Jouer son rôle de manager dans un contexte de transformations de l’organisation de travail et numérique n’est pas chose aisée. Deux spécialistes nous confient les bonnes pratiques pour réussir.
Une fête de la défaite, c’est ce qu’a fait Intuit après l’échec du développement d’une business unit. Cet éditeur californien de logiciels comme Mint ou Mailchimp a ainsi permis aux managers et aux équipes de partager leurs erreurs, d’apprendre d’elles et de tourner la page. Cette idée peut paraître saugrenue dans l’Hexagone, tant l’échec y est encore très mal vu, d’autant plus au niveau managérial, alors que le chemin de la réussite est souvent pavé d’échecs. L’échec n’est pas une fin, mais un nouveau départ.
Le manager comme l’entreprise peuvent changer d’état d’esprit pour conduire avec plus d’aisance les transformations organisationnelle et numérique. Cependant, les managers français d’un manque d’accompagnement pour mener à bien leurs missions dans les meilleures conditions. La performance des entreprises s’en trouve affectée tout autant que l’environnement de travail. Selon une étude de Gallup, 50 % des collaborateurs quittent leur entreprise à cause d’un mauvais manager.
Dans ce contexte de mutations digitale et des modes de travail, avec l’essor du travail hybride, deux experts de Simundia, qui propose une solution de coaching digital, et de Jobmaker, éditeur d’une plateforme digitale d’accompagnement de carrière, ont donné des conseils pour bien aider les managers à accomplir leurs missions, lors d’un récent webinaire.
Adapter son management au travail hybride
« Si 70% des entreprises ont instauré une organisation hybride du travail selon le baromètre de l’expérience collaborateur Parlons RH, indique Colombe Mandula, cofondatrice et Chief People Officer chez Simundia, seuls 36 % des managers ont revu leur façon de manager. Mon conseil est de personnaliser le management à distance avec chaque membre de l’équipe. Il s’agit de savoir déléguer, de donner une liberté d’action tout en fixant des objectifs précis avec une obligation de reporting régulier. Il s’agit également de faire preuve d’empathie, de fixer un cadre sécurisant et de rassurer, en particulier les jeunes les moins expérimentés. Et il faut rester vigilant face aux salariés désengagés à distance. Bien cadrer le travail à distance, c’est aussi animer son équipe avec des rituels pour favoriser la cohésion, comme à travers des points hebdomadaires. Pour exemple, le Crédit Agricole a demandé que le temps passé dans les locaux soit supérieur au travail à domicile : aux managers d’accompagner ce changement organisationnel et d’impliquer les collaborateurs dans sa mise en œuvre. »
Former aux compétences managériales
Peu de personnes sont formées à être manager. Beaucoup de personnes promues sont déstabilisées car elles sortent de leur zone de confort et ne sont pas assez accompagnées ; elles peuvent même quitter l’entreprise, comme le montre cette récente étude. « Seuls 11 % des managers de proximité déclarent avoir été convenablement préparés à devenir managers, fait remarquer Colombe Mandula. L’entreprise doit veiller à faciliter l’intégration des managers lors de l’onboarding et à les aligner avec la culture managériale de l’entreprise. Elle doit aussi les former aux compétences managériales : développer sa confiance en soi, transmettre la vision de l’entreprise, organiser le travail en équipe, gérer les congés, mais aussi gérer le stress et les conflits, évaluer la performance, réaliser les entretiens… Que ce soit une personne promue qui doit manager ses anciens collègues ou un manager externe qui arrive, l’entreprise doit l’accompagner de façon adaptée. Cela peut passer par différents outils, comme la constitution d’un groupe d’échanges et de codéveloppement entre pairs, du mentorat, ou la diffusion d’un guide de bonnes pratiques. »
« Beaucoup de développeurs se révèlent être de très bons managers »
Autre solution, le coaching. Il peut être, comme le propose Simundia, digital et à la demande. Simundia offre des visios avec un coach plus un accès à des ressources, la thématique du leadership étant la plus demandée. Colombe Mandula annonce un gain de 21 % de rétention en moyenne chez ses plus de 200 clients : « Chez Sanofi, des techniciens sont devenus superviseurs et des développeurs managers. Le coaching à la demande aide à se projeter et à développer des compétences essentielles au quotidien. Loin des idées reçues du geek introverti, beaucoup de développeurs se révèlent être de très bons managers. Cela dépend aussi de la personnalité. De façon générale, ce n’est pas celui qui génère le plus de chiffre d’affaires qui sera forcément un bon manager. »
Engager ses équipes
Arthur Philippe, PDG de Jobmaker, souligne l’importance du manager dans l’engagement des équipes : « Seuls 12 % des managers sont évalués sur la satisfaction collaborateurs selon le baromètre 2023 de Parlons RH. Et parmi ceux-ci tous ne sont pas « incentivés » sur ce point. Pourtant, le manager joue un rôle central dans l’expérience collaborateur. Le manager intermédiaire relaie les enjeux de l’entreprise tout en étant proche de son ou ses équipes. Il connaît les potentiels et les talents de chacun. L’engagement et la fidélisation de l’équipe sont fondamentales. Il s’agit de proposer des missions intéressantes au collaborateur pour le fidéliser à horizon 3 ou 4 ans, de veiller à la compétitivité des membres de son équipe aussi bien au niveau interne qu’externe, donc notamment à favoriser la mobilité. » Cet aspect est particulièrement important dans les entreprises du numérique et les services IT, tant les professionnels du domaine sont sollicités sur le marché du travail.
Changer de perspective pour réussir sa transformation managériale
Le manager comme l’entreprise doivent changer leur logiciel pour mener à bien la transformation managériale adaptée aux transformations organisationnelles et numérique en cours. D’un côté, le manager doit être conscient des compétences qu’il peut apporter, tout comme de celles à affiner ou développer. Ainsi, selon Arthur Philippe, « le collaborateur, manager ou futur manager, doit changer de posture quand il demande une promotion : finie la posture de demandeur d’emploi, bienvenue à celle d’offreur de compétences. »
L’entreprise, comme pour un projet IT, doit être méthodique pour réussir sa mutation managériale. « Elle doit réaliser une étude terrain sur ce qui doit changer, se fixer des objectifs Smart (spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporels), et mettre en œuvre un plan d’action opérationnel, avec des indicateurs clefs de performance précis, » explique Arthur Philippe.
Colombe Mandula conclut en s’inspirant de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas manager, on le devient. »