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Grands Groupes et Startups – Les secrets d’une collaboration réussie !

Finie la phase d’approche et d’observation, startups et grands groupes se sont apprivoisés et s’engagent dans une phase de collaboration active, souvent via la création par les grands groupes d’accélérateurs, d’incubateurs et autres labs. Bâtir ensemble une collaboration gagnant-gagnant en est l’objectif, même si certains aspects de cette relation restent encore perfectibles.

« Il y a quatre ans, les grands groupes menaient des “learning expéditions” au Village afin de “toucher du doigt” une startup et de comprendre son fonctionnement, raconte Fabrice Marsella, maire du Village by CA Paris. La relation a par la suite évolué au moment où les grands groupes ont décidé de prendre quelques risques en montant des “Proof Of Concept” avec les startups. L’étape suivante va être de réussir le passage du POC à l’industrialisation. Les startups devront alors démontrer leur capacité à produire leurs applications à grande échelle de façon fiable et les grands groupes tirer parti des enseignements des POC pour gagner en agilité ».
Le Village by CA, qui reprend le concept “coopérer pour innover” tout en valorisant les atouts de chaque territoire, essaime dans toute la France depuis juin 2014, porté par les caisses régionales du Crédit Agricole en partenariat avec des entreprises et des acteurs locaux de l’innovation. Dynamiser l’économie des régions par un soutien local à l’innovation est son leitmotiv. Aujourd’hui, les vingt-quatre Villages forment un vaste réseau national dans lequel startups et grandes entreprises se rencontrent et entrent en relation d’affaires. Plus de quatre cents startups y sont hébergées et collaborent avec plus de trois cents entreprises partenaires, qui les accompagnent dans leur développement technique et commercial.

Fabrice Marsella, maire du Village by CA Paris

Des coopérations fructueuses et mutuellement bénéfiques ont déjà vu le jour. Par exemple, celle de Capgemini et de la startup Velco, qui participent à la modernisation des villes françaises avec l’installation de vélos connectés chez les clients de Capgemini. Ou encore celle de Sanofi et de Kap Code, qui réinventent la relation des malades avec les laboratoires pharmaceutiques depuis plus de trois ans. Autre exemple de collaboration : le Crédit Agricole Aquitaine et Jooxter, qui rendent les espaces de travail de la banque coopérative plus intelligents (lire encadré). Ces duos ont été primés lors des “Village Awards” à Paris fin juin. Le Crédit Agricole a par ailleurs créé début 2017 deux fonds de capital innovation destinés à accompagner les startups, dont l’un investit exclusivement dans des jeunes pousses innovantes de la bancassurance.

C’est au Village by CA Paris que OUI.sncf, qui réalise déjà du “business” avec des startups depuis longtemps, a présenté début juillet la cinquième promotion de son accélérateur OUI Link. Pour la première fois, le voyagiste a choisi sa sélection de trois startups en fonction de ses propres enjeux : mobilité de demain, compagnon de voyage, outils au service de l’efficacité technologique et organisation digitale de demain.

Le même jour, OUI.sncf a annoncé au Village le lancement d’un programme d’intraprenariat ouvert à l’ensemble de ses collaborateurs. Les porteurs des deux projets retenus pour la première session – un outil de blockchain interne pour valoriser l’engagement des collaborateurs et une application ludique de suggestion de voyage – vont être accompagnés dans leur première phase d’incubation par le Village by CA en partenariat avec la société Fly The Nest, afin d’affiner la proposition de valeur et de définir le modèle économique. Ils rejoindront ensuite Oui Link.

Les jeunes pousses “challengent” les grands groupes

Depuis sa création en octobre 2016, OUI Link a déjà mené à bien l’accompagnement de douze startups. « Nous les sélectionnons selon leur niveau d’adéquation entre nos valeurs réciproques, leur potentiel et leur proposition de valeur différenciante par rapport au marché », affirme Benoît Bouffart, directeur Produits et Innovation chez OUI.sncf. Les échanges s’avèrent très stimulants. « Elles nous challengent sur notre mode de fonctionnement et participent à dynamiser nos équipes. D’un point de vue RH, ça nous permet de déceler les salariés ayant des appétences au numérique », déclare-t-il.

