Les réseaux sociaux ont connu une évolution spectaculaire, selon une étude* de la plateforme française de recrutement HelloWork sur l’évolution des relations entre candidats et recruteurs de 2010 à 2024.
« Cette étude est une agrégation d’enquêtes réalisées sur la période 2010-2024, où nous avons sollicité candidats et recruteurs pour mieux comprendre leurs usages, leurs attentes et les évolutions majeures dans cette relation », explique Loïc Le Terrien, directeur exécutif Emploi d’HelloWork Groupe. En tout, près de 53 000 actifs et plus de 4 200 professionnels du recrutement et des ressources humaines ont été interrogés. HelloWork a comparé leurs réponses à celles de sa nouvelle étude candidat-recruteur 2024.
Plusieurs enseignements en sont ressortis. Si les plateformes de recrutement restent toujours l’outil le plus utilisé par les professionnels du secteur (92%), l’usage des réseaux sociaux a fait une percée fulgurante, passant de la sixième à la deuxième place (79%) devant les candidatures spontanées (72%).
« Leur émergence était déjà perceptible en 2010, et en 2024, c’est l’explosion. Les recruteurs ont investi les réseaux personnels comme Facebook, Instagram et Snapchat pour communiquer et tenter d’atteindre les candidats, indique le directeur exécutif Emploi. Quant aux réseaux sociaux professionnels, et principalement Linkedin, ils sont vraiment devenus des outils pour sourcer les candidats. Autrefois, c’était plutôt les cabinets de recrutement qui détenaient les bases de candidats et aujourd’hui, les entreprises ont directement accès aux bases d’actifs et elles peuvent les approcher directement ».
Côté candidats, les réseaux sociaux ne figure pas dans le Top 3. « On utilise d’abord Snapchat pour discuter avec ses amis et son réseau, et Facebook pour consulter son fil d’actualité, des actualités, des vidéos… Ce n’est pas un levier auquel on pense pour chercher un emploi », avance Loïc Le Terrien.
L’étude souligne par ailleurs l’évolution très importante des ATS (« Applicant Tracking System »), outils de gestion de candidatures, qui accompagnent les recruteurs dans l’ensemble du processus de recrutement, de la réception des CV jusqu’à la sélection du candidat final. En 2024, 80% des recruteurs déclarent avoir un ATS ou envisager d’en acquérir un, quand en 2018, ils étaient 64%. « Cela montre un phénomène de professionnalisation des process de recrutement. Les entreprises souhaitent être plus réactives, mieux gérer leurs embauches. L’ATS permet également de traiter plus de volume de candidatures, explique Loïc Le Terrien.
Un équilibre entre télétravail et présentiel
Aujourd’hui, et sans doute le Covid qui est passé par là y est pour quelque chose, les candidats sont moins enclins à sacrifier leur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Ils placent la distance entre l’entreprise et leur domicile en critère numéro 1 du choix d’un employeur (69% en 2024 contre 53% en 2013), alors qu’il y a 10 ans, c’est le coeur d’activité de l’entreprise qui captait toute leur attention. Ce n’est plus tant le type d’entreprise que ce qu’elle a à apporter qui prime. Quatre ans après la crise sanitaire, le télétravail semble par ailleurs avoir atteint la maturité sous sa forme hybride.
« Avant le Covid, les recruteurs trouvaient compliqué de gérer le télétravail, ne sachant pas ce que faisait leurs employés », commente François Leverger, directeur général d’HelloWork Group. La pandémie a tout changé et après deux ou trois années de recul, les choses se sont équilibrées. « D’un côté, les entreprises ont offert de nombreuses possibilités de télétravailler (63%) et d’un autre, les candidats ont trouvé un bon mixe (52%) entre le télétravail, qui offre une certaine liberté d’organisation et le présentiel, qui favorise les liens sociaux. Globalement, la norme actuelle et à peu près de deux jours de télétravail par semaine, ce qui semble convenir à la majorité des actifs français », ajoute-t-il.
Le Covid a également contribué à une augmentation de l’usage de la visioconférence entre 2018 et 2024. « Elle remplace notamment les entretiens téléphoniques, très prisés pour les premières sélections en particulier, affirme Loïc Le Terrien. On se sert beaucoup de la visio pour à la fois contacter le candidat de façon très réactive et avoir un échange plus interactif avec lui ».
La peur de l’IA reste minime
2023 ayant marqué le début de l’IAG, HelloWork a cherché à comprendre la perception qu’en avaient recruteurs et candidats. « Nous avons demandé aux recruteurs s’ils utilisaient l’IAG, car l’IA au sens large existe depuis longtemps et elle est déjà utilisée indirectement par les recruteurs, notamment via des plateformes comme la nôtre, dans certains aspects de leur métier », précise François Leverger.
Plus de 60% d’entre eux ont répondu n’en faire aucun usage. En revanche, près de 46% estiment qu’elle jouera un rôle important dans le futur de la fonction RH. Parmi les utilisations cités, l’aide à l’écriture de textes semble être l’accompagnement le plus sollicité : rédaction d’offres, notamment sur le volet créatif pour se renouveler, rédaction de messages de refus ou de messages d’approche, rédaction de synthèses d’entretiens, rédaction de posts sur les réseaux sociaux…
« Aujourd’hui, il n’existe pas d’IA qui révolutionne le monde de la mise en relation dans l’emploi et la formation. D’ailleurs, l’AI Act considère ces secteurs à très haut risque, souligne François Leverger. En effet, à partir du moment où on confie à des IA la catégorisation, la mise en relation entre des offres d’emplois et des candidats, les risques de discrimination et de biais sont très forts, et exponentiels par rapport à ce que fait l’humain ». C’est la raison pour laquelle l’AI Act impose que les choix des IA soient explicables.
Côté candidats, 30% des sondés pensent que l’émergence de l’IAG ne changera pas la manière dont ils exercent leur métier et plus d’un quart n’a pas d’avis sur le sujet. 22% voient l’émergence de l’IA comme une opportunité pour leur carrière, 36% ne la considèrent ni comme une menace ni comme une opportunité et 26% n’ont aucun avis. Seuls 14% la perçoivent comme une menace. « C’est plutôt à contre-courant de ce qu’on entend sur la peur de l’IA. Tout le monde la voit de façon assez positive », conclut François Leverger.
Patricia Dreidemy
* Etude réalisée fin 2023 auprès de 2 690 candidats et 157 professionnels des ressources humaines, comparée aux résultats de 12 enquêtes qui analysent la relation entre les candidats et les recruteurs depuis 2010.