Accueil Faire évoluer son système d’archivage dans les règles 

Faire évoluer son système d’archivage dans les règles 

À l’heure de la transformation numérique, le passage à l’archivage électronique devient un enjeu majeur. Alors que beaucoup d’entreprises se contentent encore de stocker leurs données, la mise en place d’un système d’archivage électronique (SAE) impose une méthodologie dans un cadre normatif.

On archive aujourd’hui pour les mêmes raisons qu’hier : se plier aux contraintes légales et préserver le patrimoine informationnel de l’entreprise. Dans le monde du numérique comme dans le monde du papier, on cherche aussi à rationaliser et optimiser la conservation des documents. L’archivage devient alors une stratégie d’urbanisation qui vise à diminuer les coûts de stockage au moment où le volume des données à traiter ne cesse d’augmenter. Pourtant, encore trop peu d’organisations peuvent se prévaloir de posséder un système d’archivage électronique. Les études le confirment, les grandes entreprises sont les plus avancées sur ce point. Elles sont suivies par les administrations, supportées par un État français de plus en plus impliqué, mais du côté des PME c’est le grand vide. « L’archivage numérique est aujourd’hui au même point que l’archivage physique au moment où il a fallu décider de prendre les cartons et de gérer ce qu’il y avait à l’intérieur. Les entreprises ont dû organiser cet archivage physique, souvent en le confiant à un tiers pour des raisons d’expertise et de sécurité. Pour l’archivage électronique, c’est pareil, on en est à un moment où les documents sont éparpillés partout dans l’entreprise sans qu’on se préoccupe des durées de conservation et des problématiques légales. Mais les entreprises prennent désormais conscience des enjeux de cet archivage, notamment depuis l’évolution de la législation et la percée de la facture électronique. Nous n’en sommes qu’au début », estime Clément Lefébure, responsable développement numérique et partenariats chez Novarchive. La mise en place de la plateforme Chorus Pro a certainement fait l’effet d’un levier, mais pas autant que la norme NF Z 42-026 qui a officialisé l’opposabilité de la copie numérique en cas de litige et convaincu les entreprises d’abandonner le papier. Que l’entreprise décide de s’emparer de la gestion de ses archives ou bien de l’externaliser, des similitudes organisationnelles existent entre l’archivage physique et électronique : un expert analyse et audite le fond documentaire avant de distinguer les documents à conserver dans le cadre légal et ceux dont on peut se séparer en fonction de l’espace temporel des archives courantes, intermédiaires et définitives.

Plan de classement et référentiel de conservation

« Il y a deux grandes façons d’appréhender l’archivage. Soit on laisse s’accumuler les papiers et fichiers au gré des processus de travail, jusqu’à avoir un gros tas auquel on donne le nom d’archives, puis, quand on a le temps ou qu’on y est obligé par une contrainte extérieure, on se préoccupe d’en faire le tri. Soit, au fur et à mesure que l’on s’engage par écrit (ou par mail), que l’on diffuse une idée ou une opinion, que l’on fait un constat, etc. on se pose la question de la portée de cette information, pour soi et pour son entreprise, avant de décider de l’archiver ou non. C’est donc bien avant d’archiver qu’il faut se poser la question de la valeur des documents, de leur portée, du risque associé, de l’intérêt à les réutiliser un jour, et non après », souligne Marie-Anne Chabin, consultante en archivage managérial. Ces réflexions menées en amont ne tiennent pas seulement du bon sens, elles ébauchent aussi la création d’éléments indispensables à la bonne marche d’un projet d’archivage. Le plan de classement par exemple, notion d’organisation à la fois du contenu et du contenant, sert à structurer de manière logique l’ensemble des documents afin de mieux les gérer mais également à optimiser la recherche d’information dans un fond documentaire. Ou encore le référentiel de conservation, qui indique les durées de conservation à respecter pour les documents engageants ou essentiels à l’entreprise.