L’équipe d’Allo-Media

Aujourd’hui, une demi-douzaine de startups voient leurs solutions testées ou déployées par OUI.sncf (lire l’encadré Allo-Media) ou par la SNCF. Fonds d’investissement lancé en 2015, SNCF Digital Ventures a, lui, pour mission d’identifier des axes d’innovations pertinents pour le groupe SNCF et d’investir de façon minoritaire à hauteur de 15 % au moins dans les startups qui les portent.

Keyrus, qui à l’image de OUI.sncf travaille naturellement depuis des années avec des startups, a créé en 2014 son propre incubateur/accélérateur, Keyrus Innovation Factory (KIF) sur l’axe France/Israël, afin d’apporter cette source d’innovation et d’inspiration à ses clients.

Eric Cohen, KIF

« Aujourd’hui, tous les groupes veulent accélérer sur l’innovation mais le paysage des startups est vaste et complexe, estime Eric Cohen, son président. Ils ont donc besoin d’être informés et guidés pour accélérer leurs démarches et recherches. KIF se positionne comme le pont entre les “corporate” et les startups, et aide concrètement ces dernières dans leur “go to market”».

Le groupe a déjà accéléré une centaine de startups, comme Botfuel avec laquelle il a engagé une collaboration rapprochée après avoir analysé les pépites hexagonales expertes dans les chatbots. « Plusieurs projets ont déjà commencé avec succès au sein de grands groupes et d’ETI, indique Eric Cohen. Le modèle est le suivant : nous démarrons sur une phase de POC assez rapide, puis le client convaincu passe au déploiement au sein de son système d’information. Aujourd’hui deux clients sont en production et le potentiel reste considérable. Nous envisageons aussi d’utiliser la technologie de Botfuel en marque blanche dans le cadre du développement de nos solutions métier ». Via son fonds “corporate”, Keyrus a d’autre part réalisé vingt investissements minoritaires dans des startups en “early stage” entre Israël et la France. « Des aspects restent à améliorer pour fluidifier les relations et créer davantage de valeur rapidement, concède Eric Cohen. Comme, idéalement, la mise en face de la startup d’un interlocuteur issu de cet écosystème : il comprendra plus vite ses enjeux et l’aidera à se mouvoir dans l’organisation parfois complexe d’un grand groupe. Il l’épaulera sur le plan administratif pour obtenir la commande, pouvoir facturer et être payé dans des délais raisonnables et sera le garant de la bonne relation transparente et constructive entre les parties ».

Gagner en agilité

Engagé dans une démarche d’“open innovation” depuis trois mois, le groupe Klépierre, propriétaire et opérateur de plus d’une centaine de centres commerciaux en Europe, a fait le choix de ne pas créer son propre accélérateur mais de s’associer avec Microsoft. « Nous avons voulu que l’innovation soit l’affaire de tous dans le groupe et que chacun puisse se l’approprier, » explique Elise Masurel, directrice marketing groupe.

C’est avec ses partenaires que Klépierre s’emploie à sourcer les startups qui répondent à trois enjeux majeurs de son activité (“réenchanter le parcours client”, “drive to store”, “data et RSE”) notamment dans le cadre de “pitch contest” comme celui organisé lors du dernier salon Vivatech. Récompense pour les lauréats de la compétition, la somme de 10 000 euros, l’accès privilégié aux incubateurs partenaires de Microsoft, des tests pilotes dans les centres commerciaux Klépierre et des rencontres personnalisées avec les grandes enseignes partenaires du groupe.

« Collaborer avec les startups est la meilleure façon de gagner en agilité, de tirer parti de l’innovation et de ne pas passer à côté des idées qui feront le commerce de demain », assure Elise Masurel. Chaque startup sélectionnée est accompagnée par un ambassadeur de Klépierre sur la thématique concernée pour monter un pilote de trois à six mois dans un ou plusieurs centres commerciaux. Au final, sur les quarante startups du monde entier avec lesquelles Klépierre travaille chaque année, 30 % voient leur solution industrialisée, comme celle de la startup lilloise Mapwize (lire encadré).

