Accueil Démat-Ged Expertise – Expérience utilisateur : vers une architecture 100 % numérique

Expertise – Expérience utilisateur : vers une architecture 100 % numérique

Marc Norlain

Les entreprises sont aujourd’hui lancées dans une course à la dématérialisation. L’enjeu : offrir la meilleure expérience utilisateur à leurs clients. Dans ce contexte, l’instauration du transfert automatique des données constitue une étape majeure de la simplification des échanges, selon Marc Norlain, CEO d’Ariadnext, spécialiste européen dans le domaine de l’identification numérique.

L’expérience utilisateur est aujourd’hui incontournable dans la stratégie des entreprises pour fidéliser leur clientèle. C’est l’aboutissement d’un long processus de dématérialisation, que l’on peut distinguer en trois phases. La première s’est appliquée à numériser le papier, afin de transférer directement des documents numériques (en particulier des pièces justificatives). La deuxième phase, celle de l’automatisation, a consisté à déléguer le traitement de ces documents à des machines. Le traitement automatique s’est depuis largement répandu, et a posé les prémices de la troisième étape : connecter directement les demandeurs d’information à la source des données, sans autre action de la part des utilisateurs que de consentir à ce partage.
Cette troisième phase représente une amélioration sans précédent de l’expérience utilisateur, et s’émancipe du paradigme du papier qui prévalait jusqu’alors. Désormais, il ne s’agit plus de transposer des processus papier, mais bien de passer à une architecture 100 % numérique.

L’administration à l’ère du traitement automatique des données

Le traitement automatique des données des utilisateurs, qui repose sur leur consentement au partage, est en train de se mettre en place dans tous les secteurs. La puissance publique n’est pas en reste, et le plan « Action publique 2022* » a fixé d’ambitieux objectifs pour la transformation de l’administration. Si l’Estonie est le pays le plus en avancé d’Europe en matière de dématérialisation, grâce à l’instauration d’une identité numérique par citoyen, la France est aujourd’hui en bonne voie****. En place depuis 2016, le portail FranceConnect***** permet ainsi d’automatiser le partage de certaines données entre les administrations. Dans le cas des finances publiques, par exemple, un citoyen n’a désormais plus besoin de transmettre ses justificatifs pour obtenir une bourse ; simplement de s’identifier et d’autoriser le partage des données requises.

L’architecture numérique : pilier de l’expérience client

Si l’automatisation du transfert des données est essentielle pour l’État, vis-à-vis de ses citoyens, elle l’est davantage pour les entreprises vis-à-vis de leurs clients. L’amélioration de l’expérience utilisateur est en effet un enjeu de survie, dans un contexte de rude concurrence. Les entreprises qui offriront les interactions les plus fluides et des réponses instantanées réussiront à fidéliser au long cours une clientèle de plus en plus exigeante, car placée devant un large choix.

La facilité consistait jusqu’à présent pour les entreprises à transposer les processus papier en processus numériques. Elle est désormais révolue, et un projet de digitalisation réussi implique de repartir de zéro, pour instaurer une architecture purement numérique. Inventer des processus complètement digitaux est en effet l’étape incontournable pour réduire les démarches fastidieuses (notamment les échanges de mails). Pour une entreprise, laisser le client en suspens, c’est créer une frustration, et donc un risque qu’il se tourne vers la concurrence. Fluidifier les interactions virtuelles est l’un des piliers de l’expérience client, et a un impact direct sur le taux de conversion**.

Vers une monétisation « saine » des données

Non seulement cette instantanéité de traitement améliore l’expérience utilisateur, mais  elle renforce considérablement la sécurité des données. Multiplier les envois de photocopies de carte d’identité, et autres documents sensibles, représente en effet une faille de sécurité et multiplie le risque de vol ou de mésusage. Il est largement préférable que ces données soient stockées dans un espace virtuel sécurisé, et accessibles sur consentement de leur propriétaire. Dans le cas d’une personne qui souhaiterait, par exemple, ouvrir un compte bancaire, il lui suffirait d’autoriser la banque à obtenir un justificatif de domicile directement auprès d’EDF.

Ce modèle pose pourtant la question de l’usage des données, et plus précisément de leur monétisation. Le récent scandale de pillage des données personnelles des citoyens, par les géants du numérique américains, a justement mis en lumière l’épineux problème de leur monétisation dans cette troisième phase de dématérialisation. La question n’est pas de savoir si les données doivent être monétisées – elles le sont déjà – mais comment instaurer une économie des données saine. L’État aura un double rôle à jouer, en tant qu’acteur, pour son propre besoin, et qu’organisateur. De par sa mission de service public, il lui revient d’encadrer les nouveaux usages pour limiter le risque de dérive, et ériger en condition sine qua non le consentement des citoyens au partage de leurs données. À ce titre, le cadre juridique européen, RGPD en tête, apporte des garanties salutaires***.

Le transfert automatique de données s’initie et devrait prendre quelques années à se généraliser. Mais cette troisième phase représente-t-elle pour autant l’aboutissement de la dématérialisation ? Lorsque l’on voit l’évolution actuelle du commerce, et l’apparition de magasins sans caisse, il est permis d’en douter. Pour autant, la question se pose de la pertinence de décliner un tel modèle aux services digitaux, car elle représente un vrai défi pour le consentement. Quelles que soient les évolutions futures du numérique, l’enjeu majeur sera d’articuler l’incessante demande de simplification des utilisateurs avec le respect de leur volonté.

 

*               https://www.gouvernement.fr/action/action-publique-2022-pour-une-transformation-du-service-public

** https://www.offremedia.com/sites/default/files/fr-etude-kpmg-et-afrc-mai18.pdf

*** https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32016R0679

**** https://cor.europa.eu/fr/news/Pages/digital-europe-estonia-shows-how-innovation-can-improve-public-services.aspx

***** https://franceconnect.gouv.fr