Plusieurs semaines après la promulgation de la loi relative au renseignement, Garance Mathias, avocat à la Cour, revient sur ce texte vivement débattu et critiqué. www.avocats-mathias.com.
Le 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a largement validé ce texte à propos des services de renseignement français qui avait été adopté le 23 juin, au terme d’une procédure d’urgence. La Haute Juridiction avait été saisie par le Président de la République, le Président du Sénat et 106 députés. Peu de dispositions ont été censurées par les Sages. L’une portait sur la mise en œuvre des techniques de surveillance sans autorisation du Premier ministre en cas d’urgence dite « opérationnelle » (impliquant un risque potentiel de ne pas pouvoir procéder à l’opération ultérieurement). Une autre portait sur les mesures de surveillance internationale. Pour ce qui est de cette dernière mesure, et en résumé, un étranger sur le sol français ou un ressortissant français à l’étranger n’aurait pas bénéficié des mêmes garanties qu’un résident français sur le territoire national. Les opposants s’inquiétaient également du fait que cette surveillance internationale aurait pu s’appliquer aux moyens de communication recourant à des services hébergés à l’étranger, et donc potentiellement à des personnes présentes sur le territoire national et de nationalité française.
A la suite de cette censure par le Conseil constitutionnel qui a jugé que « le législateur n’a pas déterminé les règles concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l’exercice des libertés publiques », une proposition de loi relative aux mesures de surveillance internationale serait envisagée.
Le « Juge judiciaire » évincé
Le Conseil constitutionnel a donc estimé que l’instauration d’une simple commission consultative (la fameuse Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement ou CNCTR) en lieu et place du juge judiciaire n’était pas manifestement incompatible avec la Constitution. Rappelons toutefois que le juge judiciaire est qualifié de gardien des libertés individuelles et son éviction dans un domaine aussi sensible pose problème.
Le Conseil a également reconnu comme conforme à la Constitution le fait que le recours au renseignement le soit pour des finalités différentes de la sécurité nationale ou de la lutte contre le terrorisme, bien que ces dernières ont largement été utilisées dans les débats. A titre d’illustration, les services de renseignement peuvent mettre en œuvre des techniques d’enquête en vue de la protection des intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France ou encore des intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France.
Il y aurait beaucoup d’autres points à soulever mais d’autres l’ont fait, la Commission nationale consultative des Droits de l’Homme, le Syndicat de la Magistrature, Amnesty international pour ne citer qu’eux.
Le temps a manqué au législateur
Permettons-nous de regretter l’utilisation de la procédure accélérée pour un texte touchant aux droits et libertés fondamentaux. Le temps a manqué au législateur et aux acteurs de la société civile pour évaluer de manière rigoureuse ce projet de loi… De même, pour l’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi relatif au renseignement bien trop succinct et péremptoire. En outre, nous ne pouvons qu’être étonnés du caractère laconique des décisions rendues par la plus Haute juridiction de l’Etat.
Voyons ce que nous réserve la proposition de loi sur la surveillance internationale qui devrait être initiée par le Parlement. Ne s’agissant pas d’un projet de loi, c’est-à-dire non initié – officiellement – par le gouvernement, ce dernier évite l’étude d’impact…