Le salon Documation, dont la 23e édition s’est tenue fin mars à la Porte de Versailles à Paris, s’est articulé autour des 4 thématiques dématérialiser, protéger, partager et valoriser l’information et les données. Outre l’intérêt de l’exposition, la qualité des conférences a permis de dégager quelques grandes tendances pour l’année à venir.
Pendant 2 jours, Documation a livré une approche globale et prospective des évolutions de la dématérialisation documentaire et de la gouvernance de l’information. Dirigeants et directions métiers, la majorité des 4 755 visiteurs de la manifestation, étaient venus appréhender ces évolutions, s’y préparer et choisir comment les intégrer ou les faire évoluer dans leur organisation. Pas moins de 138 exposants leur ont présenté des solutions étayées de cas pratiques, tandis que 112 conférences attiraient 4 211 auditeurs. Un bilan positif, estime Reed exposition, l’organisateur du salon. Depuis 1994, date de la première édition de Documation, ce rendez-vous professionnel ne cesse de prendre de l’ampleur. On y vient avant tout pour faire du business, rencontrer les éditeurs spécialistes de la GED, du BPO, de la signature électronique et de l’archivage, les fabricants de scanners et les prestataires de services. On y effectue aussi une indispensable veille technologique et juridique. Il s’agissait notamment cette année d’apprendre à se mettre en conformité avec le nouveau règlement européen (GDPR) pour les données personnelles, mettre en place un digital workplace (poste de travail 100 % numérique dans un environnement repensé et réaménagé), garantir la confiance à l’heure de la dématérialisation et des services numériques, ou encore, comprendre comment la transformation numérique de l’État crée un appel d’air salutaire pour toute l’économie.
Documation est également réputé pour ses conférences et tables-rondes, qui déroulent régulièrement les tendances de fond indispensables à l’orientation des organisations dans leur mutation numérique. Si la dématérialisation fiscale, la transformation des RH, l’automatisation du purchase to pay sont quelques exemples de projets socles maîtrisés et qui font recette, les entreprises marquent le pas.
Les 4 piliers de la gouvernance documentaire
La plupart sont encore à l’amorce de leur transformation, et les multiples modes d’emploi qu’on leur fournit ne sont souvent efficaces que par métier sinon par silo. Ce qui est déjà une grande avancée, mais il leur manque la vision d’un SI totalement virtualisé, un projet global nécessitant l’engagement de toutes leurs ressources. La réponse partielle des organisateurs de Documation à cette préoccupation a été de tenir compte d’une enquête de satisfaction lancée à l’issue de la précédente édition du salon auprès des visiteurs. Celle-ci leur a permis d’articuler leur cycle de conférences autour de 4 piliers de la gouvernance documentaire. En premier lieu la dématérialisation et sa chaîne de traitement complète, de la capture à l’archivage en passant par l’enrichissement des applications métiers. Ensuite la protection des documents et des données, et son cortège de normes, de recommandations et de mises en œuvre (archivage électronique, données personnelles, lutte contre la fraude documentaire). Autre pilier, le partage de l’information, la collaboration et la nouvelle organisation du poste de travail en entreprise, caractérisés aujourd’hui par la mobilité et le cloud. Enfin, la valorisation, qui fournit un précieux retour sur investissement en optimisant le patrimoine informationnel de l’entreprise à travers la gestion de la connaissance, la business intelligence et le big data. Une centaine d’ateliers pratiques, exercices prisés par les visiteurs et faisant du salon une passerelle concrète entre la transformation des modèles par secteurs d’entreprise et son application pragmatique dans des projets associés, ont illustré ces approches.
