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Droit à l'oubli numérique : comment trouver un juste équilibre pour les moteurs de recherche ?

Protection des données personnelles et droit à l’oubli numérique : le cabinet Franklin, spécialisé dans le droit des affaires français et international, revient sur l’arrêt pris par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Dans un arrêt très remarqué du 13 mai 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a notamment (i) étendu l’application de la Directive européenne 95/46 CE sur la protection des données personnelles et (ii) consacré un nouveau droit à l’oubli numérique.

Sur le premier point, la Cour a appliqué à la société américaine Google Inc la Directive 95/46 au motif que l’indexation des pages web constitue un traitement de données à caractère personnel et que ce traitement est réalisé « dans le cadre » des activités de sa filiale Google Spain, qui assure la promotion et la vente des espaces publicitaires, proposés par Google Inc, auprès des habitants espagnols, et ce malgré le fait que Google Spain n’est pas propriétaire du site internet espagnol de Google et ne traite pas les données collectées par ledit site. Il est intéressant de noter que le raisonnement de la Cour est quasi identique à celui adopté par la CNIL dans sa décision du 3 janvier 2014.

Sur le second point, la Cour a jugé qu’un internaute peut s’adresser directement au moteur de recherche afin que soient supprimés des résultats de recherche les liens de sites internet tiers contenant des informations relatives à sa personne. Un droit à l’oubli numérique est ainsi consacré par la Cour européenne et justifié par la prévalence des droits au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles d’un internaute sur (i) l’intérêt du public à accéder à certaines informations et (ii) l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche. La CJUE tempère toutefois sa décision en fixant une limite explicite au droit à l’oubli numérique qui ne trouvera pas à s’appliquer, notamment, dans le cas où le rôle joué par la personne dans la vie publique nécessite que le public ait accès à l’information.

Le verdict rendu par la CJUE risque d’avoir des répercussions importantes sur les moteurs de recherche étrangers qui devront désormais procéder à des déclarations de traitement auprès des autorités nationales, définir une durée légitime à la conservation des données personnelles en fonction de la sensibilité des informations traitées et examiner au cas par cas les demandes des internautes visant à la suppression des informations les concernant.

Il semble légitime de se demander s’il est approprié d’ériger une société privée telle que Google en juge de première instance des demandes des internautes tendant à faire appliquer ce nouveau droit à l’oubli numérique. Eu égard à l’explosion du nombre de demandes que cette décision va inéluctablement engendrer et au caractère extrêmement laconique des règles édictées par la Cour européenne, on peut aisément comprendre le casse-tête pour Google et les autres moteurs de recherche, afin de trouver un juste équilibre entre le droit à l’oubli numérique, d’une part, et le droit à l’information et à la liberté d'expression d’autre part. Leurs décisions seront sûrement contestées devant les autorités de protection des données personnelles (la CNIL en France) et les tribunaux, tandis que les défenseurs de la liberté totale d’expression sur Internet réagiront probablement en dupliquant les informations supprimées de l’index des moteurs de recherche sur d’autres sites web.

Si Google dispose de ressources suffisamment importantes pour supporter les lourdes conséquences financières que la décision de la CJUE ne manquera pas d’entrainer, il n’en sera certainement pas de même pour les plus petits moteurs de recherche.

Voir notre article Droit à l’oubli : Google croule sous les demandes