« La dimension souvent nationale des solutions proposées peut s’avérer un frein pour un groupe européen comme le nôtre, estime Elise Masurel. Mais c’est là que la coopération est intéressante : notre plateforme paneuropéenne fait de nous des facilitateurs de déploiement pour les startups à l’international. »

Dans une démarche d’innovation collaborative, Thales travaille depuis un certain nombre d’années avec une trentaine de startups, soit au sein du groupe, soit via sa “Digital Factory” lancée en juin 2017 pour accélérer sa transformation et celle de ses clients. C’est à travers ce centre d’excellence des technologies numériques que le groupe a été sélectionné par Station F pour piloter son programme de cybersécurité. La première promotion de l’accélérateur a démarré en octobre dernier pour six mois avec neuf startups internationales dont quatre françaises, complémentaires entre elles et apportant de la valeur ajoutée à l’offre cybersécurité du groupe.

« Nous avons choisi les startups en fonction de leur maturité en leur demandant d’avoir déjà un produit et éventuellement des brevets et selon la complémentarité qu’il apporte à notre offre, précise Jean-Yves Plu, vice-président Digital Eco-System chez Thales. La démarche d’open innovation consiste à construire avec elles des applications de leurs technologies différenciantes pour nos marchés et qu’elles n’avaient pas imaginées, ou à hybrider leurs technologies entre elles en les combinant parfois avec les nôtres pour en sortir des solutions innovantes » (lire le Partage d’expérience THALES).

En parallèle, Thales soutient des projets de collaborateurs à la Digital Factory (deux actuellement). « Pour être un succès, la collaboration avec des startups doit être gagnant-gagnant et apporter de la valeur à chacun, estime Jean-Yves Plu. On doit aussi parvenir à faire travailler tous les salariés du groupe à bon escient avec les startups ».

Réinventer les modes de travail

La Banque de France inaugurait pour sa part en mai dernier les 350 mètres carrés de nouveaux locaux de son Lab, créé un an auparavant.

Les nouveaux locaux du Lab de La Banque de France

Cet espace de rencontre ouvert et de travail collaboratif associe l’institution à différents porteurs de projets innovants tels que des startups, fintechs, acteurs institutionnels, grandes écoles et universités. « Ce laboratoire, qui concrétise notre démarche d’innovation, doit nous permettre d’apprendre à travailler avec des acteurs innovants afin de préparer l’évolution de nos activités dans un monde digital, affirme Thierry Bedoin, CDO de la Banque de France. La démarche, très pragmatique, consiste à expérimenter des idées nouvelles suivant deux voies. Soit en mettant en compétition des startups et des acteurs innovants sur des sujets bien déterminés selon nos besoins métier spécifiques, soit en lançant des appels à projets très ouverts lors desquels les startups présentent leurs idées. Si elle répondent à un besoin métier et si le “matching” se fait bien, on rentre dans une phase de POC ».

Aujourd’hui, la Banque de France a identifié une vingtaine de cas d’usages, dont cinq sont en cours d’industrialisation (lire encadré), dix en expérimentation et cinq en phase d’analyse et de cadrage. Apprendre à travailler avec les startups représente aussi pour la Banque de France un changement de culture. « Elles ont des rythmes beaucoup plus courts et un besoin de gouvernance et de procédures légères », souligne Thierry Bedoin. L’institution mène d’ailleurs des actions d’acculturation dans ses métiers, via notamment une école du digital ouverte en novembre 2017, afin de mettre ses salariés en situation dans les nouveaux modes de travail agiles et collaboratifs.

Jean-Marc Hui Bon Hoa, Oracle

Oracle qui lançait la première promotion à Paris de son Start Up Cloud Accelerator en juillet 2017 (voir Solutions Numériques n° 17) dresse aujourd’hui le premier bilan de l’offre de “Cloud” gratuit qu’il propose aux startups dans le cadre de cet accélérateur. « En partie grâce à notre expérience avec les startups qui demandent davantage de rapidité, nous avons accéléré notre processus de fourniture de Cloud, confie Jean-Marc Hui Bon Hoa, directeur du programme. Le délai de mise à disposition entre la prise de commande et la mise à disposition est ainsi passé de plusieurs semaines à 48 heures ». Pari réussi pour l’éditeur qui misait sur les jeunes pousses innovantes pour l’aider à faire bouger les lignes en interne. « Nous sommes par ailleurs gagnants si les startups parviennent à grandir grâce à notre accélérateur et qu’elle utilisent nos produits » affirme-t-il.