Depuis que l’on fait du code, on fait de l’IA
Devenu au fil du temps une balise des avancées de la démat, Documation, comme beaucoup d’autres salons thématiques, se rapproche de l’alignement des planètes big data et intelligence artificielle. L’enjeu est désormais de savoir comment la gouvernance de l’information peut se servir à grande échelle de l’IA, comment la gestion des documents et données peut s’affranchir d’une intervention humaine, bref, comment la Business Intelligence peut-elle se faire artificielle. Mais pour beaucoup de spécialistes, l’IA est encore aujourd’hui à démystifier. « Derrière l’intelligence artificielle, il y a des algorithmes et donc du code. Et, depuis que l’on fait du code, on fait de l’intelligence artificielle. Les algorithmes étaient avant déterministes, ils sont aujourd’hui heuristiques, c’est-à-dire basés sur la science probabiliste des mathématiques qui nécessitent un apprentissage. C’est pour cette raison qu’il y a en ce moment dans le débat public une espèce de crainte de machines douées de conscience alors qu’elles ne reposent en réalité que sur des lignes de code. Cette intelligence artificielle se développe parce qu’il y a une profusion de données. Alors que la machine ne sait pas ce qu’est le sens, elle cherche dans les énormes masses de données des modèles, c’est comme ça qu’elle apprend », rappelait Julien Breitfeld, data marketing architect chez Fabernovel, lors de la conférence inaugurale de Documation.
L’homme n’est plus à la mode
Sans les données, les algorithmes sont donc muets. C’est plutôt une bonne nouvelle pour les éditeurs de système d’ECM dont les solutions ont intégré déjà depuis quelques années le big data et son cortège de données structurées ou non et présentées dans de multiples formats. Enrichie par la dimension collaborative, la gestion de contenu trouve de nouveaux leviers pour convaincre les entreprises. « On est entré dans la guerre des talents, des savoirs et des données et donc la guerre de l’influence. C’est à première vue anxiogène, mais une société qui donne sa place au savoir et aux données envoie les signes qu’une étape importante est sur le point d’être franchie. Dans le phrasé de nos politiques en France et en Europe, on perçoit aujourd’hui une réappropriation de la donnée collective et de la donnée individuelle » soulignait Geneviève Boucher, futurologue spécialisée dans le management de l’innovation et les stratégies à long terme, lors de cette même conférence inaugurale de Documation. Autre intervenant, Denis Jacquet, PDG d’Edufactory et co-fondateur de l’observatoire de l’ubérisation, avait pour sa part une lecture plus sombre des changements à l’œuvre. « L’homme n’est plus à la mode. Avec l’avènement du numérique, de l’automatisation, de la robotisation, l’obsession de l’économie globale n’est pas de préserver le travail humain. Nous sommes de moins en moins utiles, les dernières réserves de productivité consistent à éliminer notre travail. En même temps, le digital a transformé l’homme en données, qui se confient avec une facilité déconcertante aux géants du numérique. Une révolution, certainement violente, permettra peut-être de s’opposer à ces deux dérives et de rebâtir les fondamentaux. Un point positif réside cependant chez les jeunes entrepreneurs. Ils constituent la première génération de la défiance. Ils ont une conscience du sens que nous n’avions pas à leur âge, et estiment avoir les moyens de reconstruire un avenir plus optimiste ». Le salut dans la sagesse de la jeunesse ? « Ce mécanisme s’appelle l’alternance entre la vicariance et la simplexité. Ces entrepreneurs fabriquent de la vicariance, et lorsque ce qu’ils ont fabriqué est adopté, le mécanisme de simplexité s’opère dans la société : on apure la complexité des principes qui portaient une forme de prospérité qui n’est plus, car la mutation se fait par le changement de mécanisme de prospérité. La production de biens et de services par les individus, qui était jusqu’à présent notre mécanisme de prospérité, est tout simplement en train de changer », ajoutait Geneviève Boucher.
Data Intelligence Awards :
3 startups primées
Au cœur du salon Documation, les trophées du Data Intelligence Forum sont destinés à récompenser les logiciels, initiatives, processus, services ou solutions relatifs au domaine de la Data Intelligence, secteur dont les évolutions impactent l’ensemble des technologies de l’information et de la connaissance. L’édition 2017 de ces trophées a récompensé trois sociétés. La première, DC Brain, s’est distinguée dans la catégorie Datavisualisation avec une solution d’intelligence artificielle dédiée aux problématiques d’exploitation des réseaux et flux physiques, sorte de Waze des réseaux d’énergie dédié aux datacenters. Deuxième lauréat, AR-P (Advanced Research Partners) a imposé sa solution Deus-ex-Machina dans la catégorie Data Science. Il s’agit d’une offre d’intelligence économique qui interprète les évolutions temporelles des réseaux sociaux et compile des données financières ou technologiques. Enfin, avec sa plateforme de chaînes de traitement massives dédiée aux professionnels de la donnée industrielle, Scalian a remporté le prix de la catégorie Analyse Prédictive.