Parce qu’aujourd’hui les services de messagerie connaissent une croissance fulgurante et que les volumes de contenus échangés par voie électronique dépassent largement ceux des flux papier, l’archivage des emails est devenu un problème complexe. Quels emails doit-on archiver ? Pour combien de temps ? Que faire des pièces jointes ? Et les emails d’ordre privé ? Le point avec William Menant, Ingénieur Archivage Électronique chez Arkheos.
La mise en place d’une politique d’archivage des emails au sein de l’entreprise permet d’abord de respecter l’obligation légale de traçabilité des échanges électroniques (loi de juin 2004 pour la Confiance dans l’Economie Numérique – LCEN), mais aussi de faciliter l’accès à l’information et de retrouver facilement certaines données utiles, comme par exemple l’auteur d’un message envoyé depuis un poste interne ou un contrat signé reçu en pièce jointe à une date précise.
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Reste que parmi le flot d’emails envoyés ou reçus chaque jour dans l’entreprise, tous n’ont pas la même valeur. Il faudra donc, comme pour le papier, être capable de faire le distinguo entre les emails ayant une réelle valeur « business », archivistique et ou historique, et ceux non pertinents dont la valeur est purement informelle ou personnelle. Chaque type d’email aura donc droit à un traitement différent.
Les emails externes
On peut dire que tout email envoyé à l’extérieur par un employé utilisant la messagerie d’entreprise est, en fonction de ses termes, « engageant » pour l’entreprise vis-à-vis du destinataire, sauf convention synallagmatique (contrat bilatéral) contraire avec la personne physique ou morale destinataire. L’entreprise n’est d’ailleurs pas forcément au courant de cet engagement. Inversement, les mails reçus (même à titre personnel) peuvent comporter certains termes engageants à l’égard de l’entreprise et parfois même l’engageant plus ou moins elle-même. Un archivage de tous les emails susceptibles de comporter des engagements est donc nécessaire, si l’on veut pouvoir les connaître et, si besoin, les analyser. A plus forte raison, si ces emails intègrent une signature électronique (pour un contrat, un avenant, un devis, etc.). Rappelons que ce procédé permet d’authentifier l’auteur de l’email et de garantir son intégrité, par analogie avec la signature manuscrite d’un document papier.
Les emails internes
La messagerie étant devenue un outil de travail collaboratif, elle facilite désormais certains processus administratifs internes (demande de congés, plaintes, réunions de service, etc.). Les emails internes sont donc souvent porteurs de droits ou de devoirs et, à ce titre, sont également « engageants ». D’autres constituent des dossiers de travail internes dont il peut être utile de conserver la trace. Parfois même, ils sont constitutifs du patrimoine de l’entreprise. Leur conservation apparaît donc légitime. Un bon système d’archivage permettra de les retrouver en fonction de différents critères (l’auteur, le destinataire, la date, l’objet, etc.) ou par mots-clés. Sans oublier, les emails échangés dans le cadre de groupes de travail collaboratifs et classés au sein de dossiers. Eux aussi doivent également être pris en compte par le système d’archivage électronique.
Les emails avec pièces jointes
Certains documents issus des processus métier (ERP) tels que les commandes, les factures, les demandes de congés, etc., sont aussi très souvent transmis par email. Conservés en interne pour d’évidentes raisons documentaires, ils se doivent d’être archivés avec l’email de transmission (car leur transmission par voie électronique est, une fois de plus, « engageante »). Il en est de même, d’une manière plus générale, pour tous les fichiers joints aux emails, le lien entre les deux devant toujours être maintenu. Une attention toute particulière doit être portée sur les contrats. Si certains s’affichent dans le corps de l’email et peuvent signés électroniquement, nombre d’entre eux sont encore insérés en pièces jointes. Ils doivent donc être édités, imprimés, signés à la main, puis scannés avant d’être réexpédiés par email. L’important étant d’être certain d’archiver la bonne version du document.
Les emails privés, un cas particulier
En France, un service de messagerie d’entreprise doit autoriser les utilisateurs à envoyer des emails privés. Mais la CNIL demande à ces mêmes entreprises de ne pas conserver de données privées. Si un bon système d’archivage électronique doit évidemment être capable de filtrer les emails à archiver, seul l’employé peut déterminer ce qui est vraiment d’ordre privé. Trois solutions s’offrent donc à l’entreprise pour gérer correctement ce droit, en conformité avec la directive CNIL : – demander aux employés de classer l’email comme personnel avec la balise permise par la messagerie ; – demander aux employés de rajouter dans l’objet de l’email l’étiquette « PERSO » ou « PRIVE » ; – demander aux employés d’avoir un dossier dans leur boîte aux lettres (BAL) nommé « PERSO ». Avec l’une de ces trois options, le système d’archivage électronique saura faire le tri et éviter l’archivage inopportun de tous les emails « privés ». La rédaction d’une charte de messagerie liée au règlement intérieur de l’entreprise reste toutefois fortement conseillée afin d’éviter toute polémique sur ce sujet.
Les documents produits par l’informatique de gestion (comptabilité, facturation, finances, RH, gestion des stocks, logistique, etc.)
Si ces documents peuvent en général être réédités en duplicata par l’informatique de gestion, ils ne sont pas forcément archivés automatiquement sous leur forme exacte, au moment de leur émission originale. D’où l’intérêt de les inclure dans le champ d’action du SAE (système d’archivage électronique). Ces documents ayant pu évoluer entre le moment où ils ont été créés et la demande de duplicata.
Un alignement nécessaire de tous les niveaux de décision de l’organisation
In fine, un email doit être conservé et, le cas échéant, archivé, quand il reflète les activités de l’institution, de l’organisme, de l’entreprise ou du service. Il peut s’agir de correspondances liées à des réunions, des actes, des ordres du jour, des comptes rendus de réunions, des contrats, des devis, des relances, des factures, etc. D’une manière générale, les principes de sélection des emails à conserver, puis à archiver, s’appliquent suivant les mêmes règles de conservation en vigueur pour la correspondance classique, au format papier. Reste que pour que cet archivage soit optimal, tous les niveaux de décision (de l’utilisateur jusqu’à la direction) doivent être « alignés » et capables d’appliquer les mêmes procédures et les mêmes règles, aussi bien à l’envoi qu’à la réception. Sans omettre d’être attentifs aux lois exigeant, pour certaines données, un délai minimal de conservation.