L’histoire de l’IA générative est en marche. En entreprise, elle se développe grâce aux gains potentiels des cas d’usage. Accor, Adecco et Salesforce nous en parlent, accompagnées des startups spécialisées Mistral AI et Hugging Face.
Arthur Mensch, cofondateur et P-DG de Mistral AI, la startup française spécialiste des grands modèles de langage (LLM) qui a levé 385 M€ en décembre dernier, met en avant les gains de productivité générés par l’intelligence artificielle générative dans différents cas d’usage, lors du Salesforce World Tour à Paris mardi dernier : la productivité des développeurs avec la génération de code, de documentation, de tests; les assistants connectés à la documentation interne; l’assistance au service après-vente et au marketing.
Mistral gagnant
Et le P-DG de Mistral AI d’annoncer : « L’assistant conversationnel multilingue que nous venons de lancer, le Chat, permet d’interagir avec nos différents modèles. C’est un produit qui vise les PME. Nous travaillons également à spécialiser nos modèles pour les développeurs. »
Emilie Sidiqian, P-DG de Salesforce France, explique que l’éditeur de logiciels utilise plusieurs grands modèles de langage (LLM), notamment Einstein, le modèle lancé par Salesforce, et Claude d’Anthropic : « Nous souhaitons soutenir l’écosystème mondial de l’innovation. Nos clients ont le choix des modèles. Nous travaillons sur des données privées, qui peuvent être enrichies par des données publiques. Nous arrivons à analyser des données fines avec l’IA générative. Les cas d’usage vont se développer en s’appuyant sur des données qualifiées et structurées. »
Plusieurs cas d’usage identifiés par Accor
Pour Alix Boulnois, directrice du numérique chez Accor, il est important de « mettre l’IA générative dans la main des business leaders afin qu’ils puissent identifier les cas d’usage ayant le plus de valeur. » Accor a déjà identifié plusieurs cas d’usages adaptés au groupe international d’hôtellerie et de restauration : la production de contenus marketing, avec comme challenge la scalabilité du développement de contenus, l’émission de recommandations, l’aide à la prise de décision (pricing, gestion des canaux de distribution), et les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). « Une fois le cas d’usage identifié, il faut que le besoin soit quantifiable et traduisible en indicateurs clefs de performance, et réfléchir à quelles données utiliser, poursuit Mme Boulnois. Il ne s’agit pas de capter toutes les données, et nous devons être conscient que nos données ne sont pas parfaites. Il est important d’avoir néanmoins une supply chain data qui fonctionne bien, de gérer la conformité, et d’éduquer les utilisateurs. » Et de donner des exemples : « l’utilisation de l’IA générative pour l’e-mail marketing a généré +237 % de revenus, à même nombre de courriers électroniques envoyés. Dans des restaurants, elle a permis de réduire de 30% le gaspillage. »
Adecco va construire des chapelles pour bâtir une cathédrale
Le groupe d’intérim Adecco a réalisé plusieurs Proof of Concept en 2023, dont un pour la génération de CV à partir d’un parcours professionnel décrit à l’oral. « Cette année, il faut intégrer l’IA générative dans nos applications, annonce Pierre Matuchet, senior vice-président transformation digitale et IT du groupe Adecco. Nous avons des données en or sur les intérimaires, sur les besoins des entreprises, leur satisfaction, sur lesquelles nous pouvons capitaliser. Il faut entraîner les modèles. Ce qui représente certes un coût, mais ce qui donne une avance énorme. Toutefois, plusieurs questions se posent : comment passer à l’échelle ? Comment rester conforme au règlement RGPD ? Quelle stratégie d’exécution mener ? Comment être multifournisseurs ? Quelle rapidité souhaitons-nous, à quel coût ? Il faut être humble, et laisser diverses options ouvertes. Nous avons décidé de privilégier l’optimisation des coûts à la rapidité. Sur la question des fournisseurs, nous allons construire petit à petit des chapelles côte à côte. Au final, nous construirons une cathédrale.. »
Le test d’utilisation par Adecco de l’IA générative pour créer des annonces sur les jobboards a permis d’accroître la productivité de 50%, et a multiplié par 1,8 le nombre de candidatures recevables. Les raisons données par P. Matuchet sont les suivantes : moins de copier/coller entre annonces, moins d’erreurs dupliquées, et des annonces plus fines par rapport aux différences existant entre deux postes qui paraissent a priori similaires.
Quelque part entre la préhistoire et l’Histoire
Pour les entreprises qui n’ont pas encore pris le virage de l’IA générative, les questions que se posent Adecco ou Accor sont pertinentes. La mise en œuvre peut paraître ardue. Bassem Asseh, directeur des ventes chez Hugging Face, startup franco-américaine qui offre une plateforme pour le partage des modèles et des ensembles de données, explique : « Nous sommes quelque part entre la préhistoire et l’Histoire de l’IA. Chez Hugging Face, nous avons pour mission de démocratiser l’IA générative pour les développeurs. Notre hub public s’adresse aux ingénieurs, aux chercheurs. Nous pouvons faire pareil pour les entreprises en mettant à disposition un hub dédié à une équipe restreinte. »
Accompagner et former les salariés
Bassem Asseh conseille : « Il faut certes regarder la rapidité du robot conversationnel, la véracité et la qualité des informations fournies, l’impact environnemental de l’usage, mais aussi la conduite du changement et expliquer aux employés que l’IA générative augmente la qualité de service, face aux peurs de destruction d’emplois. »
Gloria Macias, partner chez McKinsey & Company, ajoute: « On pourrait perdre son emploi, pas à cause de l’IA générative, mais parce qu’on ne saura pas l’utiliser. Les entreprises doivent former en masse, rapidement et de façon positive leurs salariés, leur apprendre à poser des questions aux modèles et à développer leur esprit critique. Il faut repenser le travail : comment va-t-on travailler à des postes « augmentés » par l’IA générative ? Par ailleurs, l’IA générative est créatrice d’opportunités d’emploi, par exemple pour les personnes diplômées en linguistique. »
Chez Salesforce France, les salariés ont du temps à consacrer pour utiliser l’IA générative. Chez Adecco, 1 600 chefs d’agence ont été formés à l’IA générative sur ChatGPT. Mais l’avenir est autre, selon Pierre Matuchet : « demain il s’agit d’intégrer l’IA générative dans le CRM. L’important est le taux d’adoption. En un mois, sur les agences du tiers de la France concerné par le test de création d’annonces à l’aide d’IA générative, il est monté à 45 %. »