Le Sénat a adopté mercredi à l’unanimité, en première lecture, le projet de loi pour sécuriser internet, qui entend lutter contre l’accès des enfants aux sites pornographiques et met en place pour tout un chacun un “filtre anti-arnaques”.
La question de la responsabilité des réseaux sociaux et de leur contrôle a émergé dans le débat, après plusieurs jours de violences sur l’ensemble du territoire. Le ministre chargé de la Transition numérique, Jean-Noël Barrot, a promis la mise en place d’un groupe de travail “transpartisan et paritaire”, qui pourrait se réunir dès mercredi prochain. Les recommandations qu’il formulera pourraient être adoptées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, après la pause estivale du Parlement.
Le projet de loi permet d’adapter le droit français aux nouveaux règlements européens DMA (Digital Markets Act) et DSA (Digital Services Act). Ceux-ci imposent aux plus gros acteurs du numérique des nouvelles règles en matière d’abus de position dominante ou de régulation des contenus problématiques. Il vise aussi à renforcer la protection des plus vulnérables dans l’univers du numérique.
Il accroit les pouvoirs de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) dans la lutte contre l’accès des mineurs aux sites pornographiques. Elle pourra ordonner le blocage, sans la décision d’un juge, des sites pornographiques qui ne vérifient pas l’âge de leurs visiteurs.
“Le combat contre l’industrie pornographique a gagné à travers ce texte“, a estimé la présidente de la délégation aux Droits des femmes, Annick Billon (centriste). La gauche s’est en revanche montrée “dubitative” quant au “caractère opérationnel” du dispositif, comme l’a dit l’écologiste Thomas Dossus, doute partagé par la sénatrice LR Marie Mercier.
Face aux multiples tentatives d’escroqueries par mail ou SMS, le projet de loi met en place un “filtre anti-arnaques” gratuit adressant un message d’avertissement à toute personne qui s’apprête à se diriger vers un site identifié comme malveillant.
“Bannissement” d’un réseau
Le texte prévoit également une nouvelle peine complémentaire de “bannissement” d’un réseau que pourra prononcer un juge lorsqu’il condamnera une personne pour des faits de haine en ligne, de cyber-harcèlement, ou autres infractions graves.
Le Sénat a étendu le champ des infractions concernées, intégrant les menaces et intimidations contre les élus. Il a aussi souhaité créer “un délit d’outrage en ligne”, punissable d’une amende forfaitaire délictuelle (AFD) de 300 euros. La chambre haute a donné son feu vert à des amendements du gouvernement ciblant explicitement les “deepfakes” ou “hyper-trucages”, techniques de synthèse qui permettent de créer des vidéos ou images trompeuses.
Le texte comporte encore des dispositions pour réguler le Cloud. Parmi les autres mesures, est prévue une plateforme centralisant les données relatives aux meublés de tourisme mis en location dans chaque commune. Et une amorce de règlementation des jeux à objets numériques monétisables (Jonum), “à la croisée des jeux de loisirs et des jeux d’argent et de hasard“.
Le communiste Pierre Ouzoulias a salué “une proposition de stratégie nationale du numérique qui est en train de se mettre en place”. “Sécuriser et réguler ne se résume pas à interdire et sanctionner”, a pour sa part souligné Ludovic Haye (RDPI à majorité Renaissance).