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‘’L’IA est un game changer comparable à la poudre à canon ou l’atome !” selon l’AMIAD

Dominique Chauveau, manager partenariats et référent cyber de l’Agence Ministérielle pour l'IA de Défense (AMIAD) - Photo DR
Dominique Chauveau, manager partenariats et référent cyber de l’Agence Ministérielle pour l'IA de Défense (AMIAD) - Photo DR

L’intelligence artificielle est en train de bouleverser le secteur de la Défense à une échelle rarement atteinte par d’autres innovations technologiques, selon Dominique Chauveau, manager partenariats et référent cyber de la toute nouvelle Agence ministérielle pour l’IA de défense (AMIAD). Annoncée en mars et lancée en juillet, l’AMIAD a vocation à professionnaliser l’usage de l’IA dans les armées. Entretien exclusif.

Solutions Numériques & Cybersécurité – Quelle est la mission de cette nouvelle structure qu’est l’AMIAD ?

Dominique Chauveau – En 2018, face à la montée en puissance de l’IA dans le domaine civil et au potentiel que cette technologie pouvait représenter pour la défense, le ministère des Armées a publié sa première feuille de route pour l’IA de défense. La DGA a alors créé à Bruz en Bretagne une équipe en IA qui, fin 2023, est composée d’une cinquantaine d’experts.

L’arrivée de ChatGPT en novembre 2022 marque le début d’une nouvelle grande accélération que le ministère des Armées a choisi de suivre. Dès janvier 2024, une nouvelle stratégie IA est signée et le 23 avril 2024, un décret donne naissance à l’AMIAD, Service à Compétences Nationales (SCN) rattaché directement au Ministre.

Élément essentiel de la stratégie, l’AMIAD vise un effectif cible de 300 personnes d’ici à 2026. Elle est constituée d’un pôle technique de 250 agents installé à Bruz et d’un pôle recherche de 50 chercheurs basé à l’école polytechnique à Palaiseau.

Sa mission est ambitieuse : piloter la mise en œuvre de la stratégie ministérielle en matière d’IA. Cela implique de consolider son expertise pour être l’expert référent du ministère, tout en développant des solutions d’IA répondant aux besoins et en appuyant les autres acteurs du ministère (armée, industriels). Ces solutions incluent l’IA embarquée, pour les  programmes d’armement, l’IA pour le soutien des forces en opération (analyse, aide à la décision, etc.), ainsi que l’IA pour les fonctions administratives du ministère (notes de synthèse, ressources humaines, finances).

“Ces solutions incluent l’IA intégrée aux programmes d’armement, l’IA pour le soutien des forces en opération et l’IA pour les fonctions administratives du ministère.”

SNC – Quels sont les besoins ?

DC – L’AMIAD doit mettre en place une réelle capacité productive permettant de livrer aux forces et à l’ensemble du ministère des IA opérationnelles, dans des délais courts.

Pour répondre aux besoins du ministère en tenant compte de ses spécificités, l’AMIAD dispose de trois modes d’action :

  • « Faire faire » : achat sur étagère pour répondre aux besoins courants avec des solutions existantes.
  • « Faire avec » : co-développement avec l’écosystème, les industriels, les startups et les laboratoires de recherche, pour la production de solutions innovantes.
  • « Faire » : développement interne, pour les sujets les plus sensibles en terme de souveraineté ou de sensibilité des données.

Ce cadre permet de structurer les collaborations avec les entreprises, PME locales ou grands groupes technologiques, et de dynamiser les initiatives de recherche en IA. Une attention particulière est portée aux infrastructures de calcul, indispensables pour faire face aux exigences de puissance que requièrent les algorithmes modernes.

SNC – Quels sont vos objectifs ?

DC – En tant que manager partenariats, j’ai pour tâche de favoriser le développement d’un écosystème et de faciliter l’intégration des technologies IA dans les dispositifs du ministère, tout en développant des synergies avec les acteurs industriels et académiques. L’AMIAD se veut être un facilitateur de collaboration. Nous souhaitons attirer les talents, fédérer les acteurs et créer un environnement propice à l’innovation, qu’il s’agisse de collaborations locales, nationales ou internationales.

