Alors que 80 000 postes sont ouverts dans le numérique, cibler et accompagner les femmes en reconversion est un atout pour faire face à la pénurie tout en gagnant en diversité et ainsi en innovation.
27,9 % de femmes sont employées dans le secteur du numérique, 16 % dans les métiers techniques. Comme il y a moins de femmes que d’hommes qui sortent d’écoles d’ingénieurs (32,5 %) ou d’informatique, la solution est d’inciter et aider les femmes à se reconvertir pour atteindre le seuil de la mixité. 171 entreprises sont signataires du manifeste pour la reconversion des femmes dans les métiers du numérique. Initié par Numeum et Social Builder en mai 2019, il fête son deuxième anniversaire par un livre blanc sur le sujet, qui a été lancé le 12 octobre à Paris.
Ces entreprises diverses, de Salesforce à Cdiscount en passant par Nokia ou Informatique Banque Populaire, s’engagent sur six points :
– élargir leurs critères de recrutement ;
– valoriser tous types de parcours professionnels ;
– recruter des profils de tout âge ;
– mettre en place des actions d’accompagnement ;
– accompagner la mobilité interne ;
– former leurs salarié.e.s aux pratiques favorisant l’inclusion.
1 086 femmes qui se sont reconverties dans le numérique ont été accompagnées en deux ans. Il y a de la marge pour les deux années à venir.
Placer la mixité au cœur de la politique de recrutement
« Former les femmes permet de saisir des opportunités pour la performance et la compétitivité des entreprises, souligne Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, venue soutenir le lancement du livre blanc. Les entreprises qui s’engagent dans l’égalité réelle sont plus attractives car citoyennes. Vous avez le pouvoir de rendre ce monde plus juste et inclusif. Il s’agit de mobiliser les dirigeants d’entreprise, de former les équipes de recrutement aux biais inconscients, et de placer la mixité au cœur de la politique de recrutement et de gestion des carrières. » Celle qui a été PDG France de Lenovo ajoute : « Puis il s’agit d’accompagner les femmes dans l’entreprise, par le mentorat et la formation. J’ai moi-même bénéficié du mentorat. Quand on est mentor, on peut autant donner que recevoir. » Et avec un brin d’autodérision, « il faut lutter contre le drame silencieux des femmes de plus de 45 ans qui mettent deux fois plus de temps que les hommes à retrouver un emploi, avec les mêmes compétences, en raison de stéréotypes liées à l’âge et au genre. C’est le moment où les femmes sont les plus épatantes, je suis bien placée pour vous le dire. »
Formation, mentorat, tutorat et alternance
Les entreprises signataires du manifeste ont témoigné du travail accompli. Sopra Steria a accompagné 200 des 1 086 femmes au total, sachant que l’ESN recrute 2000 à 3000 personnes en CDI par an.
« Aujourd’hui, la reconversion est subie par des demandeuses d’emploi, souligne Consuelo Bénicourt, directrice RSE de Sopra Steria. Nous souhaitons aller vers une reconversion choisie. Nous sélectionnons sur tests et permettons aux candidates de se projeter dans nos métiers, pour faire le deuil de leur premier métier. Nous les accompagnons par du tutorat personnalisé et de la formation et réalisons un suivi sur 18 mois pour s’assurer que la trajectoire de carrière soit la même pour toutes. » « Chez Salesforce, nous travaillons avec des associations et le monde éducatif et lancé le programme en 2020, proposons depuis cette année de l’alternance et faisons du mentorat des profils en reconversion », explique Rachida Bellari, présidente du réseau de femmes de l’éditeur. « Il y a deux ans, c’était surtout des hommes qui procédaient à une reconversion dans le numérique, reconnaît Elodie François, directrice du programme Femmes du Digital chez Econocom. Aujourd’hui, nous avons des femmes en reconversion dans les métiers du développement, techniques et fonctionnels. Il y a eu des freins, avec des personnes en interne qui souhaitent de nouvelles recrues de la bonne école, avec la bonne expérience. » Jean-Christophe Morisseau, directeur France de Red Hat, conclut : « les hommes ne font pas grand-chose dans cette affaire. Il faut aussi les mobiliser. Et dire que le numérique est pour tout le monde. »
La balle est dans le camp des entreprises, de leurs managers et directions RH, mais aussi des cabinets de recrutement qui ont encore beaucoup de travail pour déconstruire les stéréotypes sur l’origine, l’âge, le diplôme et le genre dans la sélection de candidats. .
Christine Calais