La Corse va tester le raccordement à la fibre en mode « Opérateur d’Infrastructure » (OI)

Eric Ferrari, directeur de l’aménagement numérique de la Collectivité de Corse

ENTRETIEN EXCLUSIF – La tentative d’Axione, délégataire du réseau fibre de Berry Numérique, de raccorder quatre villages en mode OI, plutôt que par le mode STOC (Sous Traitance Opérateur Commercial), a échouée, bloquée par les 4 opérateurs commerciaux, révélait le sénateur Patrick Chaize, lors du colloque de l’Avicca, le 28 mai dernier. Ce dernier a cependant annoncé que la Collectivité de Corse proposait d’expérimenter cette alternative au mode STOC sur plusieurs de ses NRO (Noeuds de Raccordement Optique). Eric Ferrari, directeur de l’aménagement numérique de la Collectivité de Corse, a révélé à Solutions numériques & cybersécurité les détails de l’expérimentation.

 

Solutions numériques & cybersécurité – Pourquoi ce pilote ?

Eric Ferrari – Ce test s’inscrit dans notre réflexion sur la résilience de nos réseaux. Nous avons constaté que les questions de résilience notamment de nos réseaux FTTH étaient aussi liées au mode de raccordement mise en oeuvre, et que le mode STOC avait des impacts non négligeables sur leur qualité. Peut-être pas au même niveau que sur le continent où certains PM (ndlr : Points de Mutualisation) sont devenus des plats de spaghettis, mais le mode STOC pose tout de même question depuis très longtemps.

Où aura lieu  l’expérimentation ?

Avec Corsica Fibra, l’opérateur délégataire de service public de notre RIP (ndlr : Réseau d’initiative Publique) FTTH, nous allons déterminer, comme le réseau est en phase de finalisation*, deux territoires pilotes auprès de communes regroupées autour d’un ou deux NRO pour expérimenter ce mode OI et en tirer un retour d’expérience par rapport au mode STOC. Le test se déroulera dans deux territoires de l’île déterminés en concertation avec les acteurs concernés (OC, OI, Collectivité de Corse, Cortical Fibra,etc.). Nous souhaitons évidemment associer l’ARCEP qui semble disposée à collaborer. Il faut maintenant entamer la concertation avec les opérateurs commerciaux, qui ont des contrats avec des sous-traitants et que nous ne voulons pas mettre en difficulté. Nous allons tenter de trouver un périmètre acceptable pour tous, de façon à éviter un rejet de leur part. Nous visons de l’ordre 15 000 à 20 000 prises, ce qui est un nombre relativement faible.

Quand est prévu le début du pilote et ne craignez-vous pas un blocage des OC ?

Nous souhaitons démarrer le plus tôt possible dès que l’on sera parvenu à mettre tout le monde d’accord sur les principes, c’est-à-dire d’ici la fin de l’année. Une première réunion de concertation est prévue au mois de juillet. Et nous comptons expérimenter cette alternative au mode STOC sur une période minimum de six mois.

Nous allons essayer de convaincre les opérateurs commerciaux de se joindre à l’expérimentation en sachant qu’il s’agit d’un petit nombre de prises. En outre, nous sommes un territoire quelque peu particulier, insulaire, avec une population faible, une géographie spécifique et une dynamique d’aménagement numérique essentiellement portée par la Collectivité de Corse. Nous voulons donc  prendre l’initiative et obtenir un consensus autour de celle-ci.

Si le pilote se révèle positif, ce mode OI sera-t-il généralisé ? 

C’est l’objectif, si cette alternative se montre plus structurante et si elle est consensuelle. Nous prendrions évidemment, sur le réseau que l’on gère, le RIP, car nous n’avons pas prise sur les zones AMI, la voie de substituer le mode OI au mode STOC.

Dans les interventions actuellement, on constate parfois les difficultés des sous-traitants à effectuer les raccordements et à faire réaliser le travail dans de bonnes conditions. En cause, un milieu extrêmement rural avec de l’habitat isolé et les contraintes d’un réseau routier difficile, ainsi que l’adressage qui reste incomplet. Souvent les prestataires hésitent à aller au bout d’un chantier car il cumule des  complexités ou ils livrent un raccordement en perdant de l’argent, et le travail peut être aussi bâclé.

Notre volonté est qu’à travers cette expérimentation tout l’écosystème du client final de Corsica Fibra s’y retrouve.

 

Patricia Dreidemy

 

* 154 000 prises construites (dont 54 000 commercialisées)