Les cabinets d’études et les syndicats professionnels du numérique confirment fin avril que les achats de certains logiciels et services IT déclinent fortement depuis mars 2020, à cause de la pandémie de Covid-19. Les ventes IT mondiales devraient reculer de 2,7 % en 2020 selon IDC. Personne ne prévoit un retour « à la normale » avant la fin de l’année, voire le début de 2021.
Depuis avril, les grands acteurs du numérique annulent, les uns après les autres, leurs prévisions de chiffre d’affaires pour 2020. Ils reconnaissent que la pandémie de Covid-19 entraîne un réel manque de visibilité sur les commandes, car beaucoup de projets sont reportés chez les clients. D’ailleurs, une majorité d’entre eux constate déjà un net recul de leurs ventes depuis mars suite au confinement obligatoire des salariés.
Les cabinets d’études confirment aussi que les investissements des entreprises et des particuliers dans certains logiciels et services IT déclineront en 2020. Plusieurs études parues dès avril confirment que leurs ventes reculent déjà depuis mars 2020 à cause de la pandémie. Par exemple, alors qu’IDC tablait en début d’année sur une croissance de 5,1 % des ventes IT mondiales en 2020, le cabinet d’études prévoit désormais un recul de 2,7 % !
Les investissements dans les logiciels et services IT en France devraient reculer de 1,8 à 12,2% en 2020
Leurs confrères français de Teknowlogy Group ont également revu à la baisse leurs prévisions d’investissement dans les logiciels et les services informatiques. En France, ce recul serait compris dans une large fourchette allant de 1,8 %, sur un marché qui ne pèserait alors plus que 49,8 Md€ cette année, à 12,2% (44,6 Md€) selon le degré de réalisation des deux scénarios étudiés : optimiste ou pessimiste. Rappelons que Teknowlogy Group tablait pourtant jusqu’à début mars sur une croissance de 5 % pour ces marchés qui devaient totaliser 53,3 Md€ en 2020 dans l’Hexagone. Par comparaison, le recul du marché de l’Europe de l’Ouest pourrait atteindre de 3 à 12 % cette année.
Sur le terrain, 81% des 176 chefs d’entreprise IT interrogés fin avril par Syntec Numérique (vs 74% début avril) anticipent une baisse de 25,1% en moyenne (vs 22,9% première édition) de leurs chiffres d’affaires prévisionnels sur le deuxième trimestre 2020.
Pas de reprise sérieuse avant début 2021 ?
Dans la version « optimiste » du Teknowlogy Group, ses analystes s’attendent à ce que le pic du virus soit géré avec succès durant trois mois « seulement » et bénéficie de mesures de confinement assouplies avant la fin de cette période. Mais dans leur scénario « pessimiste », cette période prendra six mois, avec un retour à la normale qui n’est pas attendue avant le dernier trimestre de 2020 pour la plupart des organisations, voire décalé au premier trimestre de 2021.
Début avril, les dirigeants du secteur interrogés par Syntec Numérique validaient déjà majoritairement un scénario « pessimiste » de ce type. Fin avril, plus d’un chef d’entreprise sur deux adhérant à ce syndicat estime désormais que le redémarrage de l’activité sera progressif et étalé de septembre à décembre 2020. Leurs homologues des autres organisations syndicales du numérique en France partagent ce point de vue. A l’exception sans doute d’une majorité d’éditeurs de logiciels qui tirent désormais une part croissante de leurs chiffres d’affaires réalisées dans la Cloud avec des ventes en mode Software as a Service (SaaS) ou Plateform as a Service (PaaS).
Les logiciels vendus en SaaS souffriront moins que ceux vendus sur site
Teknowlogy Group estime d’ailleurs que certains segments du marché du numérique souffriront plus que d’autres en Europe de l’Ouest. « Si les dépenses globales dans les logiciels sur site devraient baisser de 0,1 % (optimiste) à 8,7 % (pessimiste), la croissance des dépenses pour les solutions Software as a Service (SaaS) restera forte, en particulier dans des domaines tels que les outils de collaboration et de communication unifiées ».
Au global, son confrère Gartner anticipe lui une décroissance de 7,3 % des dépenses mondiales en logiciels, marché qui devrait reculer à 424 milliards de dollars en 2020. Et même si ce recul important varie selon les secteurs et les modes de commercialisation des logiciels, le cabinet d’études confirme que ceux vendus par abonnement dans le Cloud en mode SaaS ou PaaS seraient moins impactés que les logiciels vendus sur site. Il s’agit d’une première dans un secteur habitué à enregistrer des croissances significatives depuis de longues années.
L’investissement dans l’infogérance et les services managés restera soutenu
Dans les services informatiques, Teknowlogy Group s’attend à ce que les dépenses en matière de conseil et d’intégration de systèmes IT soient fortement affectées à court terme par le confinement, du fait que les entreprises reportent des initiatives stratégiques. En outre, les activités de leurs équipes chargées de déployer de nouvelles plateformes sont perturbées par le confinement et l’indisponibilité des clients. L’investissement dans l’infogérance et les services managés restera plus résistant. L’accentuation du contrôle des coûts par les clients pourrait créer de nouvelles opportunités à moyen terme pour les sociétés de service IT « agiles ».
Les secteurs des transports, du retail et des services seront les plus affectés
L’impact de la pandémie varie aussi selon les secteurs d’activité en Europe de l’Ouest et en France selon Teknowlogy Group et ses pairs. Alors que les organisations télécoms et les services publics continuent à fonctionner avec des niveaux de perturbation assez faibles, les secteurs des transports et des services (retail, hôtellerie, loisirs, restauration, tourisme, etc.) sont les plus affectés en 2020 par le recul des dépenses IT lié au Covid-19. Par exemple, les compagnies aériennes européennes, dont les flottes sont clouées au sol, et leurs sous-traitants perdent beaucoup d’argent. Par conséquent, elles renforcent le contrôle de leurs coûts dans tous les domaines, les technologies de l’information ne faisant pas exception.
Les entreprises doivent revoir leur organisation et préparer « l’après »
La situation de crise sanitaire actuelle contraint désormais toutes les entreprises à revoir leur façon de s’organiser pour mieux répondre aux demandes et aux nouvelles attentes de leurs clients. Pour s’y préparer, les directions générales des acteurs du numérique doivent replanifier leurs gammes de produits et de services, ainsi que leurs modèles opérationnels, afin d’anticiper d’éventuels changements de la demande à la baisse ou une reprise très lente. Des tendances que confirme fin avril 2020 le Syntec Numérique : « 70 % des chefs d’entreprise interrogés ont déjà réfléchi à un plan de relance de leur activité. 95 % des chefs d’entreprise anticipent une accélération de la transformation numérique pour les entreprises suite à la pandémie de Covid19 ».
Auteur : Olivier Bellin