Dans l’informatique, les démarches « Green IT » et « IT for Green » sont souvent confondues alors qu’elles sont bien distinctes. Leurs objectifs sont convergents mais leurs portées sont très différentes, explique Leslie Robinet, Service Director chez Méga International.
Les impacts invisibles mais bien réels du numérique
Ordinateurs, smartphones, internet, applications et autres objets connectés : le numérique est omniprésent dans notre quotidien, avec ses avantages pratiques, ses potentialités d’accélération de la productivité mais aussi son impact environnemental grandissant. Responsable de 4 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde, il est également générateur de déchets, consommateur de ressources non-renouvelables et d’eau douce.
La question n’est évidemment pas de se passer du numérique, mais de comprendre comment l’informatique et l’environnement s’articulent dans une ère de prise de conscience écologique, où l’impact des humains sur la planète n’est plus un sujet marginal. Ce dernier s’invite en effet dans les préoccupations, les pratiques et les attentes de la majorité des consommateurs, comme dans les travaux du législateur, avec la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (REEN) en France.
En matière de numérique, toute la difficulté des démarches environnementales repose sur l’aspect très virtuel d’Internet, au sens large. Le numérique ne se limite pas aux ordinateurs et smartphones, qui ne sont que la face émergée de l’iceberg : derrière chaque service utilisé, c’est tout un réseau d’infrastructures physiques, nécessitant des matériaux et des ressources – au niveau énergétique notamment.
Dans un tel élan de prise de conscience et parmi toutes les bonnes initiatives, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver. D’autant plus lorsque les terminologies sont proches, comme c’est le cas du « Green IT » d’une part, et de l’« IT for Green » d’autre part. Malgré leur similarité sémantique, ces démarches ne recouvrent pas les mêmes réalités.
Ainsi, le Green IT – ou informatique éco-responsable – vise à minimiser l’impact négatif des opérations et des équipements informatiques sur l’environnement. Cette démarche s’inscrit dans une conception, une fabrication et une exploitation respectueuses de l’environnement, ainsi que la prolongation maximale de la durée de vie des produits et de leurs usages grâce à la réparation, le réemploi et le recyclage des matériaux. Cette dimension est loin d’être négligeable, la moitié de l’impact environnemental des équipements informatiques relevant de la seule phase de fabrication.
Pour sa part, l’IT for Green est un sous-périmètre de l’« IT for Good », qui est une démarche plus globale utilisant le numérique dans un objectif de réduction de l’empreinte économique, écologique et sociale d’une activité. On parle alors d’informatique au service de l’environnement. C’est le cas par exemple du moteur de recherche Ecosia, qui plante des arbres lors des recherches internet, de l’application Carbo, qui établit le bilan carbone d’une organisation, de l’outil Microsoft Sustainablity Calculator pour piloter l’impact de ses plateformes cloud, ou encore de l’add-on navigateur web The Great Suspender, qui ne rafraîchit plus les pages internet non-consultées.
Les petits ruisseaux font les grandes rivières
Une goutte dans l’océan : c’est souvent l’impression ressentie quant aux gestes quotidiens en faveur de l’environnement. Pourtant, ce sont bien ces gestes individuels additionnés qui comptent. Et ils sont potentiellement nombreux : limitation du nombre et prolongation de la durée de vie des appareils (recyclage, achat d’occasion ou de reconditionné…), arrêt plutôt que mise en veille des appareils, désactivation des fonctionnalités non utilisées en permanence (géolocalisation, Wifi, bluetooth…), usage raisonné du streaming et en basse définition, etc. Quant à l’usage des réseaux de communication, il s’agit de privilégier, dans l’ordre, le filaire, avant le wifi et avant les données mobiles.
De leur côté, les organisations – notamment celles qui ont une forte activité digitale telles que les banques, les assurances, les services et les éditeurs de logiciels – ont également un grand rôle à jouer dans le numérique responsable : sensibilisation des salariés aux bonnes pratiques (fichiers partagés vs pièces jointes, prolongation de la durée de vie des appareils…), utilisation d’équipements labellisés (EPEAT, TCO, EnergyStar, écolabel européen), valorisation des équipements en fin de vie (dons, recyclage, reconditionnement) et choix de fournisseurs de service cloud aux datacenters optimisés, utilisant des énergies propres.
En d’autres termes, il s’agit pour les entreprises d’assurer leur part de responsabilité en définissant et en appliquant une stratégie numérique plus vertueuse et neutre en carbone. Chaque collaborateur a également son rôle à jouer pour accélérer la transformation verte : s’informer, sensibiliser les autres et même s’engager dans des associations et organisations à but non-lucratif, en faveur de l’environnement.
Quant à l’IT for Green, c’est aux spécialistes de l’informatique d’imaginer et de construire les solutions utiles à la préservation de l’environnement, à la réduction de l’impact environnemental des activités humaines ou toute autre action favorable en matière écologique.
C’est aussi aux entreprises d’orienter au moins une partie de leurs capacités d’innovation en ce sens, avec des résultats très visibles. Par exemple, une PME active en matière de Green IT aura un impact sur quelques centaines de personnes, alors que la même PME qui s’engage dans l’IT for Green peut toucher des milliers d’organisations et d’individus. En résumé, les deux approches sont complémentaires et l’une n’implique pas nécessairement l’autre : tout est une question de volonté, de capacités et d’échelle d’impact visée.