(AFP) – Matériel inadéquat, manque de compétences informatiques ou problèmes de mémorisation des mots de passe: les associations caritatives ont fait part mercredi à l’Assemblée nationale de “l’angoisse” des publics les plus fragiles face au projet d’identité numérique porté par le gouvernement.
Les associations étaient auditionnées par la mission d’information commune sur l’identité numérique, présidée par Marietta Karamanli et qui doit rendre un rapport avant l’été. Pour les associations, la question de l’identité numérique qui vise à créer une authentification forte afin d’accéder en sécurité aux services publics – notamment grâce à l’utilisation de la reconnaissance faciale – est indissociable des difficultés causées par les démarches dématérialisées.
“Au mieux, les personnes âgées que nous assistons ont été utilisatrices du Minitel“, a rappelé Philippe Lacroix, directeur de la Fondation des Petits Frères des Pauvres, qui regrette que “les accès aux services publics soient souvent conçus par et pour des ingénieurs sans tenir compte des plus fragiles et des plus démunis.”
Des dispositifs trop complexes
“Nos bénéficiaires peuvent arrêter leurs démarches dès la page de connexion car ils ne comprennent pas le mot identifiant“, a confirmé Tom-Louis Teboul, responsable des partenariats d’Emmaüs Connect, qui propose un accompagnement contre l’exclusion numérique. “En exigeant un smartphone avec un appareil photo de qualité, une puce NFC,
un forfait internet et un passeport aujourd’hui payant, le système Alicem (expérimenté par le ministère de l’Intérieur depuis juin 2019 et qui repose sur une phase de reconnaissance faciale) demande une configuration telle qu’il exclut de fait les personnes qui ont des problèmes financiers“, a-t-il regretté.
“Si la dématérialisation des services publics est un plus pour certaines personnes, elle contribue à en exclure d’autres fortement et cela risque d’amplifier le non recours aux droits“, a appuyé Elsa Hajman, responsable du pôle inclusion sociale à la Croix Rouge.
Les associations ont aussi pointé les mots de passe. “Lorsqu’ils sont plus complexes qu’un code à 4 chiffres, beaucoup de personnes âgées doivent les écrire et ranger ces listes dans le tiroir, ou les partager avec des tiers, qu’ils soient des proches ou des personnels d’un établissement de santé.” Au-delà des risques d’usurpation d’identité, cette dépendance créé “un sentiment d’insécurité“, explique M. Lacroix.
Les associations ont proposé que des alternatives physiques aux démarches dématérialisées soient obligatoirement proposées par l’Etat. “Le problème n’est pas seulement générationnel, on aura toujours besoin d’une alternative“, a reconnu la co-rapporteure de la mission Paula Forteza (LREM). Elle dit être “extrêmement prudente” sur le sujet de la reconnaissance faciale et se “demande même si c’est vraiment la bonne technologie” pour l’identité numérique, a-t-elle déclaré à l’AFP