En raison du Covid-19, la plupart des cabinets d’analyse prévoit une forte baisse – d’environ 13 % – des livraisons mondiales en 2020 de terminaux IT (PC, tablettes et smartphones). Les achats massifs de PC portables en mars et avril par les particuliers confinés et le secteur public ont permis au secteur de limiter la casse. Cela suffira-t-il à compenser le fort ralentissement des ventes attendu au second semestre ? Pas sûr, car les investissements non prioritaires sont gelés et la pénurie perdure chez Intel.
Le second semestre 2020 s’annonce compliqué pour les fournisseurs et revendeurs de PC et d’autres terminaux IT (tablettes et smartphones). Certes, les usines chinoises les fabriquant ont redémarré doucement fin avril, de même que certaines de leurs livraisons par bateau, mais la situation n’est toujours pas optimale côté stocks. Quant aux ventes de PC portables, elles déclinent depuis mai après avoir atteint des sommets en mars et en avril 2020 selon Context.
L’offre et les stocks de PC portables se reconstitueront lentement
Les fournisseurs de PC qui disposent d’usines dans l’Est de l’Europe, tels que Dell ou HP, sont contraints de les faire tourner à plein régime pour honorer en priorité les commandes de PC portables les plus rentables en Europe. Cette logistique de proximité leur permet aussi de ne pas surpayer trop de livraisons par avion-cargo depuis la Chine. A la grande satisfaction de leurs commerciaux, dont beaucoup font grise mine car ils peinent à atteindre leurs objectifs depuis fin 2019.
Toutefois, les stocks des fournisseurs de PC seront d’autant plus lents à se reconstituer cet été, au moins à un niveau comparable à celui post-Covid-19, que les pénuries sont toujours fortes sur certains des nouveaux processeurs Core d’Intel. S’y ajoutent désormais celles sur les SSD, certains écrans et d’autres composants vitaux pour la fabrication des PC portables. Les prix des PC et du panier moyen vont donc continuer à augmenter estime le cabinet d’analyse Context.
L’heure est au bilan et à la consolidation des actifs IT plutôt qu’aux nouvelles dépenses
Et s’ils ont plutôt bien répondu dans l’urgence, et dans la mesure des stocks et des équipes disponibles, aux nouveaux besoins IT des clients confrontés à une crise sanitaire sans précédent, les fournisseurs de PC vont devoir à nouveau s’adapter. En effet, la demande a encore changé dans les entreprises. Logique, elles tirent les leçons des deux mois de télétravail forcés pour des centaines de millions de collaborateurs dans le monde.
Toutes ne profiteront pas cet été aux fabricants de PC et à leurs revendeurs. Car l’heure est au bilan et à la consolidation des actifs dans les entreprises, plutôt qu’aux nouvelles dépenses IT. Beaucoup de PME et d’ETI ont déjà explosé les budgets IT votés fin 2019 pour maintenir leurs activités à flot. Nombre de sociétés, privées comme publiques, ont donc reporté en 2021 certains gros projets IT non stratégiques, dont le renouvellement de leurs parcs de PC sous Windows 10 ; et notamment dans les secteurs qui ont perdu beaucoup d’argent suite au confinement forcé, comme les loisirs, les transports, l’hôtellerie et la restauration, l’automobile, les banques et les assurances, etc.
« Mais aucun directeur informatique ne pourra se priver de repenser ses plans de reprise d’activité (PRA), surtout que les entreprises doivent être prêtes à revivre cette situation si, par malheur, un virus ou une autre crise sanitaire de ce type refaisait surface », constate Martial Jibrayel, responsable du Développement Workplace & Datacenter de l’intégrateur Computacenter.
Sauf pour les entreprises décidées à intensifier le « bureauless » sécurisé
Compte-tenu des investissements massifs déjà réalisés dans l’urgence au printemps pour maintenir leur activité à flot, mais aussi pour équiper ou compléter les équipements IT de leurs collaborateurs en télétravail, peu de sociétés réinvestiront massivement dans les PC et l’IT en général avant 2021. D’autant que nombre de leurs salariés ne rentreront au bureau à plein temps qu’après les vacances d’été. Et pour cause, le virus est toujours là et le chômage partiel est encore largement indemnisé par le gouvernement.
Ce constat ne s’applique que partiellement aux entreprises qui ont déjà décidé d’intensifier le télétravail, voire de généraliser le « bureauless » (Facebook, PSA, etc.). A la demande parfois de leurs employés de bureau, qui sont nombreux à avoir pris goût au télétravail. Des études montrent qu’une majorité d’entre eux serait même prête à prolonger ce test grandeur nature, à raison de 2-3 jours par semaine par exemple…, si leurs entreprises les équipent mieux. « Le confinement des collaborateurs a permis au secteur du numérique de gagner au moins cinq ans dans l’évangélisation des concepts de digitalisation du workplace et de développement du télétravail », estime Martial Jibrayel.
