La crise, traversée par le pays, nous a démontré le coût économique d’une mise à l’arrêt des entreprises et nous oblige à repenser notre mode de fonctionnement. La dématérialisation constitue encore un enjeu de taille pour nombre d’entreprises, qui doivent davantage l’intégrer pour que le numérique complète le physique et puisse assurer la résilience du système. Par Guillaume Despagne, CEO d’ARIADNEXT.
Respecter les règles de sécurité sanitaire est un principe essentiel, mais encore faut-il que cela soit faisable. Il est bon de rappeler que les processus de dématérialisation ne sont pas innés en France. L’attestation de dérogation électronique a mis 4 semaines à voir le jour et le résultat en termes de sécurité était discutable. C’est pourquoi la dématérialisation va de pair avec la notion d’identité numérique et de cadre juridique adéquat ! En effet, si à l’heure actuelle le scénario est une crise sanitaire, rien ne nous dit que demain, il ne s’agira pas d’une crise informatique mondiale ! D’où la nécessité de pouvoir permuter d’un système à l’autre.
Flexibiliser son activité entre sphères physique et numérique
Mais, au-delà des méthodes et outils, le véritable effort concerne l’activité des entreprises elle-même, qui doit s’adapter au numérique. Le mot « dématérialisation » a été tant et tant employé ces dernières années qu’il a pu passer pour acquis, pourtant nous en sommes encore loin. Or, éviter d’être réduite à une activité zéro implique pour une entreprise d’être en mesure de basculer autant que possible ses activités de la sphère physique à la sphère numérique, en un mot d’introduire le plus de flexibilité possible de l’un à l’autre. Ce contexte dramatique est donc l’occasion de prendre conscience de l’impératif d’accélérer la dématérialisation, et d’identifier les secteurs qui restent à la traîne dans ce domaine (le recrutement, notamment l’intérim, mais aussi le tourisme et surtout l’industrie). Le service public, qui a déjà fait de nombreux et louables efforts, doit par exemple assurer aux citoyens que la majorité des démarches puissent être faites en ligne – c’est presque le cas.
Mais, plus encore, il doit assurer un service à distance de qualité, avec des interactions fluides et pensées dans une approche d’expérience utilisateur (UX). Quant aux banques, nombreuses d’entre elles continuent à envoyer des documents d’auto-certification, par exemple, par courrier obligeant la personne concernée à se déplacer directement en agence pour le suivi. C’est le cas également pour des contrats de prêt ou d’autres actes qui nécessitent une présence physique. Beaucoup de services ne sont pas encore dématérialisés et la situation de confinement montre l’importance de pouvoir effectuer ces démarches à distance.
L’identité numérique au cœur de la dématérialisation
Bien que de nombreux acteurs tendent à accélérer les processus de dématérialisation, ceux-ci ont jusqu’alors consisté à simplement transposer des formulaires papier en version numérique et à envoyer ensuite de nombreux documents pour compléter le dossier, ce qui est évidemment vain et contre-productif. C’est le cas dans les banques par exemple. L’ouverture d’un compte est dématérialisée, mais il faut tout de même se déplacer pour signer certains documents en personne. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut être capable d’aller plus loin et créer un véritable parcours digital avec une transposition intelligente.
Pour y parvenir, il est impensable de faire l’impasse sur l’identité numérique déployée à grande échelle. C’est le seul moyen d’avoir des procédures de dématérialisation efficaces à un coût raisonnable en limitant les risques de fraude et d’usurpation. L’identité numérique permet de simplifier une partie du parcours afin qu’il n’y ait plus besoin de fournir des documents a posteriori. L’enjeu est de permettre à chaque citoyen de prouver son identité de façon simple et sécurisée. Face au développement de plus en plus rapide de services dématérialisés, le législateur doit intervenir rapidement pour poser un socle de règles.
Instaurer un cadre juridique favorable
Les textes législatifs sont pour le moment à la traîne et ne permettent pas à tous les acteurs de répondre à leurs ambitions face à la dématérialisation. Par exemple, pour des actes notariés, il est impossible de le faire à distance car l’environnement juridique l’en empêche. Par conséquent, la dématérialisation devient davantage un combat juridique qu’un processus purement technologique. Bien que la 5ème directive anti-blanchiment, entrée en vigueur le 10 janvier 2020, ait enclenché différents processus et laissait une place substantielle à l’identité numérique, le législateur doit continuer à faire évoluer le paysage juridique pour permettre aux différents projets de se dérouler de façon optimale.
À l’heure de la dématérialisation, l’identité numérique ne peut permettre aux entreprises d’évoluer que si l’État trouve un modèle de fonctionnement commun et sécurisé. Dans un espace numérique en pleine accélération, l’intervention du législateur est primordiale pour poser un environnement clair à la transformation digitale.