Les projets blockchain en recherche de compétences techniques

Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.

Si la blockchain reste un marché de niche sur le marché de l’emploi tech, elle demande des compétences pointues, rares et très demandées, et impacte de nombreux métiers du numérique.

Dans le monde de la blockchain, de nouveaux cas d’usages et modèles économiques se développent (« DeFi » ou finance décentralisée, système alternatif basé sur la cryptomonnaie et les stablecoins, NFT métavers…), met en avant l’étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France réalisée en 2023 par l’OPIIEC, l’observatoire paritaire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’évènement. Elle a interrogé 222 entreprises de la branche du numérique, de l’ingénierie, du conseil, des études et de l’événement (branche dite BETIC).

Après un essor des technologies blockchain lié au développement des cryptomonnaies à partir de 2008, la technologie blockchain est depuis 2018 mature et rentrée en phase d’industrialisation. Elle s’adapte à de multiples cas d’usages dans différents secteurs tels que la finance, la logistique, la santé, l’énergie, le luxe et l’automobile. Elle s’intègre dans un nouveau modèle émergent et plus collaboratif, le Web3 qui repose sur les principes d’infrastructures fiables et sécurisées, la souveraineté des données personnelles des utilisateurs et l’affranchissement des intermédiaires. Face à ces évolutions, les entreprises recherchent des profils hautement qualifiés pour mener ces projets.

4 métiers spécifiques à la blockchain

L’écosystème blockchain en France compte 240 startups, comme Ledger ou Sorare, qui ont respectivement levé 380 M€ et 680 M€ en 2021. Les jeunes pousses relèvent à 65 % de la filière numérique. L’écosystème comprend également des ESN et des cabinets de conseil, comme Accenture, Capgemini, Sopra Steria, qui utilisent la technologie généralement développée par un tiers pour les cas d’usages de leur clientèle, ainsi que des entreprises d’autres secteurs en demande de solutions blockchain.

Les emplois directs, c’est-à-dire de profils ayant des compétences blockchain, sont estimés par l’étude à 3 806 emplois en 2022 et à 10 475 en 2028, soit une augmentation de près de 175 %. L’OPIIEC prévoit une poursuite de la croissance du marché de la blockchain.

L’étude recense quatre métiers spécifiques à la blockchain :

– développeur blockchain qui est responsable de la création et de la maintenance de systèmes basés sur la technologie.

– consultant blockchain qui accompagne le client à comprendre comment la technologie peut être utilisée pour répondre à son besoin

– architecte blockchain / ou smart-contract en charge de la conception et de la planification de la solution et s’assure que le système est conforme aux spécifications et aux normes.

– tokenomiste (métier en émergence) qui est en charge des systèmes de contrôle et d’encadrement des projets liés aux cryptomonnaies.

Un marché de niche, mais qui impacte des métiers du numérique

Globalement, la blockchain reste un marché de niche. 17 % des entreprises de la branche BETIC ont un projet blockchain en cours ; 47 % d’entre elles font partie du secteur du numérique. 72 % des entreprises ayant un projet blockchain en cours sont des TPE de 1 à 10 salariés, et la moitié sont en Ile-de-France. En moyenne, 3,1 salariés travaillent sur un projet blockchain dans les entreprises ayant un projet en cours.

Dans la filière numérique, les familles de métiers liées à la chaîne de production globale sont très impliquées dans les projets blockchain : « mise en production et exploitation de la solution » pour 81% des entreprises, « architecture et conception » et « développement et test de la solution » pour 75% des personnes interrogées.

L’étude montre également quelles sont les principales fonctions impactées par la blockchain (cf. tableaux ci-dessous). Les métiers du numérique les plus impactés sont bien sûr spécialiste blockchain, mais aussi des métiers du produit (chef de produit), de la donnée (data engineer, spécialiste bases de données) et de la sécurité. Côté ingénierie et conseil, les data scientists et architectes IoT sont notamment impactés.

Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.

Recherche profils techniques très pointus

Les entreprises de la branche ayant un projet en cours prévoient de recruter en moyenne 3,1 salariés ayant des compétences blockchain, principalement pour les postes techniques tels que les développeurs et les consultants blockchain.

14 % des entreprises de la branche prévoient de travailler sur un projet en lien avec la blockchain. Celles-ci prévoient en moyenne de recruter 1,3 salarié ayant des compétences blockchain.

Des difficultés de recrutement majeures existent : 81 % des entreprises estiment qu’il y a un manque de profils. Il existe une inadéquation des besoins des entreprises face aux compétences disponibles. 78% des entreprises du numérique ayant un projet en cours estiment que les candidats manquent de compétences.

Face aux difficultés de recrutement, 69 % des entreprises de la branche se disent néanmoins prêtes à recruter des profils moins expérimentés (alternants, jeunes diplômés) lorsque les projets blockchain sont en cours de déploiement. En revanche lors des phases de démarrage de projet, elles recherchent des profils très expérimentés.

Les domaines de compétences les plus recherchés sont la cybersécurité, l’implémentation d’applications décentralisées, les langages de programmation spécifiques pour développer sur un protocole blockchain (Solidity, Rust, C++…), la gestion des algorithmes de consensus pour garantir le bon fonctionnement de la blockchain et son efficacité, la cryptographie pour garantir que seuls les utilisateurs autorisés accèdent aux données stockées sur la blockchain.

Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.

Une offre de formation limitée

L’offre de formation en lien avec la blockchain est encore relativement limitée, bien qu’elle soit en croissance. L’OPIIEC a recensé 155 actions de formation (initiale ou continue) proposés par 53 organismes, dont les deux tiers en Ile-de-France, dont 42 % sont dédiées à la technologie blockchain. 47 % de l’offre propose des modalités de formation mixte (présentiel et distanciel) ou à distance.