Le poids normatif

Déterminer ce qu’il faut archiver fournit une visibilité des enjeux juridiques liés aux documents pour s’orienter vers l’adoption ou non de la norme NF Z-42 013 qui caractérise les SAE à vocation probatoire. Cette norme, qui garantit la sécurité, l’intégrité et la pérennité des archives n’est pas incontournable, mais elle conforte l’entreprise dans le respect de ses obligations. Aux yeux d’un juge en effet, une entreprise qui conserve ses factures ou ses contrats dans un environnement SharePoint, par exemple, risque en cas de litige de ne pas avoir la même crédibilité qu’une entreprise qui archive conformément à la norme NF Z-42 013. Bien que le volet normatif soit important pour qualifier l’archivage à vocation probatoire, le SAE n’en reste pas moins une association de processus, de technologies et de ressources humaines. « Une entreprise qui souhaite se conformer à la norme NF Z-42 013 doit d’abord avoir une démarche technique et qualité. Il s’agit de déterminer si l’environnement technique et les systèmes en place constituent une infrastructure pouvant accueillir un SAE, et en même temps avoir une gestion fine des processus et pouvoir compter sur des collaborateurs concentrés sur le sujet de l’archivage et au courant des bonnes pratiques », résume Clément Lefébure.

Choisir l’externalisation de l’archivage

À l’instar de la plupart des projets, cette analyse englobe une étude de faisabilité dont les volets financier et technique sont les principaux curseurs. L’archivage pérenne des données implique des coûts d’exploitation mais aussi des investissements réguliers toute la durée de leur conservation. « La mise en place d’un SAE nécessite de l’investissement dans le temps. A la différence d’un logiciel qu’une entreprise acquiert une fois pour toutes, un système d’archivage à vocation probatoire évolue dans le temps en fonction de la législation, il faut alors entretenir les compétences pour s’assurer que le système acheté à un instant T soit en capacité de suivre les évolutions sans impacter l’intégrité du fond documentaire », indique Vincent Jamin, directeur division dématérialisation services de confiance chez Docapost.

« La mise en place d’un SAE nécessite de l’investissement dans le temps. Elle doit suivre les évolutions. » Vincent Jamin, Docapost

Lorsqu’une organisation ne possède ni l’infrastructures ni l’expertise et ni les ressources, la question de l’externalisation se pose très tôt. « Faute de savoir-faire, l’externalisation s’envisage bien avant la rédaction du cahier des charges. Mais on peut acquérir l’expertise si le volume d’archivage est conséquent, si cet archivage est dans le chemin critique de l’entreprise, dans son core business. Les banques par exemple confient rarement l’archivage à un tiers, notamment en raison de la confidentialité des données. Derrière le choix de l’externalisation il y a des coûts : faire ou faire faire, qu’est-ce qui coûte le moins cher ? Avec le développement des modèles SaaS, on constate que les grandes entreprises se contentent de réaliser des tests avec des API non stratégiques alors que les petites entreprises externalisent leur archivage », souligne Dominique Lhopital, directeur général d’Arcsys Software.

La politique d’archivage essentielle au projet

Comme pour tout autre progiciel, l’externalisation d’un SAE est une option souple et rapide, mais se montre beaucoup plus onéreuse à mesure que le temps passe. Le passage d’un environnement de simple stockage à un SAE repose sur une méthodologie générale. Ainsi faut-il d’abord s’appuyer sur une politique d’archivage validée et soutenue au plus haut niveau de l’entreprise, la solution retenue devant pour sa part répondre aux contraintes métier et techniques de cette politique. « Une politique d’archivage définit quels documents doivent faire l’objet d’un archivage, combien de temps les conserver, sous quel format, quelle périodicité de vérification de leur intégrité et de leur authenticité, comment sont historisés tous ces traitements de telle manière à garantir dans le temps la lisibilité du patrimoine informationnel de l’entreprise », précise Laurent Richardeau, directeur général délégué de Numen Solutions. Il faut ensuite déterminer l’organisation humaine (responsabilité, processus interne, audit régulier, etc.) puis l’architecture matérielle (choix du support, organisation du stockage, etc.) et enfin, l’organisation physique des locaux (protection contre les catastrophes, sécurité, etc.) et un format pérenne de stockage des archives.

« La gestion du référentiel de conservation dans une TPE peut correspondre à une liste d’une cinquantaine de types de documents. » Noureddine Lamriri Everteam

La typologie de l’entreprise à prendre en compte

Franchir ces différents caps dépend de la typologie de l’entreprise. « Il existe une segmentation par taille d’entreprises. Un SAE dédié à un grand groupe n’est pas du tout le même qu’un SAE destiné à une TPE. Même s’ils peuvent se ressembler sur le volet fonctionnel, leur déploiement est différent. La gestion par exemple du référentiel de conservation dans une TPE peut correspondre à une liste d’une cinquantaine de types de documents. Dans un grand groupe, la structuration de ce référentiel est hiérarchique, multi territoires, multi filiales, elle est beaucoup plus complexe », illustre Noureddine Lamriri, VP product management chez Everteam. Un système d’archivage est une solution transverse dont la mise en place nécessite une préparation.

