. Je pense que ce serait
un danger pour notre souveraineté. Donc, nous voulons protéger. C’est le premier
élément. C’est le cloud. C’est le sens de l’inauguration d’aujourd’hui.

Le deuxième pilier de ce modèle c’est la régulation. Et là, je voudrais rendre un
hommage appuyé à un grand commissaire européen que nous avons la chance d’avoir
parmi nous aujourd’hui, Thierry Breton, parce que si nous sommes parvenus à un accord
sur la régulation des places de marché, la régulation des données, la fameuse directive
DSA et DMA pour avoir une concurrence équitable sur le marché numérique, nous le
devons à la volonté de deux hommes : le président de la République française et le
commissaire français à la Commission européenne Thierry Breton et je voudrais que
vous applaudissez pour le remercier de son engagement.

Le deuxième pilier de ce modèle c’est la régulation.

Protection, régulation. Le troisième pilier c’est l’innovation. Arrêtons de dire que les
Américains innovent et que les Européens régulent. Je dis, moi, j’en ai un peu ras-le-bol
d’entendre dire ça matin, midi et soir parce que c’est totalement faux et que ça ne
correspond absolument pas à notre vision de l’avenir numérique. Nous voulons innover.
Innover à la fois sur les technologies, innover sur les semi-conducteurs.

Nous venons d’obtenir après 4 ans de batailles industrielles considérables que
Globalfounderies viennent s’installer à Grenoble avec STMicros pour réaliser des semi-
conducteurs qui seront au top du top de ce qui se fait dans le monde en termes de
finesse de gravure.

L’innovation, je l’ai vu ici tout à l’heure, cela veut dire aussi innover pour accélérer la
lutte contre le réchauffement climatique. Je suis très fier d’inaugurer un datacenter qui
ne consomme pas des milliers de kilowattheures pour faire tourner une climatisation et
qui a préféré une solution plus respectueuse de l’environnement, innovante, qui passe
par le refroidissement liquide qui est moins consommateur d’énergie, plus efficace, plus
respectueux de la planète.

L’innovation, cela veut dire aussi innover pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique.

Innover, c’est aussi faire le maximum pour lutter contre le réchauffement climatique et
conjuguer la réussite économique et le respect de l’environnement. Ce qui est
probablement le grand défi des décennies à venir. Il y a ceux qui vous disent que ça
arrive aussi à Strasbourg, qu’il faut aller vers la décroissance : consommer moins,
produire moins, se restreindre plus, vivre moins bien.

Je sais que ces discours peuvent être entendus dans les parages. Ce ne sera jamais le
nôtre parce que je ne veux pas que mes enfants ou mes petits enfants vivent moins
bien que moi. Je ne veux pas qu’ils aient accès à des médicaments qui soient moins
performants.

Avec le président de la République, nous nous sommes fixés un défi 1 000 fois plus
difficile. Pas la décroissance, mais la croissance respectueuse du climat, la croissance
capable de conjuguer prospérité et respect de la planète. Croyez-moi, c’est un défi
autrement plus ambitieux, mais à mon avis autrement préférable, désirable pour nos
compatriotes et pour nos enfants.

Tout cela passe par la souveraineté numérique. Cette souveraineté, elle va nous amener
à avancer dans 3 directions que je mentionne très rapidement. D’abord, si l’on veut
être souverain, je le disais tout à l’heure, il ne faut pas qu’on nous pique nos données.
Pardon de vous dire les choses aussi simplement, mais le sujet est tellement complexe.
J’ai mis des années à commencer à y comprendre quelque chose puisque je suis
davantage spécialiste de Marcel Proust que des données numériques. Mais je m’y suis
mis depuis des années.

J’ai écouté les ingénieurs et j’ai compris une chose toute simple, c’est que pour être
souverain, il ne fallait pas accepter que quelque puissance que ce soit nous vole nos
données. Je suis opposé au principe d’extraterritorialité américain. Je l’ai toujours
combattu et je continuerai à le combattre. Je ne vois pas au nom de quoi, au nom de
qui, nous accepterions que la justice américaine puisse se saisir de données qui sont
essentielles pour notre souveraineté et pour notre indépendance.

Je suis opposé au principe d’extraterritorialité américain.

Pour le dire plus simplement et reprendre les mots du commissaire européen,
charbonnier est maître chez soi. Donc ne venez pas toucher à nos données, elles nous
appartiennent. Et il est bon que sur le territoire national, ce soit la loi nationale qui
s’applique et pas la loi américaine. Et il serait bon que nos partenaires européens
comprennent tous unanimement que sur le territoire européen il est bon que ce soit la
loi européenne qui s’applique. Et que personne, même une grande puissance alliée,
même des amis les plus proches, ne peuvent pas avoir le droit de saisir nos données.

Il est bon que sur le territoire national, ce soit la loi nationale qui s’applique et pas la loi américaine.

C’est le sens de la labellisation SecNumCloud qui offre le niveau de garantie le plus
élevé. Et je sais que, comme il y a des interrogations sur ces données sensibles, pour
savoir quelles sont ces données sensibles, il est nécessaire de préciser de manière
administrative et rigoureuse ce que sont ces données sensibles. Nous préciserons ce
que sont ces données sensibles par voie de circulaire dans les semaines qui viennent
pour garantir à tous les opérateurs, qu’ils soient publics ou qu’ils soient privés, la
protection face au principe d’extraterritorialité américain.

Nous apporterons ensuite, c’est le deuxième aspect de la souveraineté, un soutien aux
administrations qui ont aujourd’hui parfois un peu de mal à savoir comment s’engager
dans cette souveraineté numérique et comment avoir ce label SecNumCloud. Je sais
que c’est encore trop complexe. Elles auront l’appui de la Direction Interministérielle
du Numérique (DINUM). Je souhaite également que les entreprises privées s’engagent
davantage dans la sécurisation de leurs données. Et je pense qu’il faut d’abord partir
sur une base volontaire. Mais je le dis avec beaucoup de gravité, si jamais nos entreprises
qui ont des données extraordinairement sensibles ne se saisissaient pas librement de
cette offre de sécurisation de leurs données, je ne peux pas exclure que, à un moment
ou à un autre, nous en venions à une norme obligatoire pour protéger notre
souveraineté industrielle et protéger notre indépendance.

Je ne peux pas exclure que, à un moment ou à un autre, nous en venions à une norme obligatoire pour protéger notre souveraineté industrielle.

Enfin, pour animer tous ces débats, s’assurer que la filière avance dans la bonne
direction, il y a un troisième point qui est très important, c’est qu’il y ait un lieu où se
réunir, où discuter, où les entreprises puissent échanger.

Nous avons besoin d’un comité stratégique de filière sur le numérique de confiance. Je
vous annonce donc que nous créerons un comité stratégique de filière sur le numérique
de confiance et je vous annonce également que ce comité stratégique de filière sera
présidé par Michel Paulin, que vous pouvez d’ailleurs applaudir pour sa nomination.”

Nous créerons un comité stratégique de filière sur le numérique de confiance.