De meilleurs PC et… un vrai fauteuil de bureau
Aux rangs des demandes récurrentes émanant des télétravailleurs figurent par exemple « La fourniture d’un PC portable plus performant et mieux sécurisé, mais aussi d’un complément d’équipements comme un écran externe plus grand, une station d’accueil ou encore un multifonction. Les collaborateurs souhaiteraient également disposer d’un vrai fauteuil de bureau afin de recréer un espace de travail productif, sécurisé et ergonomique », explique Vincent Labbay, directeur commercial des Systèmes personnels de HP France.
Il ne doit en reste qu’un
Mais vu les surcoûts générés, à court terme, par le maintien de postes de travail au bureau et à domicile, certaines sociétés pourraient ralentir leur projet télétravail, faute de budget. Sauf si elles fusionnent ces deux postes de travail et qu’elles parviennent à réduire, de manière significative, leurs dépenses dans l’immobilier de bureau par exemple. Et pour inciter les entreprises à ne pas abandonner leurs projets d’équipement, des intégrateurs comme Computacenter, tout comme leurs fournisseurs IT, jouent davantage la carte du leasing ou du rachat de parcs.
Le niveau d’engagement des entreprises en matière de nouveaux PC dépendra également de l’importance des plans sociaux, qui commencent déjà à apparaître dans les secteurs les plus impactés.
Même les administrations passent massivement aux PC portables
L’autre enseignement à tirer, en parallèle du précédent, est que « le Covid-19 a mis un sérieux coup d’arrêt aux commandes pour des PC de bureau » selon Martial Jibrayel. En 2019, ils ne représentaient déjà plus qu’un quart, à peine, du parc de PC installés dans les entreprises. Y compris dans les collectivités locales et les administrations, qui passent toutes au PC portable après avoir été les plus gros acheteurs de PC fixes. Une tendance que confirme Marie-Christine Pygott, analyste PC chez Context, qui estime qu’en France « de nombreuses entreprises repensent désormais leur façon de travailler et abandonnent de plus en plus leurs achats de PC fixes. Historiquement faible, la demande pour les PC de bureau a chuté de 40 % en avril et de presque 50 % en mai. ».
A l’instar de Vincent Labbay de chez HP, plusieurs fournisseurs et revendeurs IT constatent aussi que le secteur public a fait office, une fois de plus, d’amortisseur à la crise économique. Et même si le panier moyen y est souvent plus faible que dans le privé, leurs commerciaux auraient fait grise mine sans les dizaines – voire les centaines – de milliers de PC commandés ce printemps par les administrations et les grandes entreprises (para) publiques.
Seul bémol, la demande en PC et en autres produits IT des collectivités locales et des quelques 35 000 communes françaises plonge au deuxième trimestre 2020, beaucoup d’entre elles n’ayant plus de maire en poste, pour cause de report à fin juin du second tour des élections municipales. Leurs investissements IT pourraient repartir cet automne estiment les professionnels.
Un « back to school » incertain pour les PC
Les professionnels fondent aussi beaucoup d’espoirs sur les livraisons de PC pour le « back to school » de septembre. Toutefois, ils reconnaissent que de nombreux parents et étudiants ont avancé, dès le printemps, leurs investissements en PC et en périphériques pour pouvoir télétravailler. Ce surcroît de commandes provenant du canal retail était inespéré à cette période de l’année. Il a permis à de nombreux fournisseurs et revendeurs IT de sauver leur chiffre d’affaires en mars et en avril 2020. Il aurait même été sans doute bien supérieur sans la pénurie de PC et de processeurs Intel…
L’adhérence au hardware baisse dans les grands groupes
Ces deux raisons expliquent pourquoi les constructeurs de PC ont attendu pour sortir leurs nouveautés et les injecter dans les catalogues de la rentrée. Les changements dans les comportements d’achats et dans les mentalités impactent également le lancement des nouveaux produits estime Vincent Labbay de chez HP : « Nous constatons une baisse de l’adhérence pour le hardware et les PC dans les grands groupes, qui s’approche de celle des smartphones désormais ». Les constructeurs doivent repenser leurs catalogues BtoB souvent conçus pour 18 mois, période à laquelle il faut ajouter 3 mois afin d’accompagner les transitions entre deux gammes. Certains constructeurs envisagent désormais de lancer une nouvelle gamme tous les six mois à la demande de clients plus matures dans leurs achats. Ils souhaitent également plus de flexibilité pour y insérer de nouveaux modèles.
Au final, aucun fournisseur de PC n’a de visibilité sur ses ventes pour fin 2020. Pas plus que leurs revendeurs d’ailleurs, comme le confirme fin mai Martial Jibrayel : « De grosses incertitudes demeurent sur les ventes de PC pour fin 2020, même si la situation serait moins grave qu’anticipée il y a quelques semaines ». Toutefois, comme leurs clients, fournisseurs et revendeurs ne seront pas épargnés par les plans d’économie si les ventes de PC s’effondrent trop au second semestre.
Auteur : Olivier Bellin