C’est la fin de la neutralité du Net aux Etats-Unis. En assouplissant les règles qui permettent la modulation des vitesses de débit, en fonction du contenu ou de l’abonné, les Etats-Unis offrent la possibilité aux groupes de télécommunications de facturer plus cher leurs services.
Neutralité du Net ? Comprenez qu’il s’agit d’une régulation d’ Internet comme un service public afin de garantir un accès égal pour tous les services en ligne, quelle que soit l’importance de la bande passante qu’ils utilisent. L’idée de fond est que ce ne soient pas les fournisseurs d’accès à Internet qui contrôlent ce que l’on peut regarder sur Internet.
La Commission fédérale des communications (FCC), le régulateur américain des télécommunications, avait donné son accord en 2015 sous l’administration Obama pour cette neutralité du Net. Ajit Pai, son nouveau patron mis en place par Donald Trump, vient d’y mettre fin jeudi 14 décembre par un vote des trois membres républicains de la commission contre les deux démocrates.
Bloquer certains services ? Faire payer plus cher ?
Le régulateur a estimé que la neutralité représentait un obstacle aux investissements et à l’innovation. Cette fin de la neutralité du Net autorise théoriquement les opérateurs comme Verizon, Comcast ou encore AT&T et autres FAI à moduler la vitesse de débit Internet en fonction du contenu qui passe dans leurs “tuyaux”, ce qui pourrait aboutir à la création d’un “internet à deux vitesses”. Les partisans de la “neutralité” craignent de leur coté que les FAI soient tentés de faire payer plus cher pour un débit plus rapide, ou bloquent certains services leur faisant concurrence, comme la vidéo à la demande, la téléphonie par Internet ou les moteurs de recherche. Selon le Washington Post, l’opérateur Verizon, par exemple, pourrait faire payer une commission à Google pour accéder à ses abonnés – et pas à Yahoo qui lui appartient. Pour le New York Times, cela risque de “refaçonner les expériences online des Américains“.
Avec cette décision, “nous restaurons la liberté d’Internet” et “nous aidons les consommateurs et la concurrence“, a déclaré Ajit Pai devant la commission, juste avant le vote. Cette décision “ne va pas tuer la démocratie” ni signifier “la fin de
l’Internet tel que nous le connaissons“, a-t-il ajouté, faisant allusion aux arguments des tenants de la neutralité. La FCC “donne les clés de l’Internet” à “une poignée d’entreprises multimilliardaires“, a regretté pour sa part Mignon Clyburn, membre de la FCC qui a voté contre la décision.
Le Canada s’inquiète
Le Nouveau parti démocratique (NPD, gauche) craint que la décision américaine pénalise les Canadiens. “De nombreux sites parmi les favoris des Canadiens pourraient être touchés par cette décision“, a estimé ce parti d’opposition. Navdeep Bains, ministre de l’Innovation du gouvernement libéral de Justin Trudeau promet, lui, le maintien de la neutralité du Net. “La neutralité d’Internet est l’un des enjeux critiques de notre époque, comme la liberté de la presse et la liberté d’expression l’ont été dans le passé“, a-t-il souligné. “Nous sommes en faveur d’un réseau internet ouvert“, a-t-il affirmé en précisant que toutes les mesures sont prises au Canada “pour veiller à la neutralité d’Internet“.
La bataille va se déplacer maintenant sur le plan juridique pour les partisans de la neutralité. L’Internet Association, par exemple, qui représente de grandes sociétés high tech comme Google et Facebook, a indiqué qu’elle envisageait une action légale. “Le combat n’est pas terminé“, indique-t-elle sur son site. Nous sommes “actuellement en train d’examiner nos options juridiques pour une action en justice“.
Auteur : La Rédaction avec AFP