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Séduire le consommateur
Le consommateur, acteur de la révolution numérique, vit entouré de ses réseaux grâce à son smartphone. Aux entreprises de s’adapter et de s’organiser en étant centrées sur l’expérience client et la communauté. Le défi est loin d’être gagné.
S’adapter au comportement de consommateurs zappant d’un canal à l’autre est le plus grand défi et la plus grande opportunité pour les distributeurs en 2015. Dans 40 % des transactions, plusieurs appareils sont utilisés. Les commerçants doivent s’adresser aux utilisateurs, mais aussi à leurs dispositifs d’accès, selon Criteo, spécialiste de la publicité numérique à la performance. Son étude sur l’état du commerce mobile au 2e trimestre 2015 porte sur 1,4 milliard de transactions effectuées chez plus de 3 000 distributeurs et voyagistes en ligne. En fin d’année, la part des transactions mobiles devrait atteindre 40 % des achats en ligne dans le monde, contre 34 % mi-2015. Les smartphones continueront de détrôner les tablettes grâce à leurs écrans de plus en plus grands. En France, 20 % des ventes en ligne sont réalisées via un mobile ou une tablette, le mobile gagnant du terrain – la tablette reste encore devant en termes de transactions mobiles réalisées, se distinguant de la tendance mondiale.
L’app mobile facilite l’achat
Les distributeurs vont commencer à investir de manière significative dans leur application mobile pour améliorer le taux de conversion et échanger avec leurs clients fidèles. Les apps génèrent déjà près de 50 % des transactions mobiles pour ceux qui en font une priorité pour générer des revenus. “Tout se joue à un ou deux clics près ! L’app mobile décomplexe l’internaute, souligne Gilles Giudicelli, directeur de la recherche de Criteo. Elle a pour but de rendre l’action d’achat la plus facile possible, triplant le taux de conversion aux Etats-Unis. Elle limite le nombre de clics de la visite à l’achat. Une application réussie sécurise l’acheteur et favorise l’achat d’impulsion. Donc, les marques doivent inciter l’internaute à installer leur application par de l’app retargeting. Investir dans un site optimisé pour mobile est également prioritaire.”
« Une application mobile réussie sécurise l’acheteur et favorise l’achat d’impulsion. »
Gilles Giudicelli, Criteo
Mobile first
Le smartphone est le cœur du réacteur pour les marques de grande consommation, distributeurs et e-marchands. On l’a toujours sur soi. C’est un objet personnel, intime, une prolongation de la main et un lien social. La tablette est à mi-chemin entre ce dernier et l’ordinateur. Les objets connectés restent encore confidentiels dans la relation consommateur. Toutefois, avec l’essor du cross-device, les modèles d’attribution d’une transaction aux différents canaux de contact sont encore très inégaux.
Stratégie et organisation orientée 100 % client
Le client attend un service 24h/24, intuitif et immédiat. Il veut le bon produit, au bon moment, au bon prix, et quel que soit le canal de vente. Luc Romano, président de l’agence digitale Jetpulp, explique : “les objectifs stratégiques d’une enseigne sont d’augmenter sa visibilité pour gagner en notoriété, attirer du trafic, avoir un meilleur taux de transformation et fidéliser ses clients. Internet étant disponible 24h/24, le consommateur attend que les autres canaux le soient aussi : il veut tout, tout le temps, tout de suite. La pierre angulaire est l’unicité de traitement et d’expérience client quel que soit le point de contact. Le consommateur doit ressentir la proximité. C’est ce que nous avons mis en place pour Louis Pion, la branche horlogerie des Galeries Lafayette.”
