Les mécanismes du droit d’auteur sont souvent méconnus des entreprises. Garance Mathias, avocat à la Cour, fait le point.
L’auteur dispose du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelle que forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Dès lors, tout acte de reproduction ou de représentation de l’œuvre n’ayant pas reçu une autorisation écrite de l’auteur peut être qualifié de violation du droit d’auteur, c’est-à-dire de contrefaçon.
De nombreuses créations sont réalisées dans le cadre des entreprises par leurs salariés. En principe, le droit d’auteur ignore la condition salariale et protège l’auteur qui ne peut être qu’une personne physique. Autrement dit, le salaire ne rémunère pas la création mais la force de travail.
Un régime spécifique pour le logiciel
Le législateur considère les logiciels comme des œuvres, sous réserve qu’ils soient considérés comme originaux. Dès lors, le droit d’auteur leur est applicable mais un régime spécifique a été prévu. Depuis la loi du 3 juillet 1985 modifiée par la loi du 10 mai 1994, les logiciels font en effet l’objet de dispositions légales relatives à leur protection et à leur propriété.
L’article L 113-9 du code de la propriété intellectuelle dispose ainsi que «Sauf dispositions statutaires en stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer.» A noter que ces dispositions s’appliquent également aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif.
Créer le logiciel dans l’exercice des fonctions
Cette dévolution des droits au profit de l’employeur s’effectue à condition que le salarié ait créé le logiciel dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur. Il est donc nécessaire d’inclure dans les contrats de travail une clause portant sur la mission inventive du salarié, mission inventive qui doit correspondre à des fonctions effectives. Par ailleurs, lorsque la création d’un logiciel, d’une application ou de développements spécifiques ne fait pas partie intégrante des missions prévues au contrat du salarié, il est fortement conseillé d’adresser des instructions écrites à ce dernier.
La protection du droit d’auteur portera sur ce qui est matérialisé, c’est-à-dire le code source, le code objet, l’architecture du programme et le matériel de conception préparatoire (notamment les maquettes ou les prototypes). En revanche, le droit d’auteur ne portera pas sur les principes à la base du logiciel car en droit de la propriété intellectuelle, les idées ne sont pas protégeables et il en va de même pour les algorithmes.
Le droit moral du salarié
Le législateur a également aménagé le droit moral du salarié qui diffère des dispositions traditionnelles. En vertu de l’article L. 121-7 du code de la propriété intellectuelle, le salarié ne peut en effet s’opposer à la modification du logiciel excepté en cas d’atteinte à son honneur ou à sa réputation. Il ne lui est pas non plus possible d’exercer son droit de repentir ou de retrait. Il conserve en revanche son droit à la paternité, c’est-à-dire à être cité comme auteur du logiciel (même en cas de cession des droits à un tiers par l’employeur).
En dernier lieu, il convient de garder à l’esprit que cette dévolution automatique ne concerne que les logiciels créés par des salariés et non ceux développés par des consultants, des prestataires ou encore des stagiaires.
Jurisprudence
Que disent les tribunaux ?
Les tribunaux ont déjà rappelé que le créateur du logiciel devait avoir la qualité d’employé au moment de la création afin que les droits de propriété soient dévolus à l’employeur. Ainsi, le créateur salarié qui «réfléchit» au logiciel avant d’être embauché et développe effectivement le logiciel après sa prise de poste ne serait pas propriétaire du logiciel selon la jurisprudence. A contrario, à titre d’illustration, si des personnes créent une société autour d’un logiciel déjà développé par l’une d’entre elles, salariée par la suite, les tribunaux ne jugeront pas forcément que l’employeur – la nouvelle société – est propriétaire du logiciel. C’est pourquoi nous vous recommandons de formaliser une cession du créateur au profit de la nouvelle société.