Renforcement de la formation et des nouvelles formes de travail, devoir de déconnexion et incitations fiscales et sur les contrats de travail font partie des propositions de Bruno Mettling, DRH adjoint d’Orange, qui a remis son rapport « Transformation numérique et vie au travail » au ministre du Travail.
Le 15 septembre dernier, le DRH adjoint d’Orange, Bruno Mettling, a remis son rapport « Transformation numérique et vie au travail » à Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social. Commandité fin mars par l’ancien ministre du Travail François Rebsamen, ce rapport, qui se fonde sur une trentaine d’auditions d’experts, dont des responsables syndicaux et patronaux nationaux (CFDT, CFE/CGC, CGT, FO et le directeur général du MEDEF), et diverses études, met en avant les effets de la transformation numérique sur le monde du travail et propose des mesures pour les accompagner. Il manquait aux différents rapports sur le numérique commandités par le gouvernement (fiscalité numérique, grammaire du succès du numérique, grande école du numérique, etc.) « un examen des effets de la transformation numérique sur le monde du travail, qui analyse à la fois la façon dont elle modifie déjà les formes du travail, les modalités selon lesquelles la transition numérique est actuellement vécue et menée au sein de l’entreprise, et les conditions selon lesquelles elle pourra être réorientée à l’avenir pour contribuer à rendre du sens au travail et à améliorer la vie au travail », indique Bruno Mettling en préambule avant de lister six impacts majeurs de la transformation numérique sur le travail :
– La diffusion massive de nouveaux outils de travail
– L’impact sur les métiers et les compétences
– L’impact sur l’organisation du travail
– L’impact sur le management
– De nouvelles formes de travail hors salariat
– L’environnement de travail des cadres
Face à ce constat, Bruno Mettling présente ensuite 36 préconisations permettant d’accompagner la transition numérique. Les propositions sont relatives à l’éducation au numérique, à l’adaptation du cadre de travail, à la qualité de vie au travail et à la co-innovation.
La formation professionnelle
Formations professionnelles au numérique et intégration du numérique parmi les savoirs fondamentaux à l’école sont une évidence pour le rapport qui insiste sur « sa conviction extrêmement forte que l’éducation au numérique est essentielle à la réussite de la transition numérique. » Il doit y avoir une « forte mobilisation des moyens de la formation ». Et le rapport de proposer « de mettre en place des formations dédiées tant aux jeunes qu’aux entreprises de manière à lutter contre le risque que le secteur du numérique ne devienne un secteur d’exclusion, notamment en terme de mixité. La situation très hétérogène dans les PME et ETI justifie un effort d’accompagnement conséquent et doit constituer la grande priorité de la formation professionnelle. »
Incitations sur les contrats de travail et la fiscalité
En ce qui concerne le cadre de travail, on retiendra la proposition de dispositifs incitatifs tant en termes de contrat de travail que d’incitations fiscales à destination des entreprises. « Ainsi, les salariés seraient-ils incités à créer leur propre entreprise tout en ayant un « filet de sécurité » pour réintégrer leur entreprise d’origine. » soutient le rapport. Le rapport préconise également la clarification des situations respectives de salarié et de travailleur indépendant : « A l’instar des travaux engagés par le Department of Labor de l’administration Obama, une réflexion doit être portée dans notre pays pour réactualiser la jurisprudence relative à la qualification de salarié. Cette évolution pourrait s’appuyer sur l’établissement d’un faisceau de critères élargi (degré d’autonomie du travail, décisionnaire de la rémunération, exclusivité des services du travailleur, etc…) et permettra de qualifier un statut d’emploi comme relevant du salariat, ou, au contraire, du travail indépendant (au sens générique). »
Un devoir de déconnexion
Côté qualité de vie au travail, Bruno Mettling souhaite compléter – et non substituer – le droit à la déconnexion par un devoir de déconnexion. « La bonne articulation entre vie professionnelle et vie privée est une condition majeure de la réussite de la transformation numérique, pour que celle-ci puisse réellement permettre une amélioration de la qualité de vie. », indique-t-il, en soulignant que savoir se déconnecter est une compétence qui se construit à un niveau individuel mais a besoin d’être soutenue par l’entreprise.
« Avec l’accès à l’information partout, tout le temps, pour tous, il existe un risque de surcharge cognitive et émotionnelle, avec un sentiment de fatigue, d’excitation. Se pose en creux la question des risques psycho-sociaux, ainsi que l’enjeu de concurrence du temps d’attention disponible », souligne Bruno Mettling.
La mise en place de politiques RH sur le collectif
Le rapport préconise également le développement de politiques RH visant à renforcer le collectif au sein de l’entreprise. Le collectif peut-être fragilisé par la transformation numérique, qui conduit à un développement fort du travail à distance, mais aussi à une diversité croissante des formes d’emploi, indique le rapport. « Ainsi, dès lors que l’on anticipe correctement que la transformation numérique est un risque pour le collectif, elle peut également être une opportunité pour, au contraire, le renforcer. C’est pourquoi il est primordial de conforter la culture de l’entreprise et ses spécificités, afin de renforcer le collectif, qui tend à s’étioler avec le travail à distance ou la multiplication d’intervenants extérieurs. De même, il convient de veiller à l’organisation en proximité de moments de vie et de partages collectifs. »
Le télétravail encouragé
« Le travail à distance, dès lors qu’il est choisi et qu’il s’inscrit dans un certain nombre de bonnes pratiques, permet une réelle amélioration de la qualité de vie. La mission fait donc de son développement un enjeu pour la réussite de la transformation numérique », met en avant le rapport qui liste une série de bonnes pratiques à mettre en place à titre d’exemples : la formulation des conditions d’éligibilité au travail à distance justes et claires, l’option de réversibilité réciproque pour le managé, mais aussi pour le manager, en cas d’inadéquation manifeste, la mise en place d’une période d’adaptation, etc. Et qui dit développement du télétravail et autres formes de travail à distance, dit le développement de tiers-lieux, en lien avec les collectivités territoriales.
Ce rapport sera une source d’inspirations pour la ministre du Travail Myriam El Khomri, notamment pour le projet de loi sur la réforme du code du travail qui devrait être présenté d’ici la fin de l’année.