Anticipant les migrations des PME-PMI vers la fibre optique et les applications Cloud, la maison mère de Free débourse près de 100 millions d’euros pour s’offrir les trois-quarts de Jaguar Network. La combinaison d’offres complémentaires doit permettre de grignoter des parts du marché professionnel détenu à 70% par Orange. Kevin Polizzi, directeur général de Jaguar Network, opérateur et hébergeur national pour les entreprises, répond aux questions de Solutions Numériques.
S.N. Qu’est-ce qui a motivé la cession de 75 % du capital de Jaguar Network au groupe Iliad, jusqu’ici tourné surtout vers le grand public ?
Kevin Polizzi Le marché B2B se consolide avec la fin du RTC (réseau téléphonique commuté) qui déclenche une bascule vers le FTTH, la fibre optique jusqu’au domicile à moins de 100 euros par mois, et vers le FTTO, la fibre dédiée jusqu’au bureau d’entreprise, deux offres vendues selon un ratio de 1 à 5. Simultanément, les prix du Cloud baissent dans un contexte de forte compétition. Les comités de direction incitent les DSI à migrer vers le Cloud AWS ou vers MS-Azure. Nous avions le choix entre nouer une alliance stratégique ou entamer une cession d’entreprise comme beaucoup d’acteurs alternatifs. Mon objectif est d’accélérer le développement de Jaguar Network dans un marché en transformation tout en préservant qualité et innovation qui sont notre marque de fabrique. Ce rapprochement nous permet de devenir la filiale B2B d’Iliad, déjà présent dans le business des datacenters, depuis 2007 avec le rachat de Tiscali-Alice.
“Ce rapprochement nous permet de devenir la filiale B2B d’Iliad, déjà présent dans le business des datacenters”
Quelles sont vos résultats et les valeurs que vous délivrez aux entreprises ?
En 2018, nos recettes se sont élevées à 40 millions d’euros et nous visons cette année les 50 millions d’euros. L’essentiel de notre chiffre d’affaires est réalisé auprès de PME et d’ETI françaises qui recherchent un meilleur débit au meilleur prix. Elles cherchent aussi un partenaire de confiance. La confiance et l’innovation doivent être réunies pour délivrer des services numériques fiables, de qualité, comme des communications unifiées par exemple. C’est un véritable enjeu tandis que 10 millions de prises deviennent accessibles à la fibre optique, soit une couverture de 70 % des entreprises, PME incluses.
La caisse des dépôts et consignations encourage de nouvelles créations de datacenters en France. Comptez-vous en bénéficier ?
Nous sommes totalement alignés sur cette stratégie car nous pensons qu’elle va dans la bonne voie. A Marseille et au cœur de Lyon, nos centres de données sont équipés de notre propre moteur d’orchestration multi-cloud, Atlas. Nous envisageons son ouverture en open source pour en faire une réponse souveraine, le partager avec l’essentiel des collectivités territoriales. Il permet de migrer des charges applicatives entre Clouds publics, infrastructures de proximité des centres régionaux et datacenters de type edge. Les cas d’usage concernent la virtualisation des fonctions réseau, l’orchestration de toutes les applications du centre et l’exécution conjointe sur les sites des clients finaux, les industriels restant très attachés à conserver leurs données en interne.
Pour vivre durablement dans le datacenter, où devez-vous innover en particulier ?
Nous inventons sans cesse de nouveaux usages avec nos clients. Nos prochaines offres innovantes gravitent autour de trois domaines surtout : la smart city, l’e-santé et l’industrie 4.0. Nous investissons 18 % de nos recettes dans nos programmes de R&D. Nos laboratoires internes construisent ainsi des capteurs connectés pour mesurer la qualité de l’air, par détection de spectres physico-chimiques. Dans les baies IT, cela nous permet de faire de la maintenance préventive, d’éviter des incidents d’exploitation. A Marseille et en région sud, plusieurs villes nous achètent déjà des gammes de capteurs pour des usages liés à la qualité de l’air, avec un impact sur les plans de mobilité.
Propos recueillis par Olivier Bouzereau et Jean Kaminsky