Accueil Formation Les DesCodeuses lèvent les freins à l’emploi des femmes dans le numérique

Les DesCodeuses lèvent les freins à l’emploi des femmes dans le numérique

DesCodeuses
La promo 2021 des DesCodeuses. @Marwen Farhat

Les DesCodeuses agissent pour l’insertion professionnelle des femmes, quelle que soit leur origine sociale, en leur offrant une formation de six mois pour se reconvertir au sein des métiers de l’IT. Un programme gagnant-gagnant pour les femmes et les entreprises.

« Le code n’est pas genré à la base. Le code peut être égalitaire et inclusif », souligne Thiziri Belaribi, directrice des opérations de l’association des Descodeuses, qui forme des femmes des milieux populaires. Nous répondons à un besoin du marché de l’emploi. Les entreprises nous disent qu’il n’y a pas de candidates femmes à leurs postes IT. Or la demande de travailler dans le numérique est bien présente chez les femmes des quartiers populaires. Elles ont la volonté d’accéder à un métier valorisant, valorisé et durable. Nous sommes là pour comprendre et lever les freins qu’elles rencontrent, leur donner une légitimité et répondre à la demande des entreprises. Il faut leur donner pour réussir un cadre et une formation gratuite, qu’on s’adapte à leurs contraintes, et qu’on leur ouvre un réseau. »

L’association a été fondée par Souad Boutegrabet, qui avait réalisé une reconversion dans l’informatique. Elle s’était alors aperçue qu’il y avait peu d’informations et d’accès à l’emploi pour les femmes des milieux populaires. Pour elles, elle a lancé Les DesCodeuses, association et organisme de formation, afin de lever les freins au développement professionnel en les formant à l’informatique. Elle a démarré début 2018 par des ateliers d’initiation dans le 20e  arrondissement de Paris, qui ont très bien fonctionné. Puis un parcours professionnalisant d’un an est mis en place : 6 mois de formation intensive suivi d’un stage de 6 mois conventionné et rémunéré au moins 1 200 euros par mois. D’une centaine de candidatures à chaque nouvelle session de ce parcours, 16 à 20 femmes seront sélectionnées pour le suivre.

Déjà 5 promos

Aujourd’hui, trois cursus en présentiel sont proposés :
– développeuse web, qui compte trois promotions , à Paris 20e, dans le quartier de Belleville ;
– conceptrice développeuse d’applications avec l’apprentissage de différents langages informatiques, la réalisation de 12 projets et la participation à un hackathon (promo en cours) ;
 – le plus récent, analyste cybersécurité, à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, dont le parcours préqualifiant est en cours.

La formation en cybersécurité

Les DesCodeuses essaiment un peu partout en France. Elles vont ouvrir des centres à Lille et Marseille fin 2022 et à Lyon en 2023.
Depuis 2021, un parcours de préqualification a été ajouté. Une trentaine de femmes sont présélectionnées pour suivre six semaines d’ateliers « no code » pour s’initier et voir les appétences de chacune pour les différents domaines du cursus auquel elles candidatent. Une petite vingtaine sera sélectionnée pour suivre le cursus d’un an. Les seuls pré-réquis pour candidater au parcours de préqualification sont de parler le français, savoir consulter sa messagerie, utiliser un navigateur et un outil bureautique, et de s’inscrire dans un parcours de recherche d’emploi et de professionnalisation dans le numérique.

Ateliers d’initiation

Pour orienter les femmes vers leurs formations, les DesCodeuses proposent des semaines gratuites d’initiation dans des quartiers populaires. Les ateliers leur permettent de se rendre compte que le numérique leur est accessible. Elles organisent également des rencontres avec des professionnelles des métiers technologiques afin que les femmes puissent se projeter. Ces role models ont pu subir elles-mêmes des freins et des discriminations. L’association travaille en lien avec les missions locales, Pôle Emploi, les associations d’insertion, des associations de terrain spécialisées dans le numérique, des associations LGBT et un réseau d’organismes de formations spécialisés dans les formations techniques.

Justice sociale et égalité femmes-hommes

L’organisme de formation cible les femmes entre 18 et 49 ans, demandeuses d’emploi ou allocataires du RSA. « Il n’y a pas d’âge pour coder, il suffit d’être curieuse et déterminée, » se félicite Mme Belaribi. Les ateliers et formations sont ouverts aussi bien aux mères célibataires qu’aux femmes victimes de violences conjugales, aux porteuses de handicap…

L’association souhaite lever les différents freins rencontrés :
– les difficultés financières. Tous les ateliers et formations sont gratuits, le stage est rémunéré ;
– horaires. Les formations s’adaptent aux contraintes horaires, en particulier pour les mères de famille. Pendant le confinement, les DesCodeuses ont pris en charge financièrement la garde d’enfants.
-autocensure. « Il faut être à l’écoute, met en avant la directrice des opérations de l’association. Le syndrome de l’imposteur et de la bonne élève subsistent souvent parmi les apprenantes. On les fait travailler sur la confiance en soi, le leadership. Ainsi, elles prennent confiance en elles tout au long des six mois de formation. Et la sororité fonde l’entraide ; les synergies de groupes sont essentielles pour aller jusqu’au bout du parcours. De plus, chaque semaine de formation se termine par un bilan pour exprimer ses émotions, voir ce qui peut être amélioré pour prévenir les abandons. »
Les apprenantes bénéficient également d’un accompagnement en termes de soft skills spécifiques au monde professionnel : apprendre à connaître les codes du monde de l’entreprise, pitcher et valoriser son parcours, aider à la recherche d’emploi (simulation d’entretiens de recrutement) et au développement du réseau professionnel.

90% d’insertion professionnelle

La formation représente un outil d’empouvoirement des femmes. Elles sont orientées vers l’emploi en entreprise. L’association travaille étroitement avec des entreprises et des managers IT pour les mettre en réseau avec les apprenantes, organiser des rencontres avec des role models.
Chaque promotion fait l’objet d’une mesure d’impact, avec des questionnaires pour les stagiaires, les formateurs et les entreprises. Le taux d’insertion professionnelle est de 90 %. Le taux de satisfaction des entreprises recruteuses est aussi de 90 %. Les retours des managers sont positifs : les stagiaires sont motivées, se projettent dans l’avenir.

Un atelier de code. @Marwen Farhat

Les Descodeuses s’appuient sur des entreprises partenaires, comme Axa ou SAP, qui ont besoin de talents. BNP Paribas a pris deux femmes en stage dans la première promotion, sept dans la promotion 2021. Aux entreprises en général de faire évoluer désormais leur vision, parfois étroite du « candidat idéal » et des processus de recrutement. Si elles en finissent avec les offres d’emploi avec bac+5/école d’ingénieur demandé, elles auront des candidates issues de la diversité, représentant un potentiel de talents encore trop peu exploré et source de performance.

 

Christine Calais