Accueil Infra-Datacenter Les 2 plus grands points d’échanges Internet en France fusionnent – Interview...

Les 2 plus grands points d’échanges Internet en France fusionnent – Interview de leurs deux présidents

Les 2 plus grands points d’échanges Internet en France faisant du peering, France-IX et Rezopole, fusionnent. En avant-première, Solutions Numériques a demandé des précisions à leurs deux représentants.

L’IXP (Internet eXchange Point, point d’échange Internet) ou GIX (Global Internet eXchange) est une infrastructure physique qui permet aux acteurs interconnectés de s’échanger du trafic Internet local grâce à des accords mutuels dits de “peering”. Cela améliore la qualité de leur débit Internet et limite le nombre d’intermédiaires pour transporter les informations.

France-IX (prononcez “i x” pour Internet eXchange) est l’un des principaux points d’échange en Europe. Quant à Rezopole, basé à Lyon, il est le plus important point d’échange régional en France. Face à la concurrence internationale qui grignote du terrain dans l’Hexagone, dans un souci de participer à la souveraineté de l’Internet – France-IX est d’ailleurs partie prenante du Cloud européen Gaia X – et avec la volonté d’étendre leur présence sur le terroire francophone, ils ont décidé d’unir leurs forces et leurs collaboreurs, un peu plus d’une trentaine en tout, avec une vitesse de croisière prévue d’une quarantaine.

Depuis 10 ans, France-IX offre des services d’interconnexion publics et privés par l’intermédiaire de ses points d’échange neutres à Paris et Marseille. Il regroupe plus de 400 membres sous son statut d’assocation, alors que la structure opérationnelle est menée par la SAS France-IX Services, dirigée par Franck Simon, et dont l’actionnaire unique est l’association. De son côté, Rezopole, sous statut associatif depuis 20 ans, compte plus de 100 membres connectés à Lyon et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, et propose une large gamme de services complémentaires au peering. Philippe Duby est son président. Ses actifs, hommes et matériels, rejoignent la SAS France-IX Services, tandis que ses membres viennent s’ajouter à ceux de l’association France-IX.

Solutions Numériques : pourquoi vous êtes-vous constitués dès vos créations en associations ?

Philippe Duby

Philippe Duby : Le monde de l’Internet est constitué de nombreux réseaux informatiques différents : par exemple le réseau de France-IX, d’Amazon, de la société Sanofi, des universités françaises, des universités américaines, et les réseaux des opérateurs qui, pour communiquer les uns avec les autres, ont besoin de noeuds d’échanges Internet, dans lesquels tous les acteurs vont s’interconnecter et échanger les données. Notre modèle associatif est neutre, face à des acteurs qui peuvent eux être concurrents, nous sommes une association qui apportons des services à nos membres, opérateurs, datacenters, etc. 

 

Franck Simon


Franck Simon :
Effectivement, notre neutralité et notre indépendance font que des acteurs potentiellement concurrents entre eux se connectent à une même plateforme. Si nous étions nous-mêmes des oéprateurs vendant des services, nous serions en concurrence avec nos clients et nous n’adresserions qu’une partie du marché. IL n’y a pas de conflit d’intérêt.

 

S.N. : Qui sont vos clients ?

Franck Simon : Au départ, la plateforme a servi à connecter les opérateurs, les FAI, les hébergeurs, les datacenters, mais aujourd’hui les entreprises se connectent aussi à la plateforme car tous les opérateurs s’y trouvent, lesquels opérateurs peuvent être les fournisseurs de ces entreprises. De fait, ils nous percoivent comme une sorte de hub, une place de marché pour accéder aux services dont ils ont besoin, avec des chemins courts et des tarifs compétitifs.
Les opérateurs télécoms et les Gafam sont tous clients chez nous – ce sont les clients naturels, historiques – mais depuis quelques années, nous avons des clients comme Schneider, Saint Gobain, Lacoste, Axa, la SNCF, etc. qui ont besoin d’optimiser leurs flux Internet pour opérer leur transformation digitale : sur un même noeud, ils voient tous leurs partenaires au lieu d’avoir plusieurs interconnexions spécifiques.  

Philippe Duby : Nous avons des sociétés de services informatiques, comme Atos, des éditeurs de logiciels comme Cegid ou encore de grosses sociétés comme Sanofi, des collectivités régionales comme celle de Rhône-Alpes. Ce sont des acteurs diversifiés qui ont de gros besoins Internet et qui ont intérêt à se connecter à la plateforme pour la performance du réseau, mais aussi pour les coûts très intéressants.


S.N.: Pourquoi cette fusion entre vos deux entités ?

Franck Simon : Nous avons le même métier et nous avions déjà créé un partenariat qui permettait à nos membres respectifs de profiter d’un petit nombre de nos services. Une passerelle avait déjà été mise en place pour faciliter certains types de flux. France-IX voulait se développer à Lyon, et la question s’est alors posée : faut-il entrer en conflit avec Rezopole sachant que nous avions déjà un partenariat ou allions-nous faire quelque chose de plus élaboré ? Nous avons retenu la deuxième option. D’abord, parce qu’il n’y a pas forcément la place sur un marché national ou régional pour deux acteurs de ce type, et surtout il y a une concurrence internationale qui est très forte, avec des acteurs qui n’hésitent pas à se positionner dans les plus grandes villes de France, ou d’Europe pour adresser le marché français directement ou indirectement. Nous faisons le pari d’être intelligents et de nous serrer les coudes pour être plus forts ensemble face à nos concurrents. Notre ADN commun, en termes associatif et de services délivrés, ainsi que des clients différents en partie nous ont menés à cette fusion. Nos clients communs ne représentent que 15 ou 20 %, alors que nos clients sont internationaux chez France-IX, régionaux et nationaux chez Rezopole. Avec nos 500 clients combinés, nous gagnons des places dans le ranking internationel en puissance de feu. 

Philippe Duby : Il est important que les Français maîtrisent leur réseau Internet, leurs interconnexions, alors que ce sont plutôt les Etats-Unis qui ont édicté les première règles Internet. Il est important que nous apportions à nos membres, qui sont des acteurs français, une bonne interconnexion en la matîrisant chez nous en France, et pas en subissant ce que disent les américains ou d’autres acteurs privés qui veulent s’enrichir sur ce monde-là. Il est important d’avoir une souverainté et de maîtriser, nous les Français, une plateforme d’interconnexion Internet. Avec France-IX, nous souhaitons devenir un acteur incontournable en France pour des flux entre Français, que ce soit à l’intérieur de la France ou entre des pays francophones. A deux, nous sommes plus forts ensemble, effectivement.

S.N.: Quels seront vos prochains défis et déploiements ?

Franck Simon : Faciliter la 5G et être présents dans d’autres grandes villes en France. Lors de ce trimestre, nous allons nous déployer à Toulouse, et après nous suivrons l’ordre de la taille des grandes villes françaises. A la fin de ce premier trimestre, nous serons à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse et nous ferons deux nouvelles villes en plus en 2021. Nous comptons être présents dans deux nouvelles villes par an pour les trois prochaines années. Cela restera cohérent avec les infrastructures que les opérateurs pourront déployer en termes de 5G. Il nous faudra aussi couvrir la francophonie, qui est assez étendue dans le monde, et mettre en place des points de présence en dehors de la France continentale, en particulier les territoires d’Outre-mer, les Antilles.