Disposer de la chaîne de preuves

« Il y a plusieurs points à considérer. D’abord le périmètre des flux concernés, faut-il travailler uniquement sur des documents électroniques ou au contraire tout prendre en compte, y compris des originaux encore en format papier pour lesquels est nécessaire en amont une étape de dématérialisation pour obtenir une copie fiable ? Il faut ensuite regarder les typologies des documents qui sont concernés car les durées légales de conservation peuvent être différentes. Il n’est enfin pas nécessaire de remettre en cause tout ou partie d’un existant. Nous pouvons aider les entreprises à faire évoluer leur système, conseiller des logiques de migration ou d’évolution à partir d’un existant à gérer, et réaliser une analyse technique de l’infrastructure et des briques au regard des écarts fonctionnels qui peuvent exister entre le cadre normatif de la NF Z-42 013 », indique Éric Jamet, directeur marketing, stratégie et innovation chez Tessi documents services. « Avant de réaliser le socle nécessaire à transmettre et recevoir les archives, il est nécessaire de réaliser l’analyse du fonds d’archives et de disposer de toute la chaîne de preuves. S’il manque des éléments de piste d’audit ou de signature dans les documents originaux, les verser dans le SAE n’apportera pas la vocation probatoire attendue », ajoute Emmanuel Faure, directeur marketing de Locarchives.

« Il est nécessaire de réaliser l’analyse du fonds d’archives et de disposer de toute la chaîne de preuves. » Emmanuel Faure, Locarchives

Le fond documentaire existant ne fait donc pas l’objet d’une reprise brute, loin de là. « Il n’y a aucun intérêt à récupérer des données qui ne proviennent pas d’un SAE à vocation probatoire car elles n’ont par définition aucune valeur probatoire. Si l’on veut donner de la valeur à un document numérique, il faut pouvoir authentifier de manière certaine de qui il émane et garantir dans le temps son intégrité », rappelle Charles Du Boullay, PDG de CDC Arkhinéo.

Comment obtenir de tels documents ?

Autant d’éléments incorporés dans les métadonnées des documents éligibles au versement dans un système d’archivage électronique à vocation probatoire. Comment obtenir de tels documents ? En produisant des copie fidèles comme le formalise la norme NF Z 42-026, des copies produites par un système qui s’appuie sur une logique de piste d’audit et dans lequel sont décrites toutes les étapes de la transformation d’un document papier en document numérique. Chacune de ces étapes est précisée dans une convention qui régule les opérations de numérisation. La garantie d’incorruptibilité est quant à elle délivrée par l’enregistrement de la copie fidèle dans un SAE à valeur probatoire. La copie devient alors une archive dont le cycle de vie est totalement pris en charge.

 


Le coffre-fort électronique,
élément technique d’un SAE

Le coffre-fort électronique est un espace de conservation sécurisé, une solution logicielle dont l’objet est la protection de documents numériques mais qui sert aussi à démontrer leur intégrité. Ce dispositif n’intègre pas d’infrastructures techniques et logicielles telles qu’un firewall ou un serveur dédié, indispensables pour garantir la pérennité et la disponibilité de ces documents. Un coffre-fort électronique ne se substitue pas à un SAE, il en constitue la brique dédiée au stockage. Il complète une GED en fournissant des fonctions d’archivage à valeur probatoire et de traçabilité des données qui y sont placées. Comme pour un coffre-fort physique, un coffre-fort électronique n’est pas destiné à manipuler les documents car ceux qu’il contient sont figés. Le coffre est un élément de stockage d’un SAE qui doit garantir dans le temps la conservation d’un fichier, son intégrité et son accès selon les droits qui y sont associés. Alors que la norme NF Z-42 013 s’attache à décrire le socle fonctionnel d’un SAE, la norme NF -Z42 020 s’applique au coffre-fort électronique dont elle décrit elle aussi les grandes fonctions : déposer, détruire, lire, restituer et contrôler les éléments qui y sont placés. La NF Z-42 013 possède cependant un périmètre plus large. En plus des documents à vocation probatoire, elle concerne les documents sécurisés et tracés dans le but d’identifier, si cela est nécessaire, la personne qui a pris connaissance de leur contenu.