Le fonctionnement de l’administration française et la manière dont s’établit la relation avec les usagers évoluent, note la juridiction, qui estime néanmoins que l’organisation des services n’a pas été réformée en profondeur et que les gains de productivité restent en deçà de leur potentiel.
La Cour des comptes a rendu un rapport intitulé « Relations aux usagers et modernisation de l’État : vers une généralisation des services publics numériques ». Ce document pointe les efforts réalisés par les pouvoirs publics pour prendre le train du numérique mais aussi les lacunes qui freinent la modernisation des services. La Cour des comptes reconnaît en premier lieu que notre administration a réalisé en 2015 une performance honorable si on la considère du point de vue européen. La France a atteint la 13ème position pour un indice regroupant quatre critères (l’offre de services dématérialisés, le nombre d’utilisateurs, le recours aux formulaires pré-remplis et l’ouverture des données), soit une progression de quatre places par rapport à 2014, et une performance légèrement supérieure à la moyenne européenne, au-dessus de l’Allemagne ou du Royaume-Uni mais derrière l’Espagne, les Pays-Bas ou le Danemark.
Mais la Cour n’y voit pas une réussite exemplaire. Elle estime que les services publics numériques ne semblent pas jouer un rôle moteur dans la modernisation de l’État et de sa relation avec les usagers, lesquels ne font pas du numérique leur mode d’accès privilégié, même lorsque l’offre existe.
Diffuser une culture du numérique dans les administrations
Quant à l’administration, elle ne semble pas davantage avoir tiré toutes les leçons ni tous les bénéfices du développement des services en ligne. De manière globale, l’organisation des services n’a pas été profondément modifiée, les gains de productivité liés aux services publics numériques restant en deçà de leur potentiel. « Alors que la situation des finances publiques impose des trajectoires budgétaires tendues et des réductions d’effectifs, la capacité des réformes numériques à rendre ces contraintes soutenables n’est pas explicitement évaluée ni intégrée dans les moyens de gérer cette situation. Tenir compte de l’impact potentiel des services publics numériques sur l’organisation de l’administration, et notamment de ses réseaux territoriaux, analyser les nouveaux flux dématérialisés et tirer un meilleur parti de la grande quantité de données désormais disponibles pour l’administration supposent que toutes les démarches de modernisation – dématérialisation, simplification, économies budgétaires – soient articulées et coordonnées et qu’une véritable culture du numérique se diffuse au sein des administrations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui : le développement des services publics numériques n’est pas encore utilisé comme un véritable levier de modernisation de l’État », précise le rapport .
Quinze préconisations de modernisation
La Cour estime toutefois que les conditions sont réunies pour faire des services publics numériques un levier de transformation de l’État, et du numérique le mode d’accès de droit commun aux démarches administratives. Son rapport formule en outre une quinzaine de recommandations allant de la réduction des inégalités des usagers touchés par la fracture numérique à la mise en place une plateforme unique permettant à chaque citoyen d’accéder à tous les services publics avec un seul identifiant, prendre ses rendez-vous en ligne, remplir et transmettre ses formulaires, suivre ses dossiers, procéder à des télépaiements. Mais pour la Cour, la réussite de cette modernisation suppose d’assurer convenablement l’accompagnement des usagers et d’accroître la confiance dans les services numériques par des mesures de sécurité suffisantes. Cela passe, selon elle, par la possibilité de mieux distinguer les sites publics des sites privés et par une campagne de sensibilisation des usagers, mais aussi par le respect des standards et normes en matière de sécurité des SI et la garantie des libertés publiques qui doit être prise en compte dès l’amont des projets et rendue plus transparente.
Le rapport de la Cour des comptes est ici.