Source: l’étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.

De rares formations initiales en phase avec les besoins

Côté formation initiale, l’offre globale tend à se construire dans les domaines du développement, de la finance, du juridique, mais l’offre reste encore pauvre au regard des besoins exprimés, notamment sur les langages spécifiques. Peu de parcours sont totalement dédiés à la blockchain et souvent optionnels. Quasiment l’intégralité des cursus visent des niveaux 6 ou 7 (licence ou master). L’université Paris Saclay propose 17 parcours. L’université Paris Dauphine en propose quatre, en phase avec les besoins des entreprises. Elle est la seule université à proposer des parcours dédiés à la technologie blockchain, avec des enseignements très techniques et sur la finance digitale. La formation la plus complète et pointue, permettant de professionnaliser les apprenants est délivrée par l’école supérieure d’ingénieurs Léonard de Vinci (ESILV).

Des formations continues pas assez technologiques

Côté formation continue, 20 organismes proposent près de 70 actions de formation soit 45% de l’offre disponible sur la blockchain en France, dont 48 sont spécifiques à la blockchain, pour un coût moyen de 2 100 €. Près d’un tiers des formations sont purement théoriques, portant sur l’histoire de la technologie, l’écosystème (Web3, NFT, métavers…), ne permettant pas d’obtenir des compétences techniques recherchées par les entreprises.

A noter toutefois, l’école Polytechnique propose deux cursus courts sur la blockchain pour ceux souhaitant se former sur la technologie ou la Fintech. Parmi les certifications professionnelles, seule « Exploiter la blockchain dans le développement d’application » est entièrement dédiée à la technologie, ; elle est proposée par 4 organismes.

Parmi les entreprises de la branche qui ont un projet blockchain en cours, 38 % ont formé leurs salariés. La moitié l’a fait via des formations certifiantes. Dans la filière numérique, 8 entreprises sur 10 considère que les contenus pédagogiques ne sont pas adaptés aux évolutions de la blockchain et que les thématiques ne couvrent pas leurs besoin. Aussi un tiers a recours à la formation interne, et une petite part à l’autoformation informelle en ligne ou via des communautés en ligne.

Globalement, près de la moitié des entreprises de la branche prévoient de former leurs salariés à la blockchain.

Les thématiques de formation les plus mobilisées par les entreprises sont les suivantes:

Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.
Source: étude sur les besoins en compétences, emploi et formation de la blockchain en France, OPIIEC, 2023.

Les actions recommandées par l’OPIIEC

L’OPIIEC émet ses recommandations pour favoriser l’attractivité et répondre aux besoins des entreprises :

– mettre à jour le site Concepteursdavenir.com pour promouvoir les métiers de la blockchain.

– en partenariat avec les acteurs de l’orientation, réaliser un kit numérique de promotion des métiers blockchain afin d’augmenter le nombre d’étudiants dans les filières de formation amenant aux métiers du Web3 et de la blockchain.

– s’appuyer sur les dispositifs d’Actions de formation en situation de travail (AFEST) pour augmenter le vivier de formateurs et faciliter l’intégration des nouveaux arrivants dans les entreprises.

– développer les compétences des développeurs sur la blockchain et ses langages.

– créer des parcours Passerelles spécifiques sur les compétences numériques de base avec l’intervention de «rôle modèle»  afin de favoriser la féminisation des métiers et l‘ouverture à des profils éloignés de l’emploi.

– permettre l’arrivée de techniciens bac +2 et +3 sur le marché du travail en travaillant avec les universités et les CFA pour construire une filière BUT spécifique, ajouter des compétences blockchain dans les principaux BTS en lien avec le secteur du numérique et développer l’apprentissage.

– former les recruteurs et les accompagner pour trouver les profils les plus expérimentés qui ne se trouvent pas dans les réseaux classiques (jobboards…) mais dans des communautés en ligne.

– déposer une demande de reconnaissance du métier de développeur blockchain comme métier émergent auprès de France compétences.

– diversifier l’offre de certification blockchain.

 

Qu’est-ce qu’une blockchain ?

La blockchain, ou chaîne de blocs en Français, est une technologie de stockage et de transmission sécurisée d’information dans un réseau distribué, c’est-à-dire répliquée plusieurs fois, où l’échange d’information est chiffré, validé automatiquement par un tiers afin de la rendre infalsifiable et inaltérable, sans l’intervention d’un tiers de confiance humain. Cette technologie fonctionne sans organe central de contrôle.

La blockchain représente plus de 3 000 technologies distinctes que l’on peut regrouper dans quatre grands groupes :

– Les blockchains publiques, ouvertes

– Les blockchains privées

– Les blockchains de consortium (combinaison des deux premières)

– Les blockchains hybrides.

Il existe trois principales applications de la blockchain.

– les cryptomonnaies sont plus de 1 500 en 2023, pour effectuer des transactions financières, dont le Bitcoin est la plus célèbre.

– les NFT qui sont cryptoactifs uniques ayant une valeur de rattachement (art, objet…).

– les registres et bases de données distribuées. Cette application peut être utilisée dans le cadre de la traçabilité, dans la supply chain ou dans l’industrie alimentaire par exemple.

– les contrats intelligents (smart contracts) sont des programmes informatiques autonomes, c’est-à-dire sans intervention humaine, qui s’exécutent automatiquement en fonction des termes et conditions définies au préalable.

– la SSI, qui permet à un individu d’être maitre de ses données personnelles et de choisir ce qu’il souhaite diffuser ou non à un tiers.