La notion de chef de projet est-elle compatible avec la démarche Agile-Scrum? Doit-elle disparaître dans les organisations « Agile-Scrum »? Doit-elle évoluer ou être réinterprétée? Christophe Coupé (Expert Principal Lean Management) & Thierry Ventadour (Expert Consultant Coach d’organisation Agile) du cabinet de conseil inspearit répondent à ces questions.
Le chef de projet, une notion absente dans Agile-Scrum
Dans Agile-Scrum, la notion de projet n’existe pas et est remplacée par celle de produit. Le projet est un succès quand les objectifs en termes de délais, coûts et qualité / performance sont atteints. En Agile-Scrum, la réussite se traduit par un produit qui évolue dans le temps pour répondre aux besoins des clients et lui donner satisfaction. Le mode de fonctionnement en Agile-Scrum s’achève quand le produit est retiré du marché.
Dans la mesure où Agile-Scrum ne fonctionne pas en mode projet, il n’y a pas de chef de projet. Par ailleurs, la notion de Chef est contradictoire avec les principes Agile, qui visent à responsabiliser l’équipe, qui s’organise et décide seule des actions pour atteindre les objectifs.
Un modèle Agile-Scrum : une démarche où chacun trouve sa place
La mise en place d’une démarche Agile-scrum implique une nouvelle répartition des rôles entre les collaborateurs.
Le Product owner prend en charge la gestion des exigences et des évolutions. Il définit le besoin sous la forme de user stories, qui sont inscrites dans un registre (Product backlog) avec un niveau de priorité. Il valide les livraisons et assure la communication vers les clients.
Le Scrum master organise le travail de l’équipe et anime les réunions ou rituels Agile. Il suit et partage l’avancement des travaux en s’appuyant sur du management visuel. Il gère les indicateurs (avancement, performance) et assure la communication avec le management. Il traite les difficultés et rend les arbitrages nécessaires.
L’Equipe estime la complexité des user stories et s’engage sur le contenu de chaque itération (cycle standard de développement). Elle identifie les risques lors des réunions quotidiennes et évalue les ressources à mobiliser pour atteindre les objectifs. Elle décide en séance des actions ad hoc à mettre en œuvre. Il lui appartient aussi de piloter la gestion des sous-traitants et la synchronisation avec d’autres équipes.
Une reconversion parfois difficile pour un chef de projet classique dans une équipe Agile-Scrum
Une équipe ayant finalisé sa transition vers Agile/Scrum n’a donc plus de Chef de Projet. Ce dernier évolue généralement vers un poste de Product Owner, pour représenter les utilisateurs dans l’équipe, ou comme Scrum Master, afin d’utiliser sa connaissance du produit.
En caricaturant, deux modes de management existent : le « command & control » et le « collaboratif ». Le chef de projet habitué à tout contrôler sera mal à l’aise dans le modèle Agile-Scrum, qui laisse les membres de l’équipe libres de prendre leurs décisions et de résoudre les problèmes. Peu enclin à déléguer, il doit apprendre un nouveau mode de management, une nouvelle posture d’animateur. Certains ne pourront franchir le pas et devront retourner vers des postes nécessitant un management directif. En revanche, le chef de projet à l’aise avec le mode collaboratif et habitué à responsabiliser ses équipes va s’adapter naturellement au mode Agile-Scrum.
Un accompagnement renforcé : un incontournable pour certains chefs de projet
Pour réussir une transformation Agile-Scrum, il est donc nécessaire, non seulement de coacher les équipes, mais également les chefs de projet pour qui le changement est le plus difficile. Ceux qui sont habitués à tout maîtriser, diriger et contrôler sont réticents à responsabiliser l’équipe. Il faut donc les accompagner, de manière à adapter leur posture et leurs réflexes au nouveau mode de collaboration. Il faut les aider à développer leur leardership et leur capacité à dynamiser une équipe, de manière à assumer leur nouveau rôle.
L’accompagnement des managers est aussi indispensable. Dans une organisation traditionnelle, ceux-ci sont habitués à interagir avec les équipes en recevant des rapports d’avancement via les chefs de projets. En mode Agile, une partie de ces décisions sera prise par l’équipe elle-même. Les managers doivent eux aussi apprendre à déléguer, à faire confiance, à responsabiliser leurs équipes.