L’Autorité de la concurrence a saisi le 10 mars 2022 des documents chez Orange lors d’une perquisition nous révèle mi-avril le magazine Capital. Elle soupçonne l’opérateur télécoms historique d’abus de position dominante sur le marché de la fibre de gros, faits qu’Orange conteste.
Suite à des plaintes de concurrents, Orange est soupçonné par l’Autorité française de la concurrence d’abus de position dominante dans le secteur des télécoms et fibre de gros, marché qu’il contrôle à environ 40 %.
Plusieurs opérateurs alternatifs estiment notamment que les tarifs d’accès à son réseau fibre ne leur permettent pas de commercialiser des offres à prix compétitif ensuite. L‘Association des Opérateurs Télécoms Alternatifs (AOTA) fondée en mars 2017 par 22 entreprises des télécoms avait déjà saisi l’Autorité de la concurrence à ce sujet dès 2020.
Ses adhérents disaient constater des anomalies importantes avec des prix de gros rendant irréalisable pour eux la création d’offres de détails compétitives avec celles d’Orange. « l’AOTA a récemment attiré l’attention du Ministre sur les pratiques des concessionnaires autoroutiers (des fibres optiques) qui sont susceptibles, selon ses membres, de constituer des pratiques restrictives de concurrence justifiant l’intervention des pouvoirs publics à l’instar de l’action initiée concernant les pratiques d’Amazon à destination de ses vendeurs marketplace ».
Un marché énorme en pleine concentration mais encore dominé par Orange
L’enjeu de cette enquête est de taille car environ 60% des entreprises françaises ne sont pas encore fibrées, avec d’importantes disparités selon les zones. De plus, on assiste à une concentration des acteurs du marché de gros dans la fibre optique en France, suite à de nombreux rachats (Kosc et Covage par Groupe Altitude, Coriolis Telecom par Altice, etc.).
Néanmoins, ce marché est encore dominé par Orange, qui en possède environ 40 %. En 2021, son activité « Wholesale » a généré un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros. Les clients dans la fibre optique ne cessent d’augmenter (+358.000) en 2021. Au total, 5,2 millions de clients très haut débit utilisent cette infrastructure chez Orange, essentiellement via des opérateurs alternatifs et des collectivités locales. Cela dit, SFR, Bouygues Telecom ou Free louent moins le réseau de l’opérateur historique car ils tente de créer leurs propres infrastructures ou la louer chez un concurrent d’Orange.
Selon Capital, l’opérateur Orange est également soupçonné de discrimination concernant la remise en état de son réseau télécoms après le passage en 2017 du cyclone Irma à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. Le magazine indique que « l’opérateur Dauphin Telecom estime qu’Orange a privilégié le retour à la normal de ses propres services bien avant les siens ».
Orange avait écopé en 2015 d’une amende de 350 M€ pour pratiques anticoncurrentielles
Orange conteste les faits et il a engagé des recours selon l’agence de presse AFP. Pour information, l’opérateur télécoms historique avait déjà écopé en 2015 d’une amende de 350 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché BtoB.
La perquisition en mars de l’Autorité de la concurrence survient quelques semaines avant que le groupe Scopelec, un sous-traitant d’Orange pour l’installation de la fibre optique, ne poursuive le géant des télécoms en justice pour « rupture brutale de la relation commerciale ».
La perquisition intervient également à peine 3 mois après l’arrivée d’un nouveau président à l’Autorité de la concurrence. Benoît Coeuré, un polytechnicien et haut fonctionnaire spécialisé en économie, a remplacé en effet Isabelle de Silva à la tête de l’institution.
Cette nouvelle affaire est un cadeau de bienvenue empoisonné pour Christel Heydemann, la nouvelle directrice générale de l’opérateur Orange, qui a succédé début avril 2022 à Stéphane Richard, démissionnaire, car condamné dans l’affaire Tapie.