Le 10 juin, jour où le Gouvernement remet au vote du Parlement son rapport pour lutter contre le gaspillage et l’obsolescence programmée des produits IT, il n’empêche pas le vote par ses députés d’une redevance copie privée (RCP) pour les smartphones reconditionnés… qui l’ont déjà payé quand ils étaient neufs. Une exception fiscale en Europe. Une de plus. comme le souligne la coalition #SauvonsLoccasion
Bienvenue en absurdie dans la Cerfa Nation. Le vote le 10 juin au Parlement d’une redevance copie privée (RCP) pour les smartphones reconditionnés survient alors que les dirigeants des institutions et de nombreuses entreprises, IT notamment, tiennent des discours parfois schizophrènes sur les bienfaits de l’économie circulaire et la réduction de l’empreinte environnementale du numérique…
Un petit compromis trouvé pour la redevance RCP sur les smartphones d’occasion
En effet, les députés ont aussi validé le 10 juin en première lecture, et à l’unanimité des présents, la proposition de loi sur « la réduction de l’empreinte environnementale du numérique », texte qui retourne au Sénat. Et à cette occasion, un petit compromis a été trouvé pour une redevance pour les smartphones d’occasion reconditionnés. Ils seront certes soumis à la « rémunération pour copie privée » (RCP), mais à un taux spécifique et différencié par rapport aux appareils neufs, et le tarif tiendra aussi compte de leur ancienneté. Les entreprises du secteur social spécialisées dans ce reconditionnement en seront exemptées.
Une taxe déjà payée lors de leur vente des smartphones en neuf
Certes, les artistes et ayants droit de l’industrie musicale ont obtenu l’instauration par les députés d’une xième redevance de copie privée (RCP) pour les mobiles d’occasion, mais cette taxe n’est-elle pas déjà payée lors de leur vente en neuf… comme le rappelais encore en juin Jean Lionel Laccourreyre, président du Syndicat interprofessionnel du reconditionnement et de la régénération des matériels informatiques, électroniques et télécoms (Sirrmiet)?
Les professionnels de l’occasion rappellent aussi que le marché des téléphones reconditionnés progresse en France. Selon eux, il représente 10% des ventes de téléphones et les revenus de la rémunération pour copie privée augmentent donc chaque année. Ils sont passés de 260 millions en 2019 à 273 millions en 2020. Comme le rappelle Eric Bothorel, député LaREM et chargé de mission-open-data.fr, qui fait partie des parlementaires opposés à cette version du texte : « La RCP est une ressource dynamique, grâce à un système très performant, on pourrait résumer la logique de la façon suivante : “pile je gagne, face tu perds”. La recette de la RCP est en effet passée de 36 millions d’euros en 1987 à 273 M d’Euros en 2020. Je voudrais que les modalités de demain, sans qu’elles dénuent les artistes de leurs droits, ne se fassent pas sur les dos d’usages qui mériteraient le remboursement, parce que professionnels”.».
Une nouvelle exception fiscale en Europe
La coalition #SauvonsLoccasion, qui rassemble les acteurs du reconditionnement coordonnée par RCube et le Sirrmiet, est ulcérée par la décision de la Commission Copie privée de créer cette nouvelle taxe sur les smartphones reconditionnés, de 8,40€ HT par smartphone de plus de 64Go, malgré 7 abstentions des membres minoritaires et 15 votes favorables de la part des sociétés privées représentantes d’ayants droits majoritaires : « c’est un non-sens absolu et une exception en Europe où il n’existe nulle part un tel montant sur la copie privée, a fortiori sur les équipements d’occasion reconditionnés ». Ses représentants s’étaient déjà « indignée de voir publier le lundi 7 juin au Journal Officiel, trois jours avant la présentation du texte au Parlement, le barème RCP voté mardi 1er juin par la commission Copie Privée au mépris de la représentation nationale ».
Le risque de tuer le secteur français de l’Economie Circulaire
La coalition estime que les reconditionneurs ne peuvent et ne pourront pas payer cette nouvelle charge financière alors que le modèle économique de l’occasion est fragile avec des pertes ou de faibles équilibres financiers. « Elle risque surtout de tuer le secteur français de l’Economie Circulaire en dépositionnant les prix de vente d’occasion comparé au neuf, en renforçant la concurrence avec les acteurs étrangers irrespectueux des obligations fiscales européennes et en détruisant les marges des acteurs français ». D’autant que Back Market, considérés par certains comme le leader en France de la vente de produits électroniques reconditionnés, ne serait pas touché par la copie privée, car c’est une place de marché et non pas un reconditionneur selon la coalition #SauvonsLoccasion.
“Cette nouvelle taxe est une déclaration de guerre de l’ancienne économie contre l’Economie circulaire et innovante qui souhaite réparer plus et prolonger la durée de vie des produits pour lutter contre le réchauffement climatique. Si cette Redevance de 8,40€ HT passe, c’est tout un secteur d’activité qui sera tué dans l’oeuf avec des faillites d’entreprises qui ont déjà des modèles économiques fragiles voire déficitaires.” Benoit Varin, président de la Fédération du Réemploi et de la Réparation, RCube.org.
La RCP ne s’appliquerait pas aux produits d’occasion reconditionnés à l’heure actuelle
La coalition #SauvonsLoccasion rappelle également que les deux chambres au Parlement estiment que la RCP ne s’applique pas aux produits d’occasion reconditionné à l’heure actuelle et que le Sénat et la Commission du Développement Durable de l’Assemblée Nationale ont adopté une exclusion du reconditionné de cette redevance dans le cadre de la Proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique (Article 14Bis B de la Loi). « Ce barème a été établi sans tenir compte des débats parlementaires en cours et suite à une étude d’usage pilotée par les seuls représentants des bénéficiaires de la Redevance Copie Privée ».
Des acteurs européens du reconditionné, dont Fenix.eco, Foxway, Recommerce Group, Reware et Tech2com, ont annoncé en avril le lancement de l’association Eurefas. Son objectif : défendre et promouvoir les intérêts du secteur. L’association entend ainsi faire évoluer le cadre règlementaire en vigueur et favoriser l’émergence de l’économie circulaire en Europe. Elle n’a pas encore réagi à la nouvelle taxe française sur les smartphones reconditionnés.
