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Les sous-traitants de la fibre optique sur la sellette

Journée Pass'Fibre. DR Anjou Fibre

Depuis plus de trois ans, la qualité des raccordements au réseau de fibre optique se dégrade au fil du temps, malgré de nombreuses actions parmi lesquelles un appel lancé le 4 avril dernier par vingt-huit collectivités. En cause, le mode STOC – sous-traitance de l’opérateur commercial -, qui génère des pratiques peu conventionnelles. L’association de collectivités Avicca a donc décidé de passer à l’offensive.

Patrick Chaize, président de l’Avicca

« Sur ce réseau partagé, géré par un seul opérateur d’infrastructures, différent selon les territoires, une multitude d’opérateurs commerciaux intervient, explique Patrick Chaize, président de l’Avicca et sénateur de l’Ain. En théorie, les raccordements jusqu’au client final devraient être de la responsabilité de l’opérateur d’infrastructures. Mais pour des raisons compréhensibles de garder le lien avec le client, les opérateurs commerciaux ont à un moment insisté pour que cette partie leur soit sous-traitée. Et c’est l’origine du problème, poursuit-il.
Il y a eu une forte pression sur les collectivités et les opérateurs d’infrastructures pour que les raccordements se fassent dans un mode, appelé le mode STOC – sous-traitance de l’opérateur commercial -. Sauf que la plupart du temps, l’opérateur commercial n’a pas le personnel pour faire tous les raccordements sur le territoire national. Donc, il sous-traite à des entreprises qui n’ont pas la capacité d’assurer tout le marché. Donc, le sous-traitant va chercher d’autres sous-traitants ». Avec pour conséquence, une dégradation de la rémunération de celui qui, au bout de la chaîne, va finalement effectuer le raccordement.

Jusqu’à 75 % des branchements de certains réseaux ne sont pas conformes

« Un raccordement peut être payé par l’opérateur d’infrastructures de l’ordre de 400 à 500 euros euros en moyenne et les sous-traitants de dernier rang toucheront, eux, 50 euros, confie Patrick Chaize. Ces sous-traitants « exécutants » vont alors tenter d’optimiser leur travail, d’effectuer un maximum de raccordements dans la journée, afin de pouvoir vivre dignement. Le travers : des travaux bâclés et des dégradations permanentes, qui augmentent la probabilité de pannes et de problèmes dans le temps ».
Selon l’Avicca, jusqu’à 75 % des branchements (boîtier situé dans le domicile du client final) de certains réseaux ne sont pas conformes, et 80 à 100 % des points de branchement optique plus ou moins gravement endommagés.

Un projet de loi coercitif

L’Avicca va donc déposer une proposition de loi sous une dizaine de jours et étudier l’opportunité d’une enquête parlementaire sur la bonne utilisation de l’argent public pour les raccordements. La proposition de loi intègre trois types de sanctions :

– Les opérateurs qui réalisent ou sous-traitent les raccordements des foyers ne pourront pas percevoir directement ou indirectement de fonds publics en cas de défauts, malfaçons ou dégradations constatés. Ils devront aussi fournir obligatoirement les plannings d’intervention pour le suivi des raccordements, le respect des délais…

– Les opérateurs qui sous-traitent les travaux de raccordement devront rembourser les dépenses publiques que les collectivités territoriales auront dû engager pour pallier leurs défaillances.

– Les opérateurs recourant au mode STOC, qui emploient du personnel sous-qualifié, mal rémunéré, non déclaré ou ne respectant pas les règles de sécurité seront sanctionnés. La qualité des raccordements dépend en effet de la formation-qualification du personnel mais également de sa rémunération et du temps imparti pour réaliser les raccordements. De plus les règles élémentaires de sécurité ne sont pas toujours respectées, mettant en danger la vie du personnel.

Assurer et contrôler le bon niveau de formation des techniciens

Avant d’en arriver à ce projet de loi coercitif, de multiples pistes d’action ont déjà été lancées par l’Avicca et par les autres acteurs de la filière de la fibre optique. Le gouvernement et l’Arcep ont notamment saisi la fédération InfraNum le 13 avril dernier pour qu’elle soumette des pistes d’action, afin de renforcer et rendre effective la formation de l’ensemble des techniciens FttH qui interviennent sur les réseaux en fibre optique, y compris ceux intervenant dans le cadre d’un contrat de sous-traitance pour le raccordement ou l’exploitation.

Colloque de l’Avicca début juin

Philippe Le Grand, président d’InfraNum, a présenté le 1er juin dernier, lors du colloque de l’Avicca, les propositions de la fédération. Celles-ci s’organisent autour de trois grands principes :

–  Mettre en place une labellisation par les opérateurs des entreprises et des intervenants : cette action, qui permettra de vérifier, au travers d’une grille d’analyse définie par la filière, les moyens de formation mis en œuvre, les méthodes pédagogiques et connaissances pratiques, aboutira notamment à la mise en place d’une carte professionnelle. Cela permettra d’assurer et de contrôler le bon niveau de formation des techniciens par rapport aux standards définis par l’ensemble de la profession.

–  Renforcer les contrôles par les opérateurs sur les intervenants réalisant les raccordements grâce au partage hebdomadaire des plannings d’intervention de raccordement

–  Faire du compte-rendu d’intervention la clé de voûte du dispositif de validation de la qualité du raccordement. Cet outil permet à l’ensemble des intervenants sur les réseaux d’échanger des informations essentielles pour assurer l’exploitabilité des réseaux : vérification de la conformité de l’intervention, mise à jour des référentiels réseaux, suivi des interventions…

 

 

Patricia Dreidemy