Amédée Paris, jeune marque française de foulards de luxe en laine Mérinos, propose à ses clients une production éthique et une totale transparence sur la provenance et la transformation de ses produits grâce à la technologie blockchain. Elle le doit à sa maison mère, l’industriel Chargeurs, premier groupe au monde à avoir créé une traçabilité blockchain intégrale de sa filière de production.
Chargeurs est un groupe français spécialisé, qui a vu le jour en 1872 dans le transport maritime entre le Havre et l’Amérique latine. Il est aujourd’hui spécialisé dans les textiles « techniques » avec 4 divisions métiers, dont celle de la laine peignée (première étape de transformation après la tonte du mouton, ensuite acheminée vers les filateurs). Face à la concurrence asiatique, qui tire les prix vers le bas, la division souffrait. La dernière usine de peignage en France, à Roubaix, est fermée au début des années 2000, et l’avenir de la division est très incertain. Sous l’impulsion d’un jeune PDG, Michaël Fribourg, la branche reprend des couleurs. Après avoir fait le tour des fermiers avec lesquels le groupe travaille en Uruguay, Argentine, Australie, Tasmani et Nouvelle Zélande, le dirigeant souhaite mettre en valeur à la fois la qualité de la laine Mérinos et les bonnes pratiques de leur mode de production : respect des hommes, des animaux et de l’environnement. Pourquoi vendre au même prix que les concurrents asiatiques avec de tels atouts ?
Déborah Berger, DG adjointe chargée du développement chez Chargeurs, et fondatrice et dirigeante de la marque Amédée Paris, spin off du groupe, explique à Solutions Numériques la mise en place à son arrivée d’un label, privé, de laine éco traçable. Il offre des engagements rigoureux sur le bon traitement des animaux, l’absence d’utilisation de produits nocifs pour l’environnement, le recyclage de l’eau dans les usines de peignage, etc. « Mais, ensuite, comment faire pour que nos clients nous croient ? », raconte la dirigeante. « On a voulu apporter une preuve technologique. La blokchain s’est imposée naturel-lement, car il s’agit de la seule techno-logie permettant de « notariser » de manière digitale des actes physiques et de tracer de manière infalsifiable et inmodifiable les processus. »
Vérification et contrôle
Chargeurs a ainsi développé avec une startup française, Crystal Chain, une plateforme blockchain. « Nous avons créé une plateforme informatique qui s’appuie sur de la technologie blockchain pour encrypter des données de manière cybersécurisée. » Celle-ci, adaptée aux contraintes de l’entreprise, permet de tracer toutes les étapes de transformation de la laine, depuis la ferme jusqu’aux produits finis. Elle récupère diverses données, des “traces” (chiffres, mots…), des fichiers (rapports d’audit annuels des fermes et usines) et des données de transformation des lots. Un exemple concret avec 10 tonnes de laine de Patagonie livrées en usine de peignage en Argentine : la transaction est préenregistrée sur la plateforme qui envoie un SMS au fermier qui doit confirmer par un “ou” ou “non” la date et la quantité sur son téléphone mobile. En parallèle, un mail est envoyé à l’usine pour faire confirmer par un référent la réception : quantité, ferme d’origine et date. En outre, tous les documents tels que les bons de livraison pour tracer les lots sont stockés dans la plateforme.
En plus de ces critères de vérification, la plateforme permet d’effectuer des contrôles bloquants lors d’erreurs de saisie ou lorsque des données sont aberrantes (un volume de laine donné ne peut pas, par exemple, donner tel volume de fil), Outre ce fonctionnement global, Déborah Berger décrit également l’upload automatique des données. La plateforme va chercher automatiquement dans les SI des usines de peignage les données pour tout le suivi industriel. Ce qui permet de croiser les informations.
Cette offre BTB a été lancée il y a plus de deux ans, et c’est en 2019 que les ventes ont explosé. Difficile de savoir si la seule blockchain en est la raison, à l’heure de la prise de conscience environnementale, mais si « on a senti du scepticisme au début, maintenant les clients viennent à nous. La plateforme les rassure. »