La rupture vient du consommateur, relié à son réseau, ses communautés à travers son smartphone. Aussi l’entreprise doit instaurer une relation d’intimité et de confiance, interagir avec ses clients, mieux les comprendre en récupérant des données. Selon Jean-Philippe Cunniet, cofondateur de WhatsHome, qui fournit des études qualitatives consommateur à partir de données d’objets connectés au domicile de volontaires, “le consommateur veut être diverti, découvrir des choses, gagner du temps. Le temps est la nouvelle devise. Il veut être écouté, et accepte d’être observé si ses attentes sont comprises. L’entreprise doit connaître les causes de sa (non-)satisfaction off line et on line, et lever ses freins à l’achat. L’enseigne frileuse de porter le risque de l’innovation peut créer une start-up ou s’adresser à une start-up qui sera ravie de tester une nouvelle technologie dans un incubateur qu’elle aidera.”
« Aucune entreprise ne pourra survivre sans être présente sur les réseaux sociaux. »
Didier Tranchier, Business Angel IT Capital
L’entreprise doit alors avoir une organisation non par processus ou par canal mais orientée vers le client. Didier Tranchier, président de la Business Angel IT Capital, consultant et directeur des programmes de l’Executive MBA “Conduire l’innovation dans un monde numérique” de l’Institut Mines-Telecom, met en avant : “Cela nécessite une vraie révolution au sein des entreprises pour écouter et impliquer leurs clients dans la conception des services : toute attitude uniquement tournée vers les processus internes et sur la rentabilité serait vouée à l’échec. Le multicanal est une tentative désespérée des grandes entreprises de rattraper leur retard sur les start-ups. Il peut difficilement fonctionner car trop complexe et trop lent à mettre en œuvre par rapport aux entreprises du numérique. Toutefois, Ikea a su se transformer tout en gardant sa culture.”
Les quatre piliers de la stratégie omnicanal sont concrets : segmenter les audiences, créer de la valeur, gérer la conversation avec les internautes, impliquer l’ensemble des collaborateurs qui ont tous le droit à la parole, certains devenant des ambassadeurs digitaux de la marque. Julien Carlier, PDG de Social Dynamite, plateforme d’automatisation des messages sur les réseaux sociaux, précise : “Produire suffisamment de contenu, varié, non publicitaire, à valeur ajoutée et qui engage, demande des ressources, de bien appréhender les codes de la communication digitale, et de l’humilité.” Camille Blanc, consultante en transformation digitale chez Hardis, en traduit les conséquences :
“ – Mise à disposition d’informations en temps réel (données magasin, client, commandes, stocks, produits…) sur tous les canaux.
– Personnalisation de la relation client à toutes les étapes de l’interaction (avant, pendant et après l’acte d’achat), sans rupture.
– Fidélisation des clients : proposer une expérience unique, différenciante et globale.”
« Produire suffisamment de contenu, à valeur ajoutée et qui engage, demande des ressources et de l’humilité. »
Julien Carlier, Social Dynamite
Vers une relation client intime
La gestion de la relation client se transforme alors en une relation empathique, intime et immédiate. En théorie, les commerçants connaissent davantage et plus rapidement les préférences des consommateurs qu’ils suivent sur tous les canaux, les ciblent mieux. Ludovic Charbonnel, cofondateur de ServicesYou, plateforme de mise en relation avec des experts dans divers domaines en vidéo (lancement fin septembre 2015) soutient que “le client cherche l’interaction, en particulier sur les réseaux sociaux. Il faut avoir une vraie discussion, c’est-à-dire être présent, écouter, répondre ou résoudre le problème 24h/24, 7j/7, et sans dérouler un script prémâché, sinon l’image de marque en prend un coup. La formation des conseillers est primordiale pour un bon service client. L’expérience relationnelle est aussi importante que la réponse elle-même.”
Animer ses communautés
L’e-réputation se bâtit via l’ensemble de l’écosystème de la marque en sachant le mobiliser. La coopération et la communauté s’étendent à tout le réseau : service client, tous les employés, les partenaires, les clients. Rien n’est acquis. Les premiers de la classe sont des entreprises nées dans le numérique qui continuent à cultiver leur culture digitale, comme AirBnb ou Uber. Le gouvernement anglais a lancé l’initiative “Digital by default” et privilégie la conception de services mobiles avec les usagers. La proximité consiste à abandonner une part du support client classique pour une plus forte présence sur les réseaux sociaux et forums, moins chers et plus efficaces pour résoudre les problèmes.
