De l'installation de quelques modules à l'intégration d'un ERP complet, les entreprises, et en particulier les PME, se laissent peu à peu séduire par le Cloud et ses promesses de gains en efficacité et de réduction des coûts.
Proposer un ERP dans le Cloud : les «pure players» sont aujourd'hui rejoints par les éditeurs traditionnels, grands et petits, de SAP à Qualiac, en passant par Sylob et Sage, ces trois derniers ayant annoncé leur ERP dans le Cloud récemment. «L'ERP dans le Cloud est facilement déployable, c'est là tout son intérêt : acquisition d'une filiale, agrandissement d'une plate-forme, déploiement d'un nouveau point de vente, il répond à la vie normale et animée d'une entreprise», soutient Philippe Plantive, directeur général de Proginov, société nantaise spécialiste de l'ERP dans le Cloud, qui dès 2001, a commercialisé une solution de gestion pour PME en mode hébergé. «Et on peut faire du spécifique dans le Cloud, on ne doit pas standardiser toutes les PME françaises. Elles doivent garder leur singularité, leurs spécificités qui leur donnent de la valeur ajoutée», ajoute-t-il, non sans épingler les applications de plus grands éditeurs (voir encadré). Pour faire cela, la structure même de l'ERP doit être bien pensée, indique Philippe Plantive : « Il ne faut pas à tout prix penser l'ERP en client/serveur, puis se dire : je le transpose tel quel dans le Cloud. Il faut le penser Cloud en premier !»
Son de cloche similaire chez DigiFactory, qui édite pour les entreprises de 1 à 200 personnes une solution ERP SaaS évolutive et omnicanal intégrant les différents aspects du développement d'activité sur Internet : la gestion de contenu (CMS), la relation client (CRM), l'emailing, l'e-commerce, la gestion commerciale, la gestion du réapprovisionnement, la gestion de projet, et la gestion d'opérations événementielles (salon, conférence, soirée,…). «On homogénéise les différents modules en une seule application, l'essentiel de ce que l'entreprise a besoin, et avec une seule interface, un seul log-in, une seule ergonomie», indique Wilfried Brown, créateur de DigiFactory. Cette suite déjà accessible depuis un téléphone ou une tablette, va bientôt donner naissance à une application mobile, pour du mode déconnecté (stockage des contacts en local, catalogue pour aller en rendez-vous et faire une présentation sans connexion ).
Octave, qui propose un ERP de gestion intégrant nativement une solution e-commerce, s'est lancé sur le Cloud en 2007. Les avantages pour une PME de taille intermédiaire d'une telle solution sont évidents selon Michel Perrinet, président et fondateur associé d'Octave : «Avantage de l'infogérance, sécurité et disponibilité des données, coûts d'interconnexion qui disparaissent et informations riches mises à jour directement dans la base de gestion : partage de tarifs, encours de commandes, de production, etc.»
Une adoption limitée, mais grandissante
Si ces trois éditeurs se sont spécialisés dans le mode Cloud voilà déjà plusieurs années, le déploiement de solutions ERP basées dans ce mode en entreprise est pourtant en retard par rapport à d'autres services. Une étude de Sage menée auprès de 670 décideurs informatiques d'entreprises de 100 à 500 salariés montre que le passage au Cloud lui-même reste une nouveauté pour 80 % d'entre elles, et que 20 % seulement utilisent une solution ERP basée sur le Cloud. L'intérêt du Cloud va cependant grandissant car 66 % des répondants à cette étude se déclarent prêts à l'adopter, 55 % souhaitant bénéficier de fonctionnalités mobiles.
Les bénéfices espérés du passage de l'ERP dans le Cloud sont nombreux : la réduction des coûts, le gain en efficacité, l'augmentation de la compétitivité, l'obtention d'un avantage stratégique et la croissance. «Le marché des ERP est à une période charnière et les entreprises nous le disent : il est temps de passer au Cloud. Il y a deux ans, les entreprises s'en méfiaient encore, mais pour toutes celles qui ont investi dans le Cloud, les avantages sont clairs : choix, évolutivité et flexibilité», indiquent Benoît Gruber, vice-président, Corporate Communication & Alliances, Sage Mid-Market.
