Des experts invitent à penser le numérique non pas comme un outil technique mais comme une transformation globale de la société qui nécessite de nouvelles compétences, en soulignant le nécessaire développement de la culture numérique pour tous.
Le 9 juin dernier, une conférence organisée par la Banque des territoires et la Mednum, coopérative nationale des acteurs de la médiation numérique a invité à sortir des idées reçues qui donnent à penser que le numérique n’est qu’un outil technique réservé à des geeks. Et à ce que chacun de nous se pose cette question : pourquoi se former au numérique ?
Se former pour trouver un emploi
La réponse première est que chacun puisse améliorer son employabilité et trouver un emploi. « Les risques que fait peser la transformation numérique sur l’emploi représentent aussi une opportunité : un objet nouveau pour tous met tout le monde sur un pied d’égalité », souligne Guilhem Pradalié, directeur général de la MedNum. Cécile Lo Iacono, directrice du développement des partenariats de l’organisme de formation Simplon, explique : « D’un côté, les effets de levier en termes d’emploi sont très importants pour de grandes entreprises, avec par exemple la disparition progressive du conseiller en agence et du guichetier dans les banques. De l’autre, le métier le plus en tension est développeur. Nous nous sommes fixés des objectifs d’accessibilité à nos formations de développeur par public : femmes, personnes en situation de handicap, réfugiés, quartiers prioritaires de la ville (QPV). Nous nous sommes implantés dans les QPV pour éviter aux stagiaires trop d’heures de transport. Il peut y avoir des formation non mixtes pour un public particulier sur un bout ou sur tout le parcours de formation. Avec une pédagogie différenciée nous pouvons former quel que soit le niveau de diplôme, y compris en dessous du niveau bac. »
Elle ajoute qu’il est bénéfique de mettre de la diversité et mixité dès la phase de création et de production d’outils numériques, d’intelligence artificielle ou de réalité virtuelle, en y faisant travailler des gens représentatifs de notre société.
Développer la culture numérique et data
La réponse moins évidente, mais tout aussi importante, est de se former pour s’adapter au monde en pleine transformation numérique. Le numérique est trop souvent considéré comme un outil qu’on utilise, ou qu’on subit, avec lequel on doit faire avec. Or le numérique est un changement civilisationnel. Emmanuelle Roux, PDG du Chaudron.io, qui forme à la transition numérique, affirme : « Le numérique est une nouvelle manière d’écrire le monde, de faire ensemble. Il modifie les relations humaines. La culture numérique doit faire partie de la culture générale : elle doit être enseignée à l’école dès le plus jeune âge par des professeurs de français, de philosophie, d’histoire-géographie, y compris dans sa dimension politique. Le numérique implique un nouveau vocabulaire dans le rapport au monde : il faut avoir les mots pour penser le monde. »
Selon elle, qui est aussi présidente du Cinov Numérique, le syndicat des indépendants, TPE et PME du numérique, nous n’avons pas besoin de tous être codeurs mais de comprendre la data et le numérique pour avoir le droit de contribuer à la transformation numérique. Or la plupart des personnes ne sont pas actuellement formées aux bases de la data, par exemple être capable d’amener de l’intelligence dans un fichier Excel.
Pour Erwann Tison, directeur des études du think tank Sapiens, le développement de la culture numérique passe par la certification des compétences et la valorisation des parcours : « Il s’agit d’inciter chaque personne à explorer des choses pour lesquelles elle n’est pas déterminée par son parcours scolaire. L’approche peut se faire par badge plus que par diplôme, par la validation par les pairs. »
Par-delà l’enjeu de l’emploi induit par le numérique, ces experts invitent à former chacun à être citoyen dans un monde numérique.
Christine Calais