À court terme, l’AMIAD se prépare à des rendez-vous importants pour son écosystème comme celui de la conférence ECW qui se tiendra du 18 au 21 novembre à Rennes. Cet événement historiquement orienté cyber consacrera cette année une très large place à l’IA de Défense avec la traditionnelle conférence CAID sur l’ensemble des domaines d’application de l’IA de défense : cyber, renseignement, commandement, air, terre, mer…,  complétée par de nouveaux événements, notamment ceux consacrés aux avancées récentes des « IA génératives » ou à la « sécurité de l’IA ».

SNC – Comment intégrez-vous la cyberdéfense et l’IA ?

DC – J’endosse également le rôle de référent cyber pour l’AMIAD. Je suis chargé de piloter les relations avec les différentes entités du ministère intervenant dans le domaine cyber. Nous devons mutualiser les efforts, coordonner les travaux et garantir la cohérence des actions dans les différents domaines de lutte dans le cyberespace. Cette approche vise également à renforcer la convergence entre les capacités IA et les besoins croissants en cyberdéfense, un domaine dans lequel l’AMIAD peut s’appuyer sur un écosystème numérique et cyber particulièrement bien développé sur la région Bretagne.

SNC – Quelles sont les opportunités pour les entreprises, les collectivités, les structures de recherche et d’enseignement ?

DC – L’AMIAD représente une opportunité majeure de collaboration pour les entreprises et les structures de recherches ou de formation. Notre objectif est de produire des systèmes d’IA pour les forces et de faciliter leur mise en production, pour l’ensemble du ministère des Armées.

“L’AMIAD représente une opportunité majeure de collaboration pour les entreprises et les structures de recherches ou de formation.”

Le ministère des Armées doit donc pouvoir s’appuyer sur un tissu industriel amené à se développer et monter en maturité dans le domaine de l’IA. Ce développement passe par une offre de formation en IA pour disposer des compétences attendues, et l’activité de recherche pour favoriser l’innovation.

En Bretagne, le pôle technique est en train de se développer et se structurer. Pour faciliter son développement mais également pour démultiplier sa capacité de production par la sous-traitance, l’AMIAD souhaite favoriser le développement d’un écosystème IA régional. Elle peut pour cela s’appuyer sur un écosystème numérique et cyber breton déjà très riche. Le CREACHLABS permet de financer des thèses, des post doctorats ou des séminaires et offre aux experts de l’AMIAD la possibilité de contribuer à des travaux de recherche en collaboration avec les laboratoires bretons. Le Pôle d’Excellence Cyber a lancé des travaux sur le sujet des IA de confiance. Cet écosystème peut aussi compter sur des projets financés par le SGPI dans le cadre de France 2030 : le projet TIARE sur le volet de la formation en IA à Rennes ou le projet de Cluster IA Breton sur le volet recherche.

SNC -Quels sont les enjeux ?

DC – Au-delà de l’innovation, les enjeux stratégiques sont majeurs. Nous pensons que l’IA est une révolution comparable à celle de la poudre à canon ou de l’atome pour nos armées. Il est crucial que nos forces prennent le virage de l’IA, sous peine de perdre leur avantage stratégique. L’IA peut déterminer l’issue des futurs conflits. Si nous n’adaptons pas rapidement nos forces à ces nouvelles technologies, nous risquons de perdre notre avantage stratégique.

“Il est crucial que nos forces prennent le virage de l’IA, sous peine de perdre leur avantage stratégique. L’IA peut déterminer l’issue des futurs conflits.”

L’accessibilité des modèles d’IA en open source permet à de nombreux acteurs, y compris des compétiteurs potentiels, de se doter d’outils performants. Notre mission est d’anticiper ces évolutions, tout en préservant la souveraineté de nos capacités. Pour y parvenir, l’AMIAD devra adapter les services développés par la communauté IA à l’environnement strictement sécurisé des systèmes de défense.