(AFP) – Voitures, téléphones, assistants personnels… Bruxelles a proposé mercredi de nouvelles règles encadrant l’usage des milliards de données générées par ces objets du quotidien, de plus en plus connectés, pour tirer parti de cette révolution économique. Par Daniel Aranssohn.
“Qui est propriétaire des données générées par exemple par une voiture connectée? Le fournisseur du produit, l’utilisateur? C’est une question qui se pose et que nous tranchons” dans ce projet de règlement, a expliqué le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton, lors d’une conférence de presse.
Il a souligné l’importance de fournir à la fois de nouveaux droits aux consommateurs et une sécurité juridique aux entreprises. “Jusqu’à présent, seule une petite partie des données industrielles est utilisée et le potentiel de croissance et d’innovation qu’elles recèlent est énorme“, a-t-il expliqué. Le texte, qui s’appliquera à tous les secteurs économiques, mais pourra être complété par des règlements sectoriels spécifiques, établit qui peut créer de la valeur à partir des données, et dans quelles conditions.
Un trésor inexploité
Le volume des données est en constante augmentation. Au niveau mondial, il devrait passer de 33 zettaoctets (milliers de milliards de milliards d’octets) en 2018 à 175 zettaoctets en 2025, indique la Commission européenne. Mais elle estime que 80 % des données industrielles restent aujourd’hui encore inexploitées.
Le nouveau règlement, qui devra encore être négocié avec les États membres et le Parlement européen, entend s’attaquer aux problèmes juridiques, économiques et techniques à l’origine de cette sous-utilisation. Il ambitionne de générer 270 milliards d’euros de produit intérieur brut (PIB) supplémentaire d’ici à 2028.
Le texte vise à assurer à la fois plus d’équité dans l’accès aux données par les acteurs économiques, à créer de nouveaux services innovants et à permettre des prix plus compétitifs pour les services après-vente et la réparation des objets connectés.
Il octroie aux consommateurs un accès aux données qu’ils génèrent, alors qu’elles sont souvent récoltées exclusivement par les fabricants. Il autorisera leur partage avec des entreprises tierces pour la fourniture de services.
La proposition cherche aussi à maintenir l’incitation des fabricants à investir dans la production de données. Elle prévoit une indemnisation pour les frais liés au transfert de leurs données et empêche leur exploitation pour développer un produit concurrent.
Elle entend préserver l’accès des PME aux données en les protégeant notamment des clauses abusives imposées par de grands groupes.
Elle garantit l’accès des organismes publics aux données des entreprises privées pour faire face à des situations d’urgence ou mener à bien certaines missions.Les clients des services de Cloud pourront par ailleurs changer plus facilement de fournisseur.
Inquiétude des entreprises
L’initiative de Bruxelles suscite l’inquiétude des entreprises. Elles craignent de perdre le contrôle sur une ressource précieuse, même si elles sont favorables à l’instauration d’un cadre légal.
“La loi européenne sur les données ne doit pas devenir un obstacle à l’investissement et à la croissance des entreprises européennes en imposant le partage des données là où il n’y a pas de défaillance du marché”, a réagi le directeur général de BusinessEurope Markus Beyrer. Même son de cloche du côté de l’association des éditeurs de logiciels BSA : “Les organisations qui détiennent des données devraient conserver le plein contrôle sur leur partage“, a déclaré Thomas Boué, responsable de la politique publique pour cette association. “La proposition est bien intentionnée, mais nécessite des améliorations“, estime également Alexandre Roure, pour le CCIA, un lobby qui rassemble des géants des technologies. Il demande que la loi “protège les informations commerciales confidentielles, traite toutes les entreprises de manière égale et évite de créer de nouvelles restrictions en matière de flux de données“.
Pour Monique Goyens, directrice générale de l’association européenne de consommateurs (BEUC), il est au contraire “essentiel que les consommateurs décident de ce qu’il advient des données qu’ils génèrent, quand ils les partagent et avec qui“. Elle espère que le nouveau règlement “ne finira pas par renforcer les monopoles des Big Tech en matière de données“.