Oracle crée également des propositions de valeur conjointe avec les startups accélérées en intégrant leurs solutions dans ses produits. A l’image de la technologie de Dial Once, que l’éditeur a incorporée dans son offre de gestion de service client et qui permet de rediriger les appels téléphoniques vers une interface visuelle en lieu et place du serveur vocal interactif. « Pour l’utilisateur, c’est plus rapide, plus ergonomique et on peut proposer davantage de choix d’arborescences, explique Charles Dunston, fondateur et CEO de la jeune pousse créée en 2015, qui a décidé de basculer sa solution sur le Cloud Oracle. Plus d’une vingtaine de projets sont en cours avec Oracle au niveau mondial visant à adresser leurs clients ensemble », affirme-t-il.

Prevent2Care Lab: un programme d’accélération dans le domaine de la santé

La prévention santé, un axe d’innovation stratégique

Mettre l’innovation au service de la santé se révèle aujourd’hui on ne peut plus stratégique pour les acteurs de la filière. Pour cette raison, la Fondation d’entreprise Ramsay Générale de Santé, initialement mobilisée autour du don de sang de cordon ombilical, s’est engagée voilà presque deux ans dans une démarche de prévention santé. Parmi les actions dans ce sens : un observatoire du stress, des campagnes de sensibilisation sur les réseaux sociaux et la création à Paris, en partenariat avec l’accélérateur mondial de startups “green” et sociales Incoplex d’Inco, d’un programme d’accélération, Prevent2Care Lab.

La promotion de Prevent2Care Lab

Inco a lancé un appel à projets dans la prévention santé en fin d’année dernière et une centaine de startups y a répondu. Treize d’entre elles ont été sélectionnées et sont incubées chez Incoplex jusqu’à fin décembre. « En plus d’un accompagnement pour leur première levée de fonds, les startups bénéficient d’un suivi stratégique individuel, de mentorat et de formations personnalisées en marketing et juridique, tandis que nous leur apportons l’expertise métier pour leur permettre d’adapter leurs solutions aux problématiques spécifiques du secteur de la santé, explique Sylvie Arzelier, secrétaire générale de la Fondation.

Sylvie Arzelier, Fondation Ramsay Générale de Santé

La réglementation du secteur de la santé est extrêmement complexe et bien souvent les startups sont un peu pénalisées par leur déconnexion de l’écosystème des professionnels de santé et des patients, poursuit-elle. La Fondation leur offre la possibilité de tester leurs outils au sein des établissements hospitaliers du groupe Ramsay Générale de Santé ». AiVision qui a conçu une solution innovante d’aide au diagnostic à distance en téléophtalmologie, basée sur des algorithmes d’intelligence artificielle, est l’une de ces startups.

La science des données à l’appui

Grâce à la science des données issue de l’apprentissage de centaine de milliers de clichés de fonds d’œil, elle permet aux ophtalmologistes d’accélérer leur diagnostic et de prévenir les maladies de l’œil et pertes de vue. Une fois l’incubation terminée, le groupe Ramsay Générale de Santé, qui possède cent-vingt cliniques et hôpitaux, pourrait entamer une relation commerciale avec certaines startups, la Fondation étant pour sa part un organisme à but non lucratif.

 


60 % des grands groupes
capables de mesurer le ROI des collaborations

Le deuxième Baromètre de la création de valeur entre startups et grands groupes*, réalisé par le Village by CA et Bluenove, montre une nette amélioration des relations, une confiance et une bienveillance réciproques. La rapidité est le seul critère qui n’a pas évolué favorablement cette année, qu’il s’agisse du processus entre la prise de contact et la prise de décision, des délais d’exécution ou de ceux de paiement. Ainsi, 70 % des grands groupes et 75 % des startups trouvent les délais d’exécution lents ou très lents. Le Baromètre 2018 identifie également des indicateurs de création de valeur et révèle que 60 % des grands groupes estiment mesurer le ROI de leurs collaborations contre 51 % des startups.

* Panel de 154 startups et 83 grands groupes

 

> Top 5 des indicateurs de mesure du ROI chez les grands groupes

  • – Nouveaux usages et expériences utilisateur
  • – Gain en termes d’image
  • – Accélération du projet
  • – Nouveaux clients
  • – Optimisation des coûts

> Top 3 des indicateurs de mesure du ROI chez les startups

  • – Augmentation du CA
  • – Nombre de références
  • – Plus de visibilité sur leur feuille de route