Pour réduire les délais de paiement, l’État incite désormais à faire le choix de la dématérialisation des factures. Un projet bien moins complexe qu’il n’y parait, à condition de bien s’y prendre, explique ici Nicolas Gudin, directeur de Basware France.
1 Qu’appelle-t-on dématérialisation des factures fournisseurs ?
Quand on évoque la dématérialisation des factures, plusieurs définitions coexistent, car le terme couvre plusieurs réalités. Ainsi, et bien qu’il s’agisse du simple « niveau 1 », l’envoi par mail d’une facture PDF est déjà une forme de dématérialisation, bien que le traitement qui s’ensuit (enregistrement, paiement…) reste manuel.
Un cran au-dessus, on trouve la lecture automatique des factures (technologies OCR, RAD, LAD), que ces dernières soient reçues par voie électronique ou papier. Dans ce cas, les informations contenues dans la facture sont automatiquement intégrées au système de comptabilité fournisseurs, de façon à simplifier, fiabiliser et accélérer le traitement de la facture, depuis sa réception jusqu’à son paiement.
Enfin, la dématérialisation complète sur l’ensemble de la chaîne : le fournisseur transmet les informations de la facture par voie électronique grâce à un système d’EDI (Échange de Données Informatisé). Ces informations sont alors automatiquement enregistrées et vérifiées via la plateforme du fournisseur, avec mise en paiement à la date indiquée.
2 A qui s’adresse la dématérialisation des factures fournisseurs ?
A tout le monde, de l’artisan à la multinationale. Pourtant, la France est un peu en retard par rapport à ses voisins. En effet, si l’envoi de factures PDF s’est développé ces dernières années, la dématérialisation de bout en bout (de l’envoi en EDI à la mise en paiement, en passant par le rapprochement entre commande et facture) est encore loin d’être généralisée. Pourtant, des solutions pré-packagées, et interopérables les unes avec les autres, existent et ne sont pas si compliquées (et/ou coûteuses) à déployer.
La dématérialisation devrait pourtant se généraliser prochainement… notamment sous la pression législative qui s’intensifie ces dernières années. Avec l’obligation d’envoyer des factures dématérialisées via Chorus Factures pour les fournisseurs de l’État et des Institutions Publiques (ordonnance du 26 juin 2014) ou encore l’article 222 de la loi Macron (du 6 août 2015) qui autorise le gouvernement à rendre obligatoire, par ordonnance, l’acceptation de factures dématérialisées entre entreprises privées (B2B).
« Le gouvernement est autorisé, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre le développement de la facturation électronique dans les relations entre les entreprises, par l’institution d’une obligation, applicable aux contrats en cours d’acceptation des factures émises sous forme dématérialisée, entrant en vigueur de façon progressive pour tenir compte de la taille des entreprises concernées. »
3 Pour le client, quels gains attendre de la dématérialisation des factures fournisseurs ?
Comme c’est souvent le cas dès lors que l’on évoque une certaine forme de digitalisation, l’intérêt principal de la dématérialisation des factures est économique. Au total, on estime que le coût du traitement d’une facture dématérialisée est 5 fois inférieur à celui d’une facture papier (3 € contre 16 €). Cette différence s’explique en partie par l’absence de fournitures (enveloppes, papier…) mais aussi et surtout par le gain de productivité des équipes : ainsi, là où 6 000 factures papier sont traitées annuellement par un équivalent temps plein, cette même personne peut en vérifier 90 000 par an avec une dématérialisation à 80 %.
De fait, les temps moyens de traitement des factures sont considérablement réduits : de 15 jours en 100 % papier à 3 jours avec un taux de dématérialisation de 80 %. Sans compter que ce traitement automatisé réduit également les risques d’erreurs.
4 Et pour le fournisseur ?
Du côté fournisseur, lorsque les factures sont complètement dématérialisées, le règlement est quasi systématiquement (99 %) opéré à échéance. Lorsque ce n’est pas le cas, moins de 50 % des factures profitent d’un règlement à échéance.
Ainsi, outre un coût d’envoi réduit à zéro (papier, enveloppe, timbre), le traitement plus rapide des factures et la réduction des délais de paiement a des conséquences positives sur la trésorerie des fournisseurs, et donc globalement sur leur santé financière.
5 Quels sont les freins éventuels à sa mise en œuvre ?
Malgré le développement du numérique dans les entreprises, la dématérialisation se heurte à des freins qui sont le plus souvent d’ordre culturel. D’abord parce que le traitement d’une facture dématérialisée n’est pas « naturel » : il nécessite de revoir les processus et l’organisation des entreprises. Mais aussi par manque de confiance dans le digital. D’ailleurs, il est encore assez fréquent de constater que des factures fournisseurs, pourtant électroniques, soient… imprimées !
Par ailleurs, les idées reçues ont la peau dure : pour beaucoup, ce type de projet est long, complexe et coûteux à mettre en œuvre. Or, aujourd’hui, des solutions existent et permettent de profiter rapidement de tous les avantages de la dématérialisation des factures.
6 Projet de dématérialisation : comment s’y prendre ?
En équipe. En effet, un projet de dématérialisation des factures fournisseurs ne peut pas être mené uniquement par le service achat ou comptabilité/finances. Il implique nécessairement les métiers (qui valident les commandes et la mise en paiement) mais également la DSI, qui sera chargée de l’intégration avec le reste du système d’information (notamment l’ERP ou le logiciel de comptabilité). Le porteur ou les porteurs du projet pourront varier en fonction de la société, de sa taille, de son organisation ou de son historique.
Plus concrètement, il s’agit dans un premier temps de balayer l’ensemble des cas métiers, c’est-à-dire inventorier les circuits de validation types, de la réception des factures jusqu’à leur mise en paiement, en fonction des activités de l’entreprise, du type de fournisseurs, du service donneur d’ordre, etc. Puis de définir le type de dématérialisation souhaitée : PDF, scan et capture des données, EDI). A la suite de quoi, la direction des systèmes d’information entre en jeu pour gérer les aspects techniques (connexion, format, etc.).
Eu égard au nombre de collaborateurs impliqués à terme, l’accompagnement au changement est également primordial. Des utilisateurs pilotes et relais sont généralement un bon moyen pour favoriser un déploiement sans heurts. Tandis qu’en fonction du type de dématérialisation retenue, un certain nombre de fournisseurs pilotes devra également « jouer le jeu » pour une mise en production généralisée.