A la suite de l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de décembre 2020 sur le télétravail, l’Observatoire de la Responsabilité Sociale des Entreprises (Orse) publie un guide méthodologique en format numérique*. Pour aider les entreprises dans la mise en place du télétravail mais aussi pour anticiper les évolutions à venir.
« L’Orse étudie depuis très longtemps l’ensemble des modalités de travail et notamment le travail à distance en lien avec les outils numériques, souligne Hélène Valade, sa présidente. Nous avons d’ailleurs publié un premier guide sur ces questions en 2011 ». Durant la crise, l’Orse a travaillé avec ses adhérents pour analyser les pratiques qui se mettaient en place pendant le confinement. Son équipe a notamment étudié les accords de télétravail préexistants.
« Avant le confinement, affirme Hélène Valade, 30 % des salariés du privé pratiquaient le télétravail de manière régulière ou occasionnelle, selon des chiffres émanant notamment de Malakoff Humanis. La majeure partie de manière informelle, et pour la moitié moins d’un jour par semaine. Pendant le confinement, 40 % de la population active l’a pratiqué, dont près de 50 % pour la première fois. Globalement, la perception est positive (73 %) mais si la crise a permis de « décomplexer » le télétravail, il n’en reste pas moins que près d’un tiers des télétravailleurs considèrent que son mode confiné a eu un impact négatif sur leur santé physique et/ou morale ».
Le télétravail n’est plus une option
Lydie Recorbet, chargée de missions RH et RSE à l’Orse, le met en avant : « Toutes les entreprises interrogées pour élaborer le guide ont l’intention de revoir leurs pratiques de télétravail. Cela figure dans leurs objectifs pour 2021 ». Sa capacité de flexibilité les a séduites et elles entendent ainsi répondre aux attentes de leurs salariés. Mais peu d’entre elles ont pour l’heure signé de nouveaux accords post-confinement, la plupart attendant la sortie de la crise pour fixer ou faire évoluer le cadre.
Destiné aux employeurs, DRH, représentants syndicaux et collaborateurs le guide, qui sortira début février, a pour ambition de les aider dans la définition de stratégies de télétravail régulier, occasionnel ou de crise. Il retrace les contours du télétravail, repose le cadre normatif français et formule les enjeux pour les entreprises ainsi que les attentes des salariés en la matière. Il dresse par ailleurs un état des lieux des pratiques de télétravail, émet des points de vigilance et identifie également les opportunités pour trouver un juste équilibre entre flexibilité pour les collaborateurs et organisation du travail.
Postes éligibles au télétravail et outils numériques
Il pose en particulier la question des postes éligibles au télétravail et souligne l’importance de réviser les fiches de postes afin d’identifier ceux “télétravaillables” grâce aux outils numériques. Le lieu de travail est également un sujet important. « L’entreprise peut permettre l’exercice du télétravail depuis le domicile du salarié, dans une autre résidence, un bureau satellite ou enfin des tiers lieux comme les fab labs et les espaces de coworking », déclare Géraldine Fort, déléguée générale de l’Orse.
Dans le registre de l’équipement, le manager ou le DRH doit s’assurer que le collaborateur dispose d’un ordinateur, d’un accès sécurisé au serveur de l’entreprise, de solutions de téléphonie. Il doit prévoir des indemnités, si le salarié se sert de ses propres outils. L’entreprise doit aussi vérifier si ce dernier a besoin de mobilier spécifique (fauteuil ergonomique, écran, casque…) et s’assurer de la formation des télétravailleurs aux outils numériques et de leur bonne maîtrise de ces outils. Au niveau de l’accompagnement, sensibiliser les managers et les former au management à distance, par objectifs, pour instaurer un management de confiance, apparaît essentiel.
Vers une ubérisation de l’entreprise ?
Six grandes recommandations viennent clore le guide. « Il faut notamment revisiter les fiches de postes au regard des capacités offertes par le numérique et raisonner en termes de missions « télétravaillables », souligne Hélène Valade. Si certaines missions doivent en effet se dérouler sur site, d’autres sont réalisables à distance.
De manière plus prospective, l’Orse s’interroge dans son ouvrage sur ce que serait le futur de l’entreprise si le télétravail devenait la norme et le travail en présentiel l’exception. La relation de l’entreprise avec ses collaborateurs pourrait-elle alors être remise en question ? « Avec des individus isolés chez eux, se dirige-t-on vers une ubérisation de l’entreprise avec des télétravailleurs plus proches d’un statut d’auto-entrepreneur que de salarié ? », s’interroge l’Observatoire.
Patricia Dreidemy
* Le guide a été élaboré à partir des bonnes pratiques mises en œuvre par les entreprises et fédérations d’entreprises adhérentes de l’Orse et des réunions d’échanges depuis le début de la crise sanitaire ; d’une analyse des accords d’entreprise membres de l’Orse prévoyant le déploiement du télétravail ; d’une analyse croisée de l’Orse des études sur le télétravail réalisées en période de confinement de mars 2020 ; de différentes sources publiques d’information et de la consultation de travaux académiques