Suivant une courbe erratique depuis quelques mois, le marché des semiconducteurs subit l’une des plus importantes perturbations de sa jeune histoire.
En France, au troisième trimestre, le marché des semiconducteurs a atteint une marque de 15 % supérieure à celle du troisième trimestre 2020. Malgré cette embellie passagère, il affiche un repli de 10 % par rapport au trimestre précédent, selon Acsiel Alliance Électronique, l’organisation professionnelle des acteurs de l’électronique en France.
L’Acsiel explique ce retrait de 10 % par rapport au 2e trimestre 2021 par la baisse de 16 % des ventes directes au client final, alors que les ventes à la distribution se sont accrues de 2 %. Sur les neuf premiers mois de l’année 2021, la croissance reste soutenue par une demande qui reste vigoureuse. Elle est de 19 % par rapport à 2020 et de 4 % par rapport à 2019. Le marché français dépasse ainsi son niveau d’avant la crise sanitaire. Cette tendance positive se retrouve dans la croissance annuelle en moyenne sur 12 mois qui a amorcé une remontée au deuxième trimestre à 6 % pour atteindre 11 % au troisième trimestre. En moyenne mobile annuelle, le marché des semiconducteurs est à un niveau qui n’avait pas été atteint depuis le quatrième trimestre 2019, souligne l’organisation professionnelle.
Des arrêts de production par manque de composants
L’association explique que le repli du marché est en grande partie lié à la pénurie sur certaines familles de semiconducteurs et d’autres composants électroniques ainsi que de divers matériaux autres qu’électroniques, qui induisent des arrêts de production et peuvent conduire par contrecoup à différer des commandes de semiconducteurs. Ce phénomène enclenché par la pandémie affecte tout particulièrement l’industrie de l’automobile, mais selon l’association, il n’épargne pas non plus d’autres secteurs en perturbant l’ensemble de la chaîne de valeur.
« De manière générale, on assiste à une décorrélation entre la demande des clients et la capacité des fabricants de semiconducteurs à satisfaire cette demande, et de ce fait, depuis plusieurs mois les résultats du marché français ne reflètent pas fidèlement les tendances de fond qui restent bien orientées », affirme l’Acsiel.
En effet, la demande n’a jamais été aussi importante. Les semiconducteurs sont partout, de la santé à l’automobile, en passant par les produits ménagers et même les objets les plus anodins de la vie quotidienne. Cependant, sur ce marché, la pénurie est l’arbre qui cache la forêt, car le problème est bien plus profond que la simple rupture de la chaîne d’approvisionnement et le manque de composants et de matières premières.
Une guerre sans merci fait rage entre les différentes régions économiques mondiales. Voici ce qu’écrivait en début d’année Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie du groupe de réflexion Institut Montaigne : « L’année 2021 sera décisive pour l’avenir de la microélectronique en Europe. L’offensive américaine contre l’industrie chinoise des semiconducteurs ne disparaîtra pas du jour au lendemain avec l’entrée en fonction de l’administration Biden : les semiconducteurs resteront au cœur de la géopolitique de la technologie. Les décideurs européens doivent cultiver rapidement les forces de l’industrie des semiconducteurs de l’Europe afin de réduire nos vulnérabilités aux ondes de choc futures, en les anticipant ».
Mourad Krim