Le consommateur veut attirer l’attention sociale. Les réseaux sociaux permettent d’écouter les conversations, connaître les habitudes et humeurs, de solliciter les avis, faire collaborer les internautes. “C’est une nouvelle forme de proximité et de connivence avec les clients, remarque M. Tranchier. La plupart des grands groupes ratent cette étape en centralisant des équipes en charge des réseaux sociaux et en appliquant des règles de communication trop strictes. Mais aucune entreprise ne pourra survivre sans être présente sur les réseaux sociaux. Chaque employé d’une entreprise doit être libre et encouragé à y représenter son entreprise.”
Des marques-médias développent leur propre média, en ayant une ligne éditoriale claire et en étant attentif à ne pas saturer leurs audiences, ciblées au préalable. Le marketing mobile et social est centré sur le client, l’interactivité et la viralité, en visant les influenceurs sur la Toile, suscitant le débat, encourageant le partage de vidéos, formant à ses produits par des tutoriels vidéo, montrant le “making of” des produits… La gestion des campagnes de marketing social passe par l’utilisation de plateformes de Social Media Marketing Software (SMMS) comme celles proposées par Social Dynamite, Falsonsocial ou Percolate.
Synthesio est une plateforme qui permet de se concentrer sur les conversations pertinentes sur les réseaux sociaux, de suivre et mesurer sa réputation en ligne. Tweet Binder analyse l’impact d’un mot ou d’un hashtag sur Twitter en luttant contre l’infobesité et le bruit. “Ces différents types d’applications ne sont pas connectés, un problème pour centraliser les données”, note Julien Carlier. Toutefois, si le marketing automation, qui compte plus de 6 000 prestataires, est garant de productivité pour les tâches génériques, mieux vaut éviter de l’utiliser à outrance et garder la relation et l’échange, ce qui nécessite des employés bien formés et spécialisés.
Avancer vite de façon synchronisée
“Il faut juste prendre le temps de ne pas faire de bêtise et foncer”, explique Florent Steiner, cofondateur du site de rencontres Adopteunmec.com. Les commerçants doivent être les premiers à adopter (early adopters) les nouvelles tendances pour gagner des parts de marché très vite, ou sinon, les suivre très rapidement (fast followers), comme préfèrent souvent de nombreuses grandes enseignes. Les ruptures sont risquées, il est recommandé d’avancer de façon agile et via des projets pilotes, faire évoluer progressivement ses services, mais de façon synchronisée sur les différents canaux.
Définir un scénario d’usage
La mise en œuvre est complexe, par manque de compétences et par peur de perdre l’existant. Il faut définir un scénario d’usage basé sur le multi-écrans, en définissant les types d’usage et les fonctionnalités de chaque appareil par profil cible. Ecoute, simplification, optimisation sont les maîtres mots, inspirés de l’interface intuitive, dépouillée de certains sites et apps mobiles. Chaque interaction doit produire un effet “waow”.
Les paniers moyens sur mobile augmentent. Rado Kotorov, directeur de l’innovation d’Information Builders, indique : “Pour inciter aux ventes additionnelles, certains proposent le panier unique pour faire ses achats auprès de plusieurs commerçants ou du shopping social”, fondé sur une relation interpersonnelle forte avec le client. Il faut contextualiser les offres et promotions grâce au smartphone, et aux beacons en magasins, capteurs qui envoient des signaux au smartphone du client en magasin, qui y recherche des informations, compare les prix…
Les apps doivent comporter des services adaptés aux usages en mobilité.
