Les régulateurs américains intensifient leur offensive contre Google.Le ministère américain de la Justice (DOJ) a récemment demandé à un juge fédéral de prendre des mesures drastiques contre l’entreprise, allant jusqu’à l’obligation de vendre son navigateur Chrome.
En 2020, le ministère américain de la Justice et 11 États intentait une action en justice contre Google. Les plaignants accusaient le géant de Mountain View de maintenir une situation de monopole sur les marchés des moteurs de recherche et de la publicité en ligne. Quatre ans plus tard, en août dernier, le juge Amit Mehta leur donnait raison, estimant que Google abusait effectivement de sa position dominante dans ces deux domaines.
Monopole
Ce verdict partiel ouvrait la voie à de possibles sanctions. Et celles que demande le DOJ sont drastiques, puisqu’il est question du démantèlement de l’entreprise, ni plus, ni moins. Dans un document de 23 pages déposé mercredi devant la cour de district de Columbia, le ministère recommande que Google vende son navigateur Chrome.
En effet, selon les régulateurs, l’imbrication entre Chrome et le moteur de recherche de Google a abouti à une position dominante de Mountain View, renforcé par les arrangements conclus entre l’entreprise et d’autres plateformes afin que Google soit leur moteur de recherche par défaut.
Vendre Chrome
Une vente de Chrome « mettra définitivement fin au contrôle de Google sur ce point d’accès de recherche critique et permettra aux moteurs de recherche rivaux d’accéder au navigateur qui, pour de nombreux utilisateurs, est une passerelle vers Internet », font valoir les avocats du ministère de la Justice dans leur dossier.
De même, si les sanctions demandées par le DOJ ne concernent pas directement une séparation de Google et d’Android, les autorités américaines considèrent que le géant a utilisé son système d’exploitation mobile pour renforcer son monopole sur les recherches en ligne. Elles n’excluent donc pas que le juge puisse astreindre Google à céder son OS s’il devait poursuivre ses pratiques anticoncurrentielles présumées.
D’autres restrictions
Si le juge devait accepter les recommandations du DOJ, Google pourrait être contraint de vendre Chrome dans un délai de six mois après le jugement final. En outre, le ministère de la justice demande l’interdiction des accords exclusifs ainsi que l’encadrement des pratiques publicitaires de Google, notamment une plus grande transparence quant aux conditions tarifaires d’achat d’espaces dans les résultats de recherche du moteur.
De même, le régulateur souhaite que Mountain View ne soit plus en mesure de privilégier ses propres services, YouTube, Google Maps, Shopping, etc. Enfin, le DOJ appuie une ouverture des données d’indexation de Google aux moteurs concurrents. « Les règles du jeu ne sont pas équitables en raison de la conduite de Google, et la qualité de Google reflète les gains mal acquis d’un avantage acquis illégalement », écrit le ministère de la Justice.
Google riposte, prochain rendez-vous en avril
Autant dire que la réaction de l’entreprise ne s’est pas fait attendre. Par la voix de Kent Walker, son responsable des affaires publiques et avocat en chef, Google dénonce « un programme interventionniste radical qui nuirait aux Américains et au leadership technologique mondial de l’Amérique ». Selon le géant, les recommandations du DOJ mettraient en danger non seulement « la qualité des produits » mais aussi « la sécurité et la confidentialité de millions d’Américains », tout en freinant l’innovation.
« Nous n’en sommes qu’aux prémices d’un long processus et nombre de ces demandes sont clairement très éloignées de ce que l’ordonnance de la Cour elle-même envisageait. Nous déposerons nos propres propositions le mois prochain et nous présenterons notre argumentation plus large l’année prochaine » souligne Kent Walker. Le procès doit en effet se tenir en avril prochain, pour une décision prévue début mai, quoique l’on puisse parier sans risque que l’une ou l’autre des parties fera appel.
D’autant que, si des démantèlements de monopoles ont déjà eu lieu aux Etats-Unis (Standard Oil en 1911, AT&T en 1982), celui annoncé de Microsoft au début des années 2000 avaient fait long feu. A l’époque, le juge avait condamné le géant de l’information à la scission en deux entités, une décision finalement rejetée en appel. S’ajoute à ces considérations le changement à venir de l’administration américaine. Et si Trump a nommé à la FCC un opposant à la « Big Tech », le prochain président des Etats-Unis lui-même semble peu enclin à démanteler Google.