La pénurie de candidats, le travail à distance et l’inflation doivent pousser les entreprises à transformer leurs pratiques, d’après l’APEC.
Les entreprises doivent se saisir des 5 enjeux forts de l’année 2023 selon l’APEC : il s’agit d’arriver à dépasser les difficultés de recrutement, de restaurer le collectif de travail face au télétravail, de casser les biais cognitifs liés à l’âge des seniors, de répondre aux nouvelles attentes des salariés et candidats, et d’adapter les rémunérations au contexte fortement inflationniste.
Surmonter les difficultés de recrutement
Les entreprises des services à forte valeur ajoutée, qui comprennent le secteur informatique, sont les plus nombreuses en proportion à avoir recruté au moins un cadre (29 %) l’année dernière, en nette hausse par rapport à 2021 (+4 points), selon le bilan 2022 des difficultés de recrutement de cadres, réalisé par l’APEC auprès de 1 000 entreprises. « L’IT est la première fonction porteuse de cadres », rappelle Pierre Lamblin, directeur des études de l’Apec. 4 métiers de l’IT ont réuni près de 10 % des offres d’emploi cadre en 2022 : développeur, chef de projet informatique, ingénieur en études et développement, ingénieur système).
67 % des entreprises des services à forte valeur ajoutée ayant eu des projets de recrutement de cadres en 2022 estiment que leurs démarches de recrutement ont été globalement difficiles.
Ces difficultés sont liées à une pénurie de candidatures pertinentes et aux exigences des candidats. 56 % des entreprises recruteuses estiment qu’elles ont reçu trop peu de candidatures adaptées. 27 % déclarent qu’il leur est arrivé de n’être convaincues par aucun des candidats reçus en entretien. Cette tension sur le marché se traduit aussi par des candidats plus sélectifs : 40 % des entreprises ayant voulu recruter des cadres déclarent avoir subi des désistements de candidats en cours de processus et 35 % des refus une fois la proposition d’embauche formulée.
Dans ce contexte, le délai de recrutement entre la définition du poste cadre à pourvoir et la sélection du candidat embauché augmente de 2 semaines en moyenne sur un an : il peut aller jusqu’à 12 semaines dans l’informatique.
Au 1er trimestre 2023, huit entreprises sur dix prévoyant de recruter des cadres s’attendent à rencontrer des difficultés pour les finaliser. Celles-ci se traduisent par un faible nombre de candidatures reçues, une inadéquation entre les candidatures reçues et les profils recherchés ou encore une concurrence entre entreprises pour des mêmes profils, souvent très techniques pour les emplois de cadres. Ces difficultés sont exacerbées dans certains secteurs d’activité et dans certaines fonctions cadres, comme l’informatique.
La conséquence la plus répandue est la surcharge de travail pour les équipes en place, pour 79 % des entreprises subissant des difficultés de recrutement. 38 % notent un manque à gagner en termes de chiffre d’affaires.
Assouplir les critères de recrutement
Aussi les entreprises indiquent avoir renforcé leurs pratiques de sourcing et travaillé la marque employeur et l’expérience candidat. Elles ont assoupli leurs critères de recrutement, notamment sur le niveau d’expérience recherché et la rémunération proposée.
La principale variable d’ajustement concerne les salaires. En 2022 56 % des entreprises recruteuses (+9 points par rapport à 2021) – 58 % dans les sociétés de service à forte valeur ajoutée (+12 points) – indiquent avoir revu au moins une fois leur proposition de rémunération à la hausse. Ce taux monte même à 74 % dans les grandes entreprises (+8 points).
Reconstruire la dynamique collective de travail
« La généralisation du télétravail tend à affaiblir le collectif de travail, il est important de le restaurer, » met en avant Gilles Gateau, directeur général de l’Apec lors de la présentation des résultats. Les managers resteront en première ligne pour entretenir le collectif de travail. Les pratiques des managers, qui ont récemment évolué vers plus de confiance, de responsabilisation ou encore d’horizontalité dans les échanges, devraient continuer à se transformer, les managers estimant qu’il existe encore d’importantes marges de manœuvre. Les cadres attendent encore des efforts de leur part en matière de communication et de reconnaissance tandis que les managers envisagent de leur donner plus d’autonomie.
Au-delà de leurs compétences techniques, les managers devraient se doter des compétences comportementales indispensables à la gestion de leur équipe et en adéquation avec les attentes des collaborateurs : se montrer à l’écoute, fédérer, organiser/planifier, responsabiliser…
Cela pourrait se traduire par des formations aux méthodes collaboratives et à l’intelligence collective, à la gestion d’équipes en télétravail ou encore au développement de la qualité de vie au travail.
S’ouvrir plus aux seniors
Dans un contexte de réforme des retraites et d’allongement de la vie au travail, le maintien en emploi des cadres seniors de 55 ans et plus, et leur recrutement lorsqu’ils sont demandeurs d’emploi, est au cœur des enjeux RH. 89 % des seniors de plus de 55 ans déclarent être plutôt ou tout à fait désavantagés dans leur recherche d’emploi du fait de leur âge. « L’âge est – avec le genre – le premier des stéréotypes qui freinent recruteurs et managers, se désole Laetitia Niaudeau, directrice générale adjointe de l’Apec. Ils se les représentent moins adaptables, voulant un salaire élevé, avec une difficulté pour utiliser les outils informatiques, imaginent qu’ils vont bientôt partir à la retraite. Ils oublient qu’à 55 ans, il leur reste 9 ans de carrière, voire plus pour obtenir une retraite à taux plein car les cadres ont fait des études longues. Or, en moyenne, un cadre reste 4 ans dans une entreprise. » On vous laisse faire le calcul…
Répondre aux nouvelles aspirations
« S’il n’y a pas de grande démission, les cadres affichent une réelle aspiration au changement, » remarque Mme Niaudeau. Les entreprises doivent répondre à des aspirations nouvelles, en particulier pour recruter et fidéliser des cadres, dans un marché de l’emploi en tension où le rapport de force est à l’avantage des candidats. Les deux premiers critères jugés essentiels par les cadres sont la rémunération -52%) et l’intérêt des missions (49%), et cette situation devrait rester identique en 2023. En outre, dans un contexte où le télétravail des cadres se généralise, la part des cadres réticents à rejoindre une entreprise ne proposant pas de télétravail devrait continuer de progresser (53 % fin 2022). 33% des entreprises, contre 22% un an auparavant ont conscience que ne pas proposer de télétravail est un frein au recrutement.
Pour pallier leurs difficultés de recrutement, les entreprises devraient chercher à rester attractives sans faire de promesse qu’elles ne tiendront pas, sinon tout écart entre la réalité du poste et ce qui a été dit à l’embauche pourrait conduire à des démissions précoces. « Il ne faut pas vendre du rêve loin de la réalité, conseille Gilles Gateau. Ceux qui quittent l’entreprise rapidement mettent en avant un décalage entre la promesse et le poste effectif, en mettant en avant 4 facteurs de façon quasi équivalente : le salaire, la mission, l’évolution professionnelle et les conditions de travail. »
Ainsi, la fidélisation des cadres devrait se jouer autour des perspectives d’évolution professionnelle (mobilités et promotions, augmentations, formations…) et de la qualité de vie au travail.
Adapter les rémunérations à l’inflation
Le dernier enjeu est d’adapter les politiques de rémunération pour répondre aux attentes de pouvoir d’achat des salariés cadres. Les deux tiers d’entre eux se déclarent, à juste titre, inquiets pour l’évolution de leur pouvoir d’achat, dans un contexte de forte inflation.