De nouvelles offres qui sonnent le départ
En septembre dernier, Sage a donc lancé sa solution Sage ERP X3 Online, qui bénéficie des fonctionnalités et de l'évolutivité de Sage ERP X3 version 7. ERP X3 est dotée d'une interface web collaborative totalement basée sur HTML 5, qui prend en charge plusieurs navigateurs et peut être personnalisée par les utilisateurs en fonction de leurs besoins. Elle offre également un accès mobile et un assortiment d'applications web, ainsi qu'une intégration avec Microsoft Office.
Sylob, éditeur albigeois qui adresse à la PME industrielle, a lui sorti au printemps dernier son Sylob Cloud qui donne accès en mode locatif hébergé à l'ensemble de ses solutions, qu'il s'agisse «de nos solutions généralistes industrie ou de nos solutions verticalisées métiers», précise Florence Piton, directrice marketing et business développement de l'éditeur. «Des applications qui ont été conçues en «full web» dès leur développement il y a une dizaine d'année et qui passent au mode Cloud simplement.» L'éditeur a passé un partenariat avec un hébergeur local, Caplaser, pour stocker et gérer les données des clients en France.
Qualiac, de son coté, fait un pas dans le Cloud différent en choisissant de rendre disponible son offre de gestion ERP dans le Cloud d'Amazon, en visant plus particulièrement le marché américain. «Le marché tend à se développer dans les environnements Cloud, il nous était important de valider le bon fonctionnement de nos solutions dans ce contexte, notamment pour le marché américain très demandeur en matière de solutions hébergées», indique Patrick Pelissier, directeur de la stratégie produits de Qualiac.
Du côté des gros éditeurs, Henri van der Vaeren, directeur général de SAP France relève : « On a fait une croissance de 110 % au troisième trimestre au niveau des ventes Cloud par rapport au même trimestre de l'année dernière. La machine commence vraiment à être lancée, notamment autour des solutions de ressources humaines. Nos solutions Cloud sont perçues comme extrêmement modernes, tant du point de vue des fonctionnalités que de la compétitivité financière».
Des coûts attractifs, mais peu dévoilés
Du côté tarifs, justement, difficile pourtant de faire parler les éditeurs, qui restent dans le général, se retranchant derrière un argument de type «on fait payer à l'entreprise ce qu'elle consomme, pas plus», comme l'indique Sylvain Moussé, directeur des technologies et CTO de Cegid. Il est vrai que les tarifs varient en fonction de multiples paramètres, services et nombre de connexions. «Cela dépend du périmètre fonctionnel et du nombre d'utilisateurs, commente Florence Piton de Sylob qui ne nous en apprend guère plus, mais nous avons fait en sorte que le loyer soit très attractif par rapport à notre cible, des entreprises de 20 à 500 salariés.» DigiFactory joue lui la carte de la transparence avec un simulateur de tarifs en ligne. «Un utilisateur dépensera environ 30 euros par mois pour le module e-commerce. Pour 20 utilisateurs de la solution CRM, cela coûte 200 euros avec les options,» donne pour exemples Wilfried Brown. D'après l'étude de Sage, l'adoption du Cloud réduiraient de 25 % les coûts des entreprises du mid-market.
« Le marché des ERP est à une période charnière et les entreprises nous le disent : il est temps de passer au Cloud. » Benoît Gruber, Sage
Le «coup de gueule» de Philippe Plantive, DG de Proginov
Selon Philippe Plantive, les acteurs du marché du Saas ne sont pas mûrs. Et il le dit haut et fort.
«Intervenant lors d'une conférence au salon de l'ERP au début du mois d'octobre dernier, j'ai été surpris par le manque de maturité des acteurs du marché. Pourtant, des acteurs dits majeurs étaient présents ce jour-là, mais je ne reconnaissais absolument pas, dans leurs descriptions conceptuelles, l'ERP dans le Cloud dont ont besoin les PME.» Et le patron de Proginov, société nantaise qui, dès 2001, a commercialisé une solution de gestion pour PME en mode hébergé, de dénoncer la vision de certains grands éditeurs qui présentent «l'ERP en mode SaaS comme un ERP ultra standardisé, se déployant uniquement pour les déclinaisons modulaires (CRM, RH, etc.) mais incapable d'intégrer de la gestion de l'ERP complet de production, fermé, lourd, rigide, incapable de communiquer avec d'autres applications.» Pourtant, selon lui, «l'ERP dans le Cloud doit s'ouvrir au collaboratif, être le socle du partage de l'information, en temps réel. Il doit mettre à disposition des PME les ressources techniques que cette dernière ne pourra pas maintenir du fait de sa taille.» Et de conclure : «halte à la standardisation de masse !»