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La “femme invisible » dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme

Crédit: HCE
Crédit: HCE

La fracture numérique du genre est forte en France. Le Haut Conseil à l’Egalité a publié un rapport en novembre sur les femmes et le numérique, pointant notamment le manque de formation et de recrutement de femmes dans les métiers du numérique. Il émet des recommandations pour réduire les inégalités de genre.

Le constat du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) est peut-être pénible à admettre, mais réaliste quant à la place des femmes dans le numérique en France. Dans son rapport « La femme invisible dans le numérique : le cercle vicieux du sexisme », publié en novembre, il fait d’abord remarquer que les représentations des femmes dans les contenus numériques véhiculent trop souvent des stéréotypes sexistes, avec une image de la femme caricaturale ou invisibilisée sur les réseaux sociaux.

La féminisation de la filière numérique trop lente et insuffisante

Ensuite, le HCE détaille le « monde au masculin » de la filière numérique. Malgré différentes initiatives dans ces dernières décennies, les progrès accomplis restent très lents et insatisfaisants en matière de féminisation de la filière et une absence de passage à l’échelle d’initiatives locales, malgré la prise de conscience du problème. Il n’y a que 20% de femmes parmi les ingénieurs informatiques, 16% chez les techniciens informatiques en études et développement, 14% parmi les techniciens en installation, maintenance, support et services aux utilisateurs, 11% dans la cybersécurité. Alors que le secteur se porte particulièrement bien, avec la création de près de 200 000 postes en ingénierie informatique prévue d’ici 2030, dont 70% destinés aux jeunes diplômés, « il existe donc encore une marge d’action pour atteindre une réelle mixité dans ce secteur », souligne le HCE. D’autant que selon l’étude « La ségrégation professionnelle sexuée : quelle évolution à 2030 ? », le métier d’ingénieur informatique sera le principal métier participant à cette ségrégation, à hauteur de 26%. Cette étude souligne aussi l’absence de femmes dans les postes à responsabilité. Même type de constat côté Syntec, qui indique que seulement 29% des effectifs du numérique en France sont des femmes en 2020 dont 16% dans les métiers techniques et 22% dans les postes de direction.

La féminisation vecteur de croissance

Et le HCE de rappeler l’impact positif qu’aurait une féminisation du secteur du numérique. Selon la Commission Européenne, la mixité dans ce secteur permettrait d’augmenter le PIB européen de 9 milliards d’euros par an.

La filière numérique reste largement dominée par les hommes, caractérisée par une forte culture sexiste, note le HCE : « Cette sous-représentation entraine le développement d’outils et de langages qui renforcent la maîtrise masculine de cet environnement, repoussant ainsi les femmes à la périphérie des avancées technologiques qui façonnent notre avenir. »

Les filles à l’écart des formations technologiques

Cette inégalité professionnelle prend ses sources dès le parcours éducatif, où la représentation et la spécialisation genrée des filières écarte les filles des formations scientifiques ou technologiques. Selon les chiffres du Gender Scan, 7% seulement des adolescentes déclarent avoir envie de s’orienter vers le numérique contre 29% des garçons et elles étaient en 2023 seulement 14,6% à choisir la spécialité numérique et sciences informatiques (NSI). A la rentrée 2020-2021, les femmes représentaient 31% des inscrites dans des formations scientifiques dont 23% en informatique. Par ailleurs, un tiers des étudiantes en numérique déclarent avoir été victimes de comportements sexistes.

Agir pour établir l’égalité femmes – hommes dans la filière numérique

Aussi le HCE recommande de prendre des mesures fortes pour accélérer le mouvement de féminisation du numérique, et ce dans la formation initiale et professionnelle, tout comme dans les entreprises et dans les politiques d’investissement :

1° Imposer au lycée des quotas de filles dans les spécialités scientifiques (50 %) et Numérique et sciences informatiques (NSI : 30 %), ainsi que dans l’enseignement supérieur pour les filières du numérique (30 %), avec des programmes d’accompagnement, notamment de tutorat et de mentorat ;

2° Créer un système de bonification dans Parcoursup pour les filles qui choisissent les filières numériques, sur le même principe que la bonification à caractère social ;

3° Transformer le système d’investissement par la mise en place de quotas genrés ainsi que par l’utilisation d’indicateurs genrés dans les rapports d’investissement ;

4° Former les enseignants aux enjeux d’égalité femmes-hommes et au numérique et introduire une nouvelle pédagogie dans l’enseignement des mathématiques et du numérique, en mettant notamment en lumière les opportunités professionnelles qui y sont liées ;

5° Mettre en place un système de bourses d’excellence féminine dans les filières du numérique, financées par l’Etat ou via des partenariats avec les entreprises ;

6° Inscrire la proportion filles-garçons dans les critères des rapports RSE des entreprises pour les inciter à intégrer plus de femmes, des stages de 3ème et de 2nde et des lycées professionnels jusqu’aux contrats d’apprentissage (au moins 40 % de filles) et aux parcours de reconversion dans les métiers du numérique ;

7° Développer un système d’aides financières à la reconversion au numérique supérieures aux autres aides à la reconversion, à destination des femmes qui se forment et des entreprises qui les recrutent.