Sur tablette, l’internaute est plus disponible pour naviguer sur les sites e-commerce ; le taux de transformation s’améliore.
Les objets connectés sont là aujourd’hui d’abord pour faire le buzz, même si l’arrivée d’Apple a fait exploser le marché des objets connectés portables. Selon IDC, Apple a livré 3,6 millions d’Apple Watch au 2e trimestre 2015, derrière le leader Fitbit et ses 4,4 millions de bracelets connectés. Les ventes totales du trimestre se sont élevées à 18,1 millions d’objets, en hausse de 323 % par rapport aux 5,6 millions de dispositifs vendus au 2e trimestre 2014. Bracelets et montres sortent du lot mais la distribution n’y a pas encore trouvé la valeur ajoutée en termes de processus d’achat et un ROI suffisant pour s’en emparer.
Des projets pilotes testent les usages et promeuvent une image de marque innovante : en magasin, la cabine d’essayage connectée, le miroir tactile connecté (expérience lancée fin 2011 dans le magasin Morgan des Champs Elysées), la vitrine interactive… Les possibilités sont telles que les enseignes tâtonnent. Pour J.-P. Cunniet, les objets connectés qui vont marcher sont :
– les lunettes en réalité virtuelle pour visiter virtuellement un magasin ;
– les objets connectés permettant de s’auto-mesurer ;
– la cabine d’essayage qui scanne le corps en 3D permettant de suggérer telle taille pour tel vêtement ;
– Les beacons en magasin ;
– Le bouton pour obtenir l’assistance 24h/24 (lancé par Darty).
La donnée, or noir de la révolution numérique
“Pour adresser le bon message sur le bon canal au bon moment au consommateur, études marketing, Big Data, Smart Data avec classement par profil de consommateur et analyse prédictive sont le tiercé gagnant, déclare Camille Blanc. Mais peu d’entreprises en ont les capacités.”
Le Big Data doit subir une cure d’amaigrissement pour devenir Smart Data afin d’affiner et personnaliser le marketing. Filtrer le bruit, modéliser en fonction des besoins stratégiques, produire des indicateurs de visualisation simples sont nécessaires. L’analyse prédictive des données pertinentes à l’activité de la marque permet de dégager des préférences, des tendances par segment et d’anticiper des événements marquants dans la vie d’un consommateur.
La difficulté : croiser les données
L’obstacle majeur est de croiser les données quel que soit leur canal de provenance. L’idéal est de relier la personne physique au compte mobile. Avec un consommateur ultraconnecté et des magasins équipés des bons outils, les vendeurs peuvent individualiser la relation, connaître l’historique du client. Le client se sent reconnu, comme il l’est déjà en ligne. Ludovic Charbonnel analyse : “Mieux vaut choisir un outil multicanal pour récupérer les données structurées ou non. Et il est impératif que les services marketing et informatique de l’entreprise communiquent.”
Attention, si la confiance est trahie, la relation client vole en éclats.
La relation ne doit pas paraître intrusive. Or les modèles sont aujourd’hui expérimentaux, pas nets, entraînant le rejet par certains de l’utilisation des données personnelles. Pas d’intimité sans obligation éthique de transparence ! Pour M. Cunniet, “face au sentiment de flicage, il faut indiquer la finalité de chaque récolte de données et apporter en face un service (géolocaliser pour guider le consommateur), et simplifier les conditions générales en utilisant des icônes.”
Les entreprises ont à se focaliser sur les usages pour réinventer leur business model. Le modèle commercial dominant est en train de changer ; la facturation par abonnement ou à l’usage, la location d’équipement ont le vent en poupe. Quand les abonnements illimités font fureur et fidélisent, pourquoi ne pas en envisager un pour les vêtements ?
Les générations Y et Z se fichent d’être propriétaires. Les entreprises doivent les intégrer dans leurs équipes, donc changer de modèle d’organisation RH. La révolution numérique est partie